Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, le 27 janvier
À propos d’Auschwitz
– Dougal MacDonald –
À gauche: Plaque commémorative pour les personnes tuées par les nazis à Auschwitz, placée en 1948 et enlevée en 1989. À droite: Libération d’Auschwitz par l’Armée rouge le 27 janvier 1945.
Auschwitz était un complexe de camps de travail et d’extermination construit par les nazis de 1940 à 1942 en Pologne annexée, près de la ville d’Oswiecim, à environ 50 km à l’ouest de Cracovie. Auschwitz était le plus grand camp de concentration nazi, il se composait de trois camps principaux : le camp principal d’Auschwitz I, le camp d’extermination d’Auschwitz II-Birkenau où 90 % des prisonniers sont morts et Auschwitz III- Monowitz où se trouvait l’usine du monopole IG Farben qui utilisait la main-d’oeuvre esclave des déportés. À ces trois camps, s’ajoutaient plus de 40 camps satellites plus petits où le travail forcé des prisonniers était exploité dans des installations industrielles, des usines d’armement, des mines de charbon, des chantiers de construction et des fermes. Les premiers prisonniers ont été des Polonais et par la suite des prisonniers de guerre soviétiques, des Tziganes et des gens d’autres nationalités furent également incarcérés.
Le rapport soviétique du 6 mai 1945, reconnu comme document à valeur authentique par le Tribunal militaire international des procès pour crimes de guerre de Nuremberg, a établi que les nazis ont exterminé quatre millions de personnes à Auschwitz (exécutées, mais aussi mortes sous la torture, de faim, de maladies, d’épuisement et d’expériences médicales meurtrières). De 1948 à 1989, le monument aux victimes du régime nazi situé dans le camp commémorait la mémoire des quatre millions de victimes. Pour diminuer l’énormité des crimes nazis, les impérialistes ont réduit, en janvier 1995, à 1,5 million le chiffre « officiel » des morts gravé sur le nouveau monument commémoratif d’Auschwitz. Ce changement a alimenté la propagande des néo-nazis dont le gros mensonge est que les nazis et leurs collaborateurs n’ont jamais assassiné personne.
Auschwitz était un projet conjoint du capitalisme monopoliste allemand et américain qui a financé, construit et fait fonctionner le camp, exploité sauvagement la main-d’oeuvre esclave des camps pour des profits et organisé l’extermination des déportés. Les exemples de monopoles allemands impliqués ne manquent pas. Les archives de la Deutsche Bank, « découvertes » en 1999, contiennent des dossiers détaillés des prêts faits aux entreprises qui ont construit les installations du camp et l’usine adjacente de produits chimiques d’IG Farben qui utilisait les détenus comme main-d’oeuvre esclave où 25 000 d’entre eux sont morts. Le monopole IG Farben a été le fabricant du gaz Zyklon B, utilisé pour exterminer les prisonniers, ainsi que de nombreux autres produits pour la machine de guerre nazie. Le monopole de l’assurance Allianz a assuré la propriété et le personnel du camp d’Auschwitz. Ferdinand Porsche a demandé directement à Heinrich Himmler, chef de la SS, de lui fournir des esclaves d’Auschwitz pour son usine Volkswagen.
À gauche: Des soldats de l’Armée rouge constatent les atrocités des nazis à Auschwitz. À droite: Les prisonniers du camp de concentration d’Auschwitz sont libérés par l’Armée rouge, le 27 janvier 1945.
Il existe également de nombreux exemples de collaboration entre les sociétés allemandes et américaines, collaboration qui continue à ce jour. Le monopole allemand AEG a produit l’équipement et les installations électriques d’Auschwitz, en exploitant la main-d’oeuvre esclave du camp, tandis que le monopole allemand Siemens a exploité près de 100 000 travailleurs forcés dans une usine à l’intérieur d’Auschwitz qui approvisionnait le camp en électricité. Le monopole américain General Electric était propriétaire à 30 % d’AEG et avait d’importants investissements dans Siemens. La Consolidated Silesian Steel Company, propriété aux 2/3 de Freidrich Flick (reconnu coupable de crimes de guerre à Nuremberg) et à 1/3 du financier américain Averell Harriman et de son associé Prescott Bush, a également exploité la main-d’oeuvre esclave d’Auschwitz. Les profits souillés de sang de Prescott Bush ont servi à lancer son fils George H.W. Bush en affaires dans le pétrole en 1953, comme associé de la Zapata Corporation, et, par la suite, à propulser son fils et son petit-fils à la présidence des États-Unis.
Le camp d’Auschwitz n’a pas été le seul camp de concentration nazi à procurer une main-d’oeuvre esclave aux monopoles américains et allemands. Ainsi, Ford-Werke, la filiale allemande de la Ford Motor Company à Cologne, a utilisé la main-d’oeuvre esclave du camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne centrale, pour produire des véhicules blindés et des camions pour la Wehrmacht[1]. Henry Ford était un admirateur et sympathisant de longue date d’Adolf Hitler, qui a fait son éloge dans Mein Kampf et l’a récompensé en lui décernant la « Grand-Croix de l’Aigle allemand », plus haute décoration nazie pour les étrangers.
