Numéro 12
15 août 2023
Ne touchez pas au Niger!
Non à l’ingérence étrangère dans les affaires du Niger et de son peuple ! États-Unis, France et Union européenne, hors d’Afrique!
Le 26 juillet, le général Abdourahmane Tchiani, ancien chef de la garde présidentielle nigérienne, et d’autres membres des forces armées nigériennes ont déposé le président Mohamed Bazoum et se sont emparés du pouvoir. Le général Tchiani a déclaré qu’il voulait éviter « la disparition progressive et inévitable » du Niger. Les putschistes ont depuis organisé le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), un groupe régional de 15 pays, présentement présidée par le président du Nigeria Bola Tinubu, a menacé d’intervenir militairement le 6 août si Mohamed Bazoum n’était pas libéré et rétabli dans ses fonctions avant cette date, mais le délai est passé sans que rien ne se passe et les membres de la CEDEAO ne sont pas unanimement en faveur d’une action militaire. Le Sénégal, le Mali et le Burkina-Faso ont déclaré qu’ils étaient fermement opposés à toute intervention militaire au Niger. Même le sénat nigérian s’est opposé à une intervention militaire et a invité la CEDEAO à « renforcer les options politiques et diplomatiques » pour faire face à la situation. La constitution nigériane exige l’approbation du Sénat avant tout déploiement de troupes à l’extérieur ou à l’intérieur du pays, sauf si le président estime que la sécurité nationale est menacée. Le sommet de la CEDEAO qui devait se tenir à Accra, au Ghana, le 10 août et qui devait examiner les « meilleures options » pour une intervention militaire a été reporté sine die, soi-disant pour des raisons techniques.
Le Niger est un pays enclavé d’Afrique de l’Ouest, bordé par la Libye au nord-est, le Tchad à l’est, le Nigeria au sud, le Bénin et le Burkina Faso au sud-ouest, le Mali à l’ouest et l’Algérie au nord-ouest. Il est considéré comme la porte d’entrée du Sahel, une région de 5 900 kilomètres de long qui s’étend de l’océan Atlantique à la mer Rouge et couvre en partie le nord du Sénégal, le sud de la Mauritanie, le centre du Mali, le nord du Burkina Faso, l’extrême sud de l’Algérie, le sud du Niger, l’extrême nord du Nigeria, du Cameroun et de la République centrafricaine, le centre du Tchad, le centre et le sud du Soudan, l’extrême nord du Sud-Soudan, de l’Érythrée et de l’extrême nord de l’Éthiopie. Le Sahel occidental, y compris le Niger, a été colonisé par la France à la fin du XIXe siècle, puis décolonisé en 1960. Le Sahel oriental a été annexé par l’Égypte en 1820, avant de passer sous contrôle britannique dans le cadre du Sultanat d’Égypte en 1914.
Le Niger produit 7 % de l’offre mondiale d’uranium, extrait principalement par des sociétés minières françaises qui exploitent l’uranium au Niger depuis 1957. La société canadienne GoviEx Uranium détient 80 % des intérêts miniers dans le projet Madaouela au Niger. Alors que les multinationales étrangères pillent les richesses du Niger, la population a l’un des niveaux de vie les plus bas au monde et le revenu par habitant est inférieur à 600 dollars américains par an.
Le gouvernement de Mohamed Bazoum était connu pour sa collaboration étroite avec les armées des États-Unis et de l’ancienne puissance coloniale, la France. Le département d’État américain a décrit le Niger comme « important en tant que pivot pour la stabilité au Sahel » et comme « partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme » et divers groupes islamistes. Les États-Unis et la France disposent de bases aériennes à Niamey, la capitale du pays. Selon Reuters, « la France a entre 1 000 et 1 500 soldats au Niger, avec le soutien de drones et d’avions de guerre ». Le CNSP a notamment révoqué cinq accords de coopération militaire et suspendu la diffusion des chaînes d’information internationales françaises France 24 et RFI. Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré que Mohamed Bazoum était le seul dirigeant du pays, ajoutant que la France « ne reconnait pas les autorités issues du putsch mené par le général Tchiani » et que « nous réitérons dans les termes les plus fermes les demandes claires de la communauté internationale appelant à la restauration sans délai de l’ordre constitutionnel et du pouvoir civil démocratiquement élu au Niger ». La France a mené des opérations militaires dans toute l’Afrique de l’Ouest au cours de la période récente.
