Anniversaire de la deuxième guerre des États-Unis en Irak 20 mars 2003 De la presse du Parti
La « démonstration convaincante » de Colin Powell : « Acceptez notre diktat, sinon… »
Le 5 février, deux jours avant son allocution de 80 minutes à la réunion ministérielle du Conseil de sécurité, le secrétaire d’État américain Colin Powell faisait publier une lettre dans le Wall Street Journal dans laquelle il promettait une « démonstration convaincante » que Saddam Hussein « cache les preuves de l’existence de ses armes de destruction massive ». Il n’y aura pas d’« arme du crime » (« smoking gun »), disait-il, mais des « preuves » sous forme de photographies d’« usines mobiles d’armes biologiques » et de « transcriptions de conversations entre officiers irakiens ».
C’est ce qu’il a fait. Au premier abord son exposé ne semble pas avoir changé le rapport de force au Conseil de sécurité en faveur de la position américaine pour ce qui est de donner un vote de confiance aux États-Unis pour qu’ils déclenchent l’agression contre l’Irak. Les points de vue exprimés à la suite de son intervention montrent tout au plus que les convertis y ont trouvé leur « preuve accablante » tandis que les non convertis sont demeurés sur leur soif.
Alors s’il n’y avait pas d’« arme du crime » et que seuls les convertis croient que les écoutes de conversations et les photos sont des « preuves » crédibles, à quoi a servi toute cette mise en scène ? La majorité dans la population mondiale reste résolument opposée à toute agression américaine contre l’Irak et une majorité de pays restent sceptiques quant à la « démonstration » américaine. Or, les grandes puissances et d’autres s’enlignent quand même de plus en plus derrière les États-Unis. Pourquoi ?
Au Caire, le 3 février, Richard Haas, directeur de politique et de planification du département d’État américain, parlant de l’allocution que son patron allait présenter au Conseil de sécurité deux jours plus tard, a dit au quotidien Al-Ahram : « Nous n’allons pas vous montrer des photographies de 30 000 ogives portant des armes chimiques, si c’est que vous entendez par preuve. » Comme si les peuples du monde n’étaient pas en droit de s’attendre à une telle preuve. Il continue : « Nous allons présenter d’autres éléments concernant l’activité des Irakiens qui permettront à toute personne raisonnable de déduire que ces gens cachent quelque chose ». Et c’est en effet ce qu’a présenté Colin Powell : d’« autres éléments » desquels « toute personne raisonnable » est censée « déduire que ces gens cachent quelque chose ».
Alors si la « preuve » n’est pas ce que tout le monde considère normalement comme une preuve, qu’est-ce que les impérialistes américains entendent par « preuve » ?
D’abord notons que c’est la majorité de la population mondiale qui est ainsi déclarée comme n’étant pas « raisonnable », car la majorité continue de s’opposer vigoureusement à toute guerre d’agression contre l’Irak. C’est un raisonnement qui va de soi pour les Tony Blair et Jean Chrétien qui ne cessent de répéter que ce n’est pas au peuple de décider si son pays va en guerre ou pas. Les gouvernements sont élus pour « faire les choix difficiles », disent-ils, parce que le peuple n’est pas en mesure de décider. Ce sont « les gouvernements » qui décident, pas le peuple dont ils sont censés être les représentants suivant le processus démocratique. Le système de soi-disant démocratie représentative, un système dominé par les partis, prive le peuple du pouvoir d’exercer un contrôle sur les gouvernements qu’il porte au pouvoir.
Voyons donc quels sont ces « éléments » apportés par Colin Powell desquels « toute personne raisonnable » doit conclure que « ces gens cachent quelque chose ».
Il y en a deux catégories. La première est celle des « pièces à conviction », l’« arme du crime » qu’on avait promise au monde mais qui s’est avérée n’être que des écoutes téléphoniques et des photographies captées par satellite. Laissons de côté le fait que « les gens raisonnables » sont vite à conclure que ce genre de conversations interceptées et de photographies par satellite peuvent très bien avoir été fabriquées de toute pièce par les agences de renseignement américaines. Laissons de côté également l’observation évidente que si les appareils d’espionnage et les satellites américains ont pu repérer des camions déplaçant des preuves de l’existence d’armes chimiques, pourquoi ne peuvent-ils pas dire aux inspecteurs de l’ONU où ces camions sont allés ? ! Ces « éléments » sont présentés pour saper la crédibilité de Saddam Hussein et, surtout, créer l’épouvantail d’un monstre qui pourrait créer une épidémie de variole et répandre des gaz mortels sur des régions entières du globe. De là, on dit : « Vaut mieux prévenir que guérir. » Avec la logique impérialiste américaine qui dit que les Irakiens « cachent quelque chose », qu’ils ont commis « des violations substantielles » des résolutions du Conseil de sécurité, ce scénario apocalyptique est tout ce qu’il manque pour conclure que l’usage de la force contre eux est « légitime ». On nous dit alors que c’est une preuve « très convaincante ».
