Les producteurs laitiers sont perdants dans une décision sur le libre-échange
Le gouvernement considère la décision comme une victoire
– K.C. Adams –
Un groupe spécial de règlement des différends mis en place dans le cadre de l’accord de libre-échange nord-américain révisé a publié le 4 janvier 2022 une décision concernant le secteur laitier. Les États-Unis s’étaient plaints que le Canada ne respectait pas les modalités de l’accord pour ouvrir son marché laitier aux importations américaines. Le groupe spécial de trois membres s’est rangé à l’avis de la partie américaine et a statué que le Canada ne respectait pas l’engagement qu’il avait pris en vertu de l’accord de permettre l’entrée d’un plus grand nombre de produits laitiers américains sur le marché canadien. L’accord de libre-échange révisé accorde aux producteurs laitiers américains un accès en franchise de droits ou à tarif réduit au Canada pour leurs produits laitiers, notamment le lait, la crème, le fromage, le yogourt et la crème glacée. « Nous l’avons remporté — tel que nous l’anticipions », a déclaré à la CBC a déclaré un haut fonctionnaire du bureau de la représentante américaine au Commerce.
Cet attaque contre l’industrie laitière canadienne se fait au nom des oligarques qui dominent le secteur laitier américain et qui cherchent à s’emparer également de celui du Canada[1].
À la suite de la publication de la décision, la CBC a publié un article intitulé « Les États-Unis l’emporte face au Canada dans le premier conflit en vertu du nouveau pacte commercial nord-américain ». L’article se lit comme suit : « Le Canada a perdu son premier litige contre les États-Unis sous le nouvel accord commercial nord-américain. Un groupe spécial a conclu qu’Ottawa avait manqué à une partie de son obligation d’ouvrir le marché des produits laitiers. Maintenant, les États-Unis disent que le Canada pourrait faire face à des des droits de douane s’il ne réglait pas le problème. »
L’agence Reuters a publié un article similaire intitulé « Le Canada perd face aux États-Unis dans un conflit commercial, un groupe spécial estimant que les règles relatives aux produits laitiers sont contraires au pacte ». On y lit : « Le Canada a violé un accord commercial avec les États-Unis et le Mexique en réservant la plupart de ses contingents tarifaires préférentiels pour les produits laitiers aux transformateurs canadiens, selon un groupe spécial chargé du règlement des différends, et Washington a prévenu qu’il pourrait prendre des mesures de rétorsion si Ottawa ne change pas de cap. La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a déclaré que cette ‘victoire historique éliminera les restrictions commerciales injustifiées sur les produits laitiers américains, et garantira que l’industrie laitière américaine et ses travailleurs bénéficient pleinement de l’ACEUM pour commercialiser et vendre des produits américains aux consommateurs canadiens’.
« Les producteurs américains ont exporté 478 millions de dollars de produits laitiers au Canada de janvier à octobre (2021), selon les données américaines. Il n’était pas immédiatement clair de combien ce volume pourrait augmenter à la suite de la conclusion du groupe spécial. »
L’accord de libre-échange et le jugement continuent d’intégrer l’économie canadienne à l’économie américaine au profit de l’oligarchie mondiale. L’industrie laitière est l’un des derniers vestiges de ce que l’on pourrait appeler une économie canadienne sous le contrôle des Canadiens, dans l’intérêt des producteurs et des consommateurs canadiens. Les changements signalent la perte du contrôle canadien et une nouvelle victoire pour les oligarques mondiaux qui sont déterminés à fonctionner sans réglementation, sans règles ou tout semblant de souveraineté nationale en faveur du peuple.
Un autre clou dans le cercueil de l’industrie laitière canadienne
Dans une déclaration de Mary Ng, ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite entreprise et du Développement économique, et de Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Affaires mondiales Canada s’est félicité de la décision, a déclaré que le différend était résolu en faveur du Canada et que ce dernier se conformerait aux conclusions.
Aussi incongrue que cela puisse paraître, la déclaration semble présenter le jugement comme une « victoire » pour le Canada et non comme un nouveau clou dans le cercueil de la gestion de l’offre et des droits des Canadiens à contrôler leurs propres affaires économiques.
La déclaration commence par dire : « Nous sommes satisfaites du rapport du groupe spécial de règlement des différends, qui s’est prononcé largement en faveur du Canada et de son industrie laitière. »
Ces mots semblent étranges, mais à la réflexion, la déclaration applaudit l’orientation générale des accords de libre-échange qui permettent aux oligarques mondiaux de contrôler toute l’activité économique au sein d’une économie intégrée à celle des États-Unis qui fonctionne sans aucune réglementation souveraine susceptible de restreindre leurs opérations en faveur du peuple. En ce sens, la décision est une victoire pour les oligarques qui contrôlent en fait le gouvernement canadien et les principaux producteurs de l’industrie laitière. Il ne favorise pas les petits producteurs qui seront encore plus décimés en raison de l’accès accru au marché canadien.
La déclaration du gouvernement à la suite de la décision comprenait ces « faits en bref » : « L’industrie laitière du Canada est un pilier essentiel des collectivités rurales et un important moteur de l’économie au pays. Le Canada compte 10 095 fermes laitières, qui soutiennent quelque 19 000 emplois directs. La demande de produits laitiers canadiens demeure forte ; elle a donné lieu à une augmentation de 10 % de la production de lait cru au cours des 5 dernières années. »
Il convient de noter que la population du Canada a augmenté d’un pourcentage semblable au cours des dix dernières années et, par ailleurs, les faits pertinents seraient la quantité de lait et de fromage dont les Canadiens ont besoin et la quantité fournie par les producteurs canadiens.
La déclaration du gouvernement réitère sa soumission à l’oligarchie mondiale en disant : « Le Canada prend au sérieux ses engagements et ses obligations aux termes des accords internationaux, y compris ceux qui sont prévus dans l’ACEUM avec les États-Unis, son plus proche partenaire commercial. »
Une économie sous le contrôle du peuple qui répond à ses besoins et à ses revendications signifierait nécessairement un contrôle politique souverain qui restreint les activités des oligarques mondiaux lorsque leurs activités violent les droits et les besoins des Canadiens. Une économie souveraine au Canada ne serait pas organisée pour servir les oligarques les plus puissants mais serait autosuffisante et aurait pour objectif de garantir les besoins et les droits de toutes et de tous et de s’engager dans le commerce international pour l’avantage et le développement réciproques.
Note
1. Le groupe spécial de règlement des différends, composé de trois membres, est constitué d’un diplomate uruguayen qui a déjà été ambassadeur au Canada, d’une avocate canadienne spécialisée en droit commercial établie aux États-Unis et d’un avocat américain spécialisé en droit commercial nommé au groupe spécial de règlement par le Canada.
Publié le 18 janvier 2022