En ce qui concerne les États-Unis, « il y a environ 1 100 soldats américains au Niger, où l’armée américaine opère à partir de deux bases. En 2017, le gouvernement du Niger a approuvé l’utilisation de drones américains armés pour cibler les militants », informe Reuters. « L’ambassade américaine à Niamey en 2021 a déclaré que le Pentagone et le département d’État avaient fourni au Niger plus de 500 millions de dollars en équipement et en formation depuis 2012 », ajoute l’agence. Les États-Unis s’opposent au coup d’État uniquement parce qu’il ne sert pas leurs intérêts, mais ne l’ont pas qualifié de coup d’État, car selon la législation américaine, cela les obligerait à cesser leur assistance militaire et économique, et les États-Unis ne veulent pas renoncer à la position stratégique de leurs troupes et de leurs bases au Niger. En 2020, une carte du commandement américain en Afrique (AFRICOM) indiquait que les États-Unis disposaient de 29 bases militaires sur le continent.
Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État des États-Unis par intérim – qui a orchestré le coup d’État de 2014 en Ukraine à l’origine des événements qui ont conduit à l’actuelle guerre par procuration des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine – est à Niamey, en pourparlers avec les dirigeants du coup d’État. Victoria Nuland a déclaré que « s’il y a un désir de la part des responsables de revenir à l’ordre constitutionnel », les États-Unis offrent leur « aide ».
Le ministère italien de la Défense indique que quelque 300 soldats italiens se trouvent au Niger. L’Union européenne « dispose de 50 à 100 soldats pour une mission de formation militaire de trois ans qu’elle a mise en place au Niger en décembre afin d’aider le pays à améliorer sa logistique et ses infrastructures ». L’Allemagne a déclaré en avril qu’elle déploierait jusqu’à 60 soldats dans le cadre de cette mission.
Pour sa part, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a déclaré dans un communiqué daté du 1er août : « Le Canada salue le leadership des chefs de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [CEDEAO] et les décisions qu’ils ont prises lors de leur sommet tenu le dimanche 30 juillet, lequel visait à rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Le Canada réitère que le président Mohamed Bazoum, sa famille et les membres du gouvernement démocratiquement élu qui sont détenus doivent être libérés immédiatement. Nous appuyons également l’appel de la CEDEAO exigeant la réintégration du président Bazoum dans ses fonctions de chef d’État dans le délai prescrit par l’organisation régionale.
« Le Canada condamne la tentative de coup d’État, laquelle menace la stabilité du Niger et de la région. La prise du pouvoir par la force par des éléments des forces de défense et de sécurité compromet les efforts de paix, de stabilisation et de développement entrepris par le gouvernement démocratiquement élu. Le Canada est déterminé à appuyer la démocratie, la gouvernance inclusive et l’état de droit.
« Nous exprimons notre plus profonde solidarité au peuple nigérien qui est confronté à cette crise. »
Le 5 août, une autre déclaration d’Affaires mondiales a indiqué que le Canada suspendait l’aide au développement du gouvernement du Niger. « Dans le contexte actuel, il serait impossible de maintenir le soutien direct au gouvernement du Niger tout en garantissant l’utilisation des sommes aux fins prévues et de manière efficace. Depuis octobre 2020, le Canada a un programme bilatéral de coopération au développement avec le Niger, qui devait atteindre un budget annuel de 10 millions de dollars d’ici 2026. Le programme a versé 2,71 millions de dollars en 2021-2022. »
Un rassemblement a eu lieu à Niamey le 6 août, auquel ont participé 30 000 personnes, pour soutenir le CNSP. Prenant la parole, le général Mohamed Toumba, l’un des dirigeants du CNSP, a dénoncé ceux qui, « tapis dans l’ombre », « complotent la subversion » contre « la marche en avant du Niger ». « Nous sommes au courant de leur plan machiavélique », a déclaré Mohamed Toumba.
Les multiples déclarations et les rapports des médias ne mentionnent pas que la déstabilisation et l’augmentation de l’activité terroriste au Sahel sont le résultat direct de l’intervention illégale de l’OTAN en Libye en 2011 pour déposer Mouammar Kadhafi. Alors que ses avions à réaction bombardaient la Libye depuis le ciel, l’OTAN déversait des armes sur le terrain pour fomenter une guerre civile. Ces armes et les groupes armés par l’OTAN en 2011 ont ensuite déstabilisé le Sahel, justifiant ainsi de nouvelles interventions étrangères au nom de la « stabilité ». Sans parler du fait que la condamnation par le Canada des récents événements au Niger sonne creux quand on connaît le rôle criminel qu’il a joué dans l’orchestration du coup d’État de connivence avec la France et les États-Unis pour renverser le président démocratiquement élu d’Haïti Jean-Bertrand Aristide, causant une violence, une anarchie et un chaos qui perdurent à ce jour, et quand on sait que le Canada a participé au bombardement criminel de la Libye et au renversement de son gouvernement sous les auspices de l’OTAN.