Un autre monopole américain qui a tiré des profits considérables d’Auschwitz est IBM[2]. Peu de temps après l’invasion de la Pologne par Hitler en 1939, IBM a créé une filiale spéciale de temps de guerre, la Watson Business Machines, pour aider les nazis à organiser l’asservissement et le pillage systématique de la Pologne. L’énorme centre des statistiques d’IBM à Cracovie (plus de 500 employés), transmettait ses données au Bureau central de recherche de statistique et de pays étrangers du Reich à Berlin. Les nazis ont utilisé ces renseignements pour regrouper et interner systématiquement les prisonniers, les sélectionner en fonction de la religion, de la nationalité et de l’affiliation politique, les transporter à Auschwitz, les employer comme main-d’oeuvre esclave, les affamer et les liquider. Le tatouage ignoble d’Auschwitz sur l’avant-bras des prisonniers commençait par un nombre de cinq chiffres, le code IBM correspondant à la carte perforée personnelle utilisée dans le système mécanographique créé par IBM pour retracer les prisonniers. La filiale polonaise d’IBM a continué ses opérations même après l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941.
Auschwitz n’était pas la première collaboration profitable d’IBM avec le régime nazi.
Tout de suite après la prise du pouvoir d’Hitler, l’Allemagne nazie est devenue son client le plus précieux à l’extérieur des États-Unis. En avril 1933, les nazis ont donné mission à la Dehomag, filiale d’IBM, de recueillir des données de recensement en Prusse. En 1937, les nazis ont donné à IBM un contrat de 14 millions de dollars (valeur actuelle) pour faire un nouveau recensement national qui, conformément aux lois raciales de Nuremberg de 1935 (très semblables aux lois raciales de l’État de la Virginie), devait retracer et enregistrer l’ascendance juive de chaque personne. La filiale d’IBM à Vienne, sous la supervision d’Adolf Eichmann, a recueilli de prétendues informations démographiques sur la population autrichienne avant l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938. Dans presque tous les pays occupés, les filiales d’IBM déjà présentes ont recueilli des informations qui ont servi à organiser une répartition efficace du matériel et du personnel militaires nazis et qui nous informent sur les plans meurtriers des agresseurs nazis.[3]
Les Alliés, qui savaient très bien ce qui se passait à Auschwitz, n’ont fait aucun effort pour effectuer un bombardement stratégique du camp, larguer des armes aux prisonniers, assurer une couverture aérienne pour des évasions, monter un raid pour libérer les prisonniers ou détruire les ponts et les voies ferrées servant au transport des prisonniers. La principale personne qui a bloqué toute opération des États-Unis est John J. McCloy, secrétaire adjoint à la Guerre et banquier et sous-fifre de Rockefeller. À la fin de 1944, McCloy a déclaré qu’une opération sur Auschwitz serait trop dangereuse, même si quelques mois plus tôt les forces alliées avaient bombardé, avec de très faibles pertes, plusieurs centres industriels à proximité d’Auschwitz et également endommagé des bâtiments du camp.
Peut-être que la véritable raison de McCloy était que la libération des prisonniers des camps de concentration aurait menacé les profits des monopoles qui exploitaient la main-d’oeuvre esclave des camps. McCloy, qui avait partagé la loge d’Adolf Hitler et d’Hermann Goering aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, a été conseiller juridique d’IG Farben de 1936 à 1940 et un proche de la famille des banquiers allemands Warburg, financiers d’IG Farben. Dans les années 1950, McCloy a amnistié et libéré tous les criminels de guerre nazis condamnés aux procès de Nuremberg, notamment les industriels Gustav Krupp, Flick Frederick, et les directeurs d’IG Farben. McCloy était un ami proche du pro-nazi Henry Ford, qui l’a nommé président de la Fondation Ford, poste qu’il a occupé de 1958 à 1965. De 1953 à 1960, McCloy a été président de la Chase Manhattan Bank des Rockefeller, l’ancienne Chase National Bank, qui avait aidé le régime nazi à convertir leurs devises en dollars. McCloy a également été un lobbyiste de la Standard Oil des Rockefeller, partenaire de l’IG Farben aux États-Unis, ainsi qu’administrateur de la Fondation Rockefeller, qui a financé le programme d’eugénisme allemand[4].
Après la guerre, IBM a récupéré sans problème ses actifs et ses profits d’Allemagne. Les Alliés n’ont jamais proposé de poursuivre en justice IBM pour crimes de guerre à Auschwitz et ailleurs même si Thomas Watson, président d’IBM de 1924 à 1956, a collaboré avec le régime nazi et a été un porte-parole politique du Reich allemand. En 1937, Hitler lui a décerné la Médaille du mérite de l’Aigle allemand avec étoile. Les principaux actionnaires d’IBM, qui étaient la famille Watson, Sherman Fairchild, et des héritiers des fondateurs d’IBM, ont conservé leur fortune personnelle et continué de l’accumuler. Thomas Watson et son frère sont devenus des ambassadeurs des États-Unis, Sherman Fairchild est mort paisiblement en 1971 avec une fortune estimée à 200 millions de dollars.
Notes
1. Voir : Billstein, Reinhold, Fings, Karola, Kugler, Anita, & Levis, Nicholas, Working for the Enemy : Ford, General Motors, and Forced Labour in Germany During the Second World War. Berghahn Books. 2000.
2. Voir : Black, Edwin, IBM et l’holocauste, Robert Laffont, 2001.
3. En 2004, une organisation tsigane a lancé une action en justice contre IBM, qui progresse lentement devant les tribunaux suisses. La poursuite allègue que les machines à cartes perforées d’IBM ont aidé les nazis à commettre leur extermination de masse plus efficacement. Cette action en justice a été déposée à Genève, en Suisse, où se trouvait le siège social en Europe d’IBM pendant la guerre.
4. En 1945, McCloy a contribué à retarder les pourparlers de paix avec le Japon, ouvrant ainsi la porte aux bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. D’innombrables autres exemples de ses décennies de loyaux services à l’oligarchie financière américaine peuvent être donnés.