De fait, aux termes du droit international ce raisonnement en soi constituerait un crime contre la paix. C’est le propre d’une campagne de peur, d’une guerre psychologique visant à intimider les peuples pour leur faire accepter l’agression contre un pays membre de l’ONU, actions proscrites par la Charte de l’ONU. C’est également un raisonnement basé sur la logique médiévale qui dit qu’on est « coupable jusqu’à preuve du contraire ». Toutes les grandes puissances semblent d’accord avec cette logique puisque l’essentiel de la Résolution 1441 du Conseil de sécurité est de déclarer que c’est à l’Irak de prouver qu’elle a détruit toutes les armes de destruction massive dans une situation où les impérialistes américains se sont institués en juges pouvant agir avec impunité et ayant déjà déclaré que rien de ce que fera l’Irak ne sera suffisant.
Bien que les impérialistes américains et leurs apologistes considèrent comme « convaincants » ces « éléments » présentés par Colin Powell qui entrent dans la catégorie de « preuves », les États-Unis ne fondent pas leur argument entièrement là-dessus. Il le fondent aussi sur des « éléments » de l’autre catégorie.
L’autre catégorie d’« éléments » sont ceux qui répètent les assertions que font les impérialistes américains, à l’unisson avec leur ardent partisan le premier ministre britannique Tony Blair, qu’un commentateur a décrit comme le meilleur ministre des Affaires étrangères que le gouvernement américain ait jamais eu. « Le temps est écoulé » est un exemple de ce type d’« éléments ». « Il est moins cinq », de dire Hans Blix. « L’ONU n’aura plus sa raison d’être si elle ne fait pas ce que disent les États-Unis » en est un autre. Tony Blair l’a bien exprimé lorsqu’il a mis en garde les membres permanents du Conseil de sécurité de ne pas « faire un usage irraisonnable ou capricieux de leur droit de veto ».
Lorsque les impérialistes américains déclarent que « le temps est écoulé », à qui s’adressent-ils ? Lorsqu’ils disent que si la communauté internationale n’accepte pas l’usage de la force contre l’Irak, l’ONU perdra sa raison d’être, qui menacent-ils ? Certainement pas Saddam Hussein, puisqu’il est depuis longtemps établi qu’ils ont l’intention d’envahir l’Irak quoi qu’il arrive. D’ailleurs, une ONU soumise au veto des grandes puissances est en mal de renouveau démocratique et les peuples du monde ne peuvent pas compter sur elle pour défendre leurs intérêts. Non, les menaces américaines s’adressent carrément aux autres grandes puissances, en premier lieu celles qui détiennent le droit de veto au Conseil de sécurité, et ensuite à tous les pays qui voudraient contester l’hégémonie américaine. Elles s’adressent également à tous les pays qu’ils veulent obliger à faire partie de leur « coalition des volontaires » ainsi qu’aux peuples du monde à qui ils veulent imposer la passivité.
La « démonstration convaincante » de Colin Powell a été de dire au monde que les impérialistes américains sont maintenant prêts à envahir et qu’ils n’accepteront plus de tournage en rond de personne. Ils disent au monde entier : Ou bien vous vous soumettez à notre diktat et à notre nouvel ordre mondial dans lequel nous-seuls décidons des règles du jeu, ou bien vous serez anéantis.
C’est là que semble se trouver la réponse à ce à quoi nous avons précisément assisté lorsque le secrétaire américain à la défense, Colin Powell, a présenté sa « démonstration convaincante » lors de la réunion ministérielle du Conseil de sécurité, le 5 février. Il s’agit de la doctrine Bush « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ». Les impérialistes américains disent à toutes les autres grandes puissances ainsi qu’aux peuples du monde entier : « Soumettez-vous au diktat américain, ou sinon…. ».
![]() |
![]() |
[RETOUR]