L’intervention militaire constituerait un développement dangereux pour le Niger et l’Afrique dans son ensemble, et il faut s’y opposer.
Rassemblement de Montréal en soutien au Niger et à son peuple : la souveraineté du peuple doit prévaloir!
Le samedi 12 août, à l’appel de Soutien Niger et d’autres organisations de la diaspora africaine et haïtienne, des personnes se sont rassemblées pendant plus de deux heures au centre-ville de Montréal, à la Place Émilie-Gamelin. Ils ont réaffirmé que le peuple nigérien et les peuples africains n’accepteront aucune ingérence étrangère dans leurs affaires intérieures. Devant une foule de plus en plus nombreuse, les orateurs se sont succédé pour dénoncer les sanctions économiques imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) au peuple nigérien. Ces sanctions, qui se traduisent par des coupures d’électricité imposées par le gouvernement nigérian, la fermeture des frontières, la suspension des transactions commerciales et le gel des avoirs à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, pèsent lourdement sur le peuple nigérien. Les participants à l’action ont pointé du doigt la France, puissance néocoloniale évincée du Mali et du Burkina Faso, qui désire maintenir son emprise sur le Niger, comme principale responsable en coulisses de l’adoption de ces sanctions.
Parmi les orateurs chaleureusement applaudis par la foule se trouvait une représentante de la diaspora haïtienne. Elle a rappelé que le Niger est décrit par les médias de masse monopolisés comme l’un des pays africains les plus pauvres du monde et qu’Haïti est présenté comme le pays le plus pauvre de notre hémisphère. « Ils mentent », a-t-elle déclaré, ajoutant que les peuples d’Haïti et du Niger sont immensément riches, mais qu’ils sont empêchés de profiter des avantages de cette richesse en raison d’une ingérence étrangère constante. « Il est temps que nous prenions notre destin en main », s’est-elle écriée, sous les applaudissements de la foule. Elle a rappelé comment, dans les deux pays, des gouvernements fantoches ont été mis en place par les puissances impérialistes au moyen d’élections truquées, tandis que les organisations terroristes sont encouragées, armées et financées par des pays tels que les États-Unis, afin de créer un état d’anarchie et de chaos dans chaque pays et de justifier encore plus d’interventions étrangères.
Entre les discours, des chants ont été fièrement entonnés à l’unisson par la foule, dont la nouvelle version de l’hymne national du Niger, en remplacement de celui dont les paroles et la musique ont été composées par des Français en 1960. Au centre du nouvel hymne se trouve un appel au peuple nigérien à être le symbole d’une nation pacifique, forte et unie, qui incarne les meilleures traditions de ses ancêtres, pour construire ensemble un monde de justice, de paix et de progrès qui fera du Niger la fierté de l’Afrique.
Pour écouter et lire les paroles de l’hymne national, cliquez ici.
Le rassemblement s’est terminé par un appel à se préparer à manifester à nouveau, si la CEDEAO met à exécution sa menace d’intervention militaire contre le Niger.
Le Sommet Russie-Afrique
La demande d’un nouvel ordre mondial est indéniable
Les 27 et 28 juillet, la Russie a accueilli le Deuxième Sommet Russie-Afrique et le Forum économique et humanitaire Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg. Le premier sommet a eu lieu à Sochi il y a quatre ans.
Les délégations de 49 des 54 pays africains y ont participé, dont 17 dirigés par des chefs d’État, 5 par des vice-présidents, 4 par des chefs de gouvernement, 1 par un président parlementaire, 17 par des vice-premiers ministres ou ministres des Affaires étrangères et 5 par ambassadeurs.
Les États-Unis et les autres puissances impérialistes occidentales ont tout fait pour saborder le sommet, conseillant, cajolant ou menaçant les dirigeants africains désirant se rendre en Russie. Ils y ont réussi jusqu’à un certain point. Le nombre de hauts dirigeants à Saint-Pétersbourg était près de la moitié de ce qu’il a été à Sochi. Les médias américains et européens et les groupes d’experts n’arrêtent pas de dire que le sommet a été un échec, qu’il n’a produit rien de concret, etc.
Cependant, il est clair qu’ils n’ont pas réussi à saper l’évènement, comme en témoignent le ton de la déclaration finale, les ententes conclues et l’intensité des interactions. Les réunions et les discussions se sont même poursuivies pour une troisième journée non prévue.
Le sommet a adopté une déclaration finale en 74 points. Quatre déclarations sur des sujets spécifiques ont aussi été adoptées, y compris une déclaration sur la prévention de la course aux armements dans l’espace, une autre sur la coopération en sécurité informationnelle et une autre sur la consolidation de la coopération anti-terroriste, ainsi qu’un Plan d’action du Partenariat Russie-Afrique, pour mettre en oeuvre les décisions du sommet.
La déclaration finale aborde un large éventail de mesures concrètes pour améliorer la coopération, le commerce et la sécurité, et la coopération politique et économique pour se débarrasser des vestiges du colonialisme et des arrangements injustes et hégémoniques post-Deuxième Guerre mondiale créés par les impérialistes anglo-américains. Les signataires de la déclaration se prononcent plus particulièrement contre la discrimination ethnique et raciale, appuient le principe d’une sécurité pour tous plutôt que pour quelques privilégiés et annoncent des plans pour coordonner une panoplie d’activités politiques collaboratives, y compris au sein d’instances internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce, les Nations unies et le Conseil de sécurité de l’ONU.
La déclaration reflète l’influence et le rôle grandissants de l’Afrique et de l’Union africaine dans un monde multipolaire. Elle montre aussi que la Russie voit l’Afrique, comme avec l’Asie et l’Amérique latine, comme partie intégrante de la vague montante en faveur du remplacement des relations internationales inégales actuelles par ce que les décideurs politiques appellent « une structure plus diversifiée qui comprend plusieurs civilisations ».
Plusieurs déclarations faites au sommet reflètent ce besoin de changement et de nouveaux arrangements.
Comme preuve que le passé de subjugation coloniale n’a pas encore été relégué aux oubliettes de l’histoire, le président ougandais Yoweri Museveni a souligné que le PIB de 2,7 billions de dollars de tout le continent africain est encore inférieur à celui de certains pays individuels. Parmi ceux-ci, il faut compter les États-Unis et les anciennes puissances coloniales. En 2022, le PIB des États-Unis était de 20,89 billions de dollars ; celui de l’Allemagne, 3,85 billions ; du Royaume-Uni, 2,67 billons ; de la France, 2,63 billions ; et de l’Italie, 1,89 billions.
Le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, a observé qu’« il est impossible d’industrialiser notre continent sans électrification ». Il a dit au président Poutine : « Rappelez-vous le fameux slogan du grand révolutionnaire de votre pays : ‘Le communisme, c’est le gouvernement des Soviets plus l’électrification de tout le pays.’ » Entretemps, aujourd’hui, a-t-il dit, « 600 millions d’Africains — je vais répéter ce chiffre, 600 millions d’Africains — vivent sans électricité ». L’ONU établit la population de l’Afrique à 1,46 milliards d’habitants en 2023.
Les présidents du Burkina Faso, du Cameroun, de la République centre-africaine, de l’Ouganda, du Congo, de l’Égypte, de l’Érythrée, de la Guinée-Bissau, de la Libye, du Mali et même de l’Union africaine ont tous souligné l’importance d’une convergence avec la Russie en s’appuyant sur l’éradication du legs persistant du colonialisme et du néocolonialisme et sur l’urgence de défendre la souveraineté nationale.
Avant le sommet, le président russe Vladimir Poutine a publié un article d’opinion où il souligne la signification du sommet pour la Russie. Il écrit : « Nous sommes réunis par un désir commun de façonner un système de relations fondé sur la priorité du droit international, le respect des intérêts nationaux, l’indivisibilité de la sécurité et la reconnaissance du rôle central de coordination des Nations unies. Aujourd’hui, le partenariat constructif, confiant et tourné vers l’avenir entre la Russie et l’Afrique est particulièrement significatif et important. »
L’esprit et le contenu du changement et de nouveaux arrangements internationaux qui ont caractérisé ce Deuxième Sommet Russie-Afrique ont été concrétisés dans les ententes et les mécanismes durables énoncés dans la Déclaration du sommet.
À titre d’information
Faits saillants de la Déclaration finale du deuxième Sommet Russie-Afrique
Le deuxième Sommet Russie-Afrique a adopté une déclaration finale en 74 points. Le préambule traite des principes communs en matière de relations internationales. Le corps du texte contient des mesures spécifiques dans cinq domaines de coopération : le mécanisme de partenariat de dialogue, la coopération politique et juridique, la sécurité ; la coopération commerciale et économique et enfin la coopération environnementale et climatique.
Le préambule
Le préambule énonce la responsabilité de « s’opposer conjointement au néocolonialisme », à l’imposition de conditions et à la pratique « des doubles standards » et l’engagement de ne pas permettre « à ces pratiques de priver les États et les peuples du droit de choisir souverainement leurs voies de développement ». Il se félicite de l’importance croissante des États africains et de l’Union africaine dans les affaires internationales en tant que pilier essentiel du monde multipolaire.
Il appelle à « la mise en place d’un ordre mondial juste et stable fondé sur les principes d’égalité souveraine des États, de non-ingérence dans leurs affaires intérieures, de respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et du droit de tous les peuples à l’autodétermination », conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations unies du 14 décembre 1960.
Les pays africains se déclarent « profondément préoccupé par les défis liés à la sécurité alimentaire mondiale, notamment la hausse des prix des denrées alimentaires et des engrais » et se félicitent de l’engagement de la Fédération de Russie à continuer de fournir une aide alimentaire, des engrais et de l’énergie aux États africains, ainsi que de mener à bien des projets d’aide au développement international[1].
Le préambule partage aussi explicitement l’opposition au « nationalisme agressif, au néonazisme, au néofascisme, à l’afrophobie, à la russophobie, à toutes les formes de racisme et de discrimination raciale ainsi qu’à la discrimination fondée sur la religion, les convictions ou l’origine, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée à l’encontre en particulier, mais sans s’y limiter, des migrants, des réfugiés, demandeurs d’asile ».
Mécanisme de partenariat de dialogue
Cette partie comporte trois points principaux. 1) Elle reconnaît le Forum de partenariat Russie-Afrique comme la pierre angulaire de la coopération multilatérale Russie-Afrique qui met en oeuvre les décisions du Sommet. Les sommets doivent être organisés tous les trois ans. 2) Elle établit la tenue de consultations politiques annuelles entre le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie et le président de la Commission de l’Union africaine, ainsi qu’entre les ministres des Affaires étrangères et d’autres personnes. 3) Elle crée un mécanisme permanent de dialogue de haut niveau entre la Russie et l’Afrique, qui fonctionnera dans le cadre du partenariat multilatéral de l’Union africaine, afin de coordonner les efforts de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme et d’aborder les questions de sécurité environnementale, alimentaire et de l’information.
Coopération politique et juridique
Les mesures de coopération politique et juridique sont énoncées dans les articles 4 à 31 du texte. Cette section identifie des problèmes spécifiques dans les relations internationales existantes, la gouvernance et l’état de droit. Elle énonce des mesures destinées à « contribuer à l’établissement d’un ordre mondial multipolaire plus juste, équilibré et stable », notamment en « s’opposant fermement à tout type de confrontation internationale sur le continent africain ».
Le rôle central de coordination des Nations unies est reconnu comme le « principal mécanisme multilatéral mondial pour aligner les intérêts des États Membres des Nations unies et leurs actions afin d’atteindre les objectifs de la Charte des Nations unies ».
Les parties s’engagent à travailler ensemble « pour contrer l’utilisation d’outils et de méthodes unilatéraux illégitimes, y compris l’application de mesures coercitives en contournement du Conseil des Nations unies » et rejettent « l’imposition dans les organisations internationales, principalement à l’ONU, de clivages qui entravent la recherche efficace de solutions aux questions urgentes à l’ordre du jour de l’ONU ». Ils ont convenu de renforcer la coordination entre les missions permanentes de la Fédération de Russie et des États africains auprès des Nations unies.
L’achèvement du processus de décolonisation en Afrique a été spécifiquement abordé avec l’engagement « d’assurer la compensation des dommages économiques et humanitaires infligés aux États africains par les politiques coloniales, y compris la restitution des biens culturels déplacés lors du pillage colonial » et de travailler ensemble « pour contrer les manifestations des politiques néocoloniales qui visent à saper la souveraineté des États, à les priver de la liberté de prendre leurs propres décisions et à piller leurs ressources naturelles ».
Les parties s’engagent à « redoubler d’efforts pour combattre les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale, ainsi que la discrimination fondée sur la religion, les convictions ou l’origine, y compris la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, le nationalisme agressif, le néonazisme et le néofascisme ».
La déclaration engage les parties à « adhérer aux principes du droit international […] à s’opposer aux initiatives et aux concepts visant à créer des alternatives au droit international » et à « travailler ensemble pour promouvoir un ordre international stable et juste fondé sur les principes et normes universellement reconnus du droit international inscrits dans la Charte des Nations unies ».
Le gel des réserves de change souveraines, tel qu’il est fréquemment pratiqué par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et d’autres pays, a été spécifiquement condamné, tout comme la pratique du chantage politique pour forcer les dirigeants de pays tiers à mettre en oeuvre de telles mesures.
Le dernier point de cette partie rejette les « tentatives de certains États d’utiliser des accusations infondées en matière de violations des droits de l’homme comme excuse pour s’ingérer dans les affaires intérieures et perturber les activités des organisations internationales ».
Coopération en matière de sécurité
Les points 32 à 40 traitent des préoccupations et des mesures spécifiques liées à la coopération en matière de sécurité. Les parties s’engagent notamment à instaurer la confiance entre les États et à « renforcer la stabilité mondiale et régionale sur la base du principe d’une sécurité égale et indivisible pour tous les États ».
Les parties se sont engagées à poursuivre une coopération étroite pour résoudre et prévenir les conflits en Afrique sur la base du principe de « solutions africaines aux problèmes africains » et à conjuguer leurs efforts pour assurer la sécurité alimentaire et énergétique à long terme du continent africain.
Le renforcement et le développement du cadre politique international pour le maintien de la stabilité stratégique, le contrôle des armements, le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ont été discutés, tout comme l’engagement à prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique et à préserver l’espace extra-atmosphérique à des fins exclusivement pacifiques, dans l’intérêt de l’humanité tout entière.
Coopération commerciale et économique
Les points 41 à 59 de la déclaration traitent du commerce et de la coopération économique. La majeure partie de cette section identifie les problèmes sans proposer de mesures spécifiques à prendre.
Les parties s’engagent à favoriser le partenariat économique, commercial et d’investissement entre la Fédération de Russie et l’Union africaine, ainsi que les principales organisations régionales africaines. La déclaration souligne la nécessité de restructurer l’architecture financière mondiale et de faire en sorte que le système économique mondial soit davantage orienté vers la réalisation des droits économiques et sociaux, y compris le droit au développement. Elle souligne également la nécessité d’alléger le fardeau de la dette imposé aux pays à revenu faible et moyen et de réformer l’Organisation mondiale du commerce afin de garantir un système commercial mondial ouvert, transparent, inclusif et non discriminatoire.
Les parties à la déclaration se sont engagées à « formaliser le dialogue entre l’Union économique eurasienne et les structures d’intégration régionales et autres de l’Afrique » et à encourager la coopération entre la Fédération de Russie et les États africains dans le domaine du commerce, du développement industriel et de l’investissement. Elles se sont également engagées à coopérer dans le domaine de la sécurité énergétique et du développement des marchés nationaux de l’énergie des États africains, à promouvoir la souveraineté et la sécurité alimentaires des États africains et à coopérer dans les domaines scientifique et technique, humanitaire et éducatif.
Coopération environnementale et climatique
Les points 70 à 74 de la déclaration traitent de la coopération environnementale et climatique. Les parties ont convenu que « le financement de l’action pour le climat ne doit pas accroître la dette des États africains ni mettre en péril leur souveraineté ». Elles se sont engagées à empêcher « la politisation de l’action internationale en matière d’environnement et de climat ». Elles ont affirmé « le droit de chaque État de choisir les meilleurs mécanismes et moyens pour protéger et gérer l’environnement, s’adapter au changement climatique et assurer une transition énergétique juste en fonction des circonstances et des capacités nationales ». Elles se sont également engagées à « développer la coopération dans des projets communs sur la protection de l’environnement et le développement durable ».
Note
1. Lors du sommet, le président de la Russie Vladimir Poutine a promis de livrer gratuitement des céréales à cinq des nations les plus pauvres d’Afrique, a annoncé des plans visant à développer la navigation commerciale et à mettre en place une logistique maritime et aérienne reliant la Russie à l’Afrique, à créer une plaque tournante en Afrique pour le commerce russe et à accroître la part de la Russie dans les importations de denrées alimentaires africaines.
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