In Memoriam
Ajit Singh Bains
Un arbre géant est tombé, un arbre qui a défié les plus hauts sommets
Tels sont les hommages que nous trouvons sur les pages Facebook du Canada et du monde entier alors que se répand la nouvelle du décès du juge Ajit Singh Bains. Le juge Bains était un juriste et un militant des droits humains hors pair dont les contributions étaient nombreuses. Il est peut-être mieux connu pour sa défense courageuse des personnes accusées de terrorisme ou traitées injustement par l’État et pour avoir traduit en justice les auteurs de crimes contre le peuple. Ses écrits sur le rôle fondamental que jouent les gouvernements pour faciliter ou éviter la tragédie de l’anarchie et de la violence sont aussi valables aujourd’hui qu’ils l’étaient lorsqu’il les a écrits dans les années 1980 et 1990.
À cette époque, le gouvernement indien, dirigé par un État aux mains d’intérêts privés étroits et de leurs services de renseignement, était impliqué dans la perpétration de crimes terribles contre la population du Pendjab, en particulier ceux qu’il identifiait comme des Sikhs. Qualifiées de terroristes et de fondamentalistes sikhs, des milliers de personnes ont été tuées lors de faux affrontements, enlevées, détenues, torturées et mutilées. Le sanctuaire le plus sacré des sikhs à Amritsar a été envahi et le massacre du peuple a été perpétré. La résistance s’est heurtée à des massacres pour diviser le peuple, ce qui a causé d’énormes dommages.
Ces massacres se poursuivent jusqu’à ce jour. Dans leur désespoir de s’accrocher au pouvoir, les cercles dirigeants persistent à utiliser les mêmes méthodes. Ils veulent contrôler les factions rivales dans leurs propres rangs, tandis qu’ils divisent le peuple pour écraser sa résistance et le réduire au silence.
Les peuples s’unissent néanmoins dans l’action pour que la justice prévale. Ils établissent leur propre voie, analysent les événements pour déterminer la voie qui leur est favorable et les forces nécessaires pour atteindre leur propre but. Le refus de se ranger du côté ou de l’autre des sections de la classe dirigeante est un pas nécessaire vers l’établissement de leur propre point d’observation, celui qui leur donne un avantage, pour pouvoir résoudre la crise d’une façon qui leur soit favorable.
À cet égard, les fermiers du Pendjab, rejoints par les travailleurs et les jeunes du Pendjab et de toute l’Inde, trempés dans les batailles qu’ils ont menées contre le terrorisme d’État et le génocide dans les années 1980 et 1990 et leurs conséquences, forgent aujourd’hui une nouvelle voie qui les investit du pouvoir de décision. Ils défient toutes les tentatives de les rendre responsables des problèmes qui existent en Inde, y compris l’utilisation de la désinformation et de la terreur d’État pour briser leur lutte et la détourner vers des confrontations au sein de la population. Plutôt que de succomber à ces méthodes, ils sont les pionniers d’un grand processus démocratique de masse, parlant en leur propre nom, ne permettant pas que leur nom soit usurpé par un processus électoral en vertu duquel un électeur autorise prétendument une autre personne à parler en son nom.
Ce qui se passe en Inde, aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays donne une grande importance aux écrits du juge Bains sur le terrorisme d’État. Depuis que les États-Unis ont lancé la «guerre contre le terrorisme» à la suite des attentats contre les tours jumelles de New York et le Pentagone à Washington, aucune loi, aucun document ni aucune action n’a jamais permis de définir ce qui constitue le terrorisme. Rejoints par le Canada et d’autres pays, ainsi que par l’alliance militaire agressive dirigée par les États-Unis, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ils ont suivi l’exemple de l’Inde.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, les gouvernements de ces pays ont adopté des lois qui suspendent l’état de droit sous prétexte que des circonstances exceptionnelles permettent de commettre des actes illégaux et criminels. Ils ont ainsi cautionné les guerres d’agression et d’occupation, les « changements de régime », les opérations occultes, les enlèvements, les détentions illimitées sans accusations, les assassinats de personnes déclarées terroristes et ennemies de la démocratie, les sanctions économiques, financières et commerciales contre des nations souveraines ainsi que la guerre des drones et d’autres crimes.
Tout comme les sikhs avaient été ciblés en Inde et au Pendjab au nom de l’opposition au « fondamentalisme sikh », le « fondamentalisme musulman » a été présentée comme une idéologie politique pour présenter toutes les personnes de confession musulmane comme des terroristes ou des terroristes potentiels et pour cibler les pays dits musulmans. L’islamophobie a été utilisée pour cibler les musulmans du monde entier comme des terroristes.
Ce modus operandi, qui inclut le refus de définir ce qui constitue un acte individuel de terrorisme ou le terrorisme d’État, a conduit à des guerres de destruction et à des crimes contre l’humanité d’une ampleur inconnue jusqu’à présent. Il a également provoqué des crises de réfugiés aux proportions inconnues jusqu’alors où Les victimes civiles sont déclarées « dommages collatéraux ».
L’opposition des peuples du monde est telle qu’aujourd’hui leurs luttes de résistance progressent contre les inégalités structurelles, le racisme d’État, les assassinats et les discriminations racistes par la police, les violences faites aux femmes, le traitement des travailleurs, des femmes, des personnes âgées, des jeunes, des enfants, des personnes issues de minorités nationales et celui des peuples autochtones. Alors que les peuples sont traités comme des êtres jetables, la police, les forces armées et les agences de l’État sont protégées, quels que soient les crimes violents qu’elles commettent dans le pays et à l’étranger.
Aujourd’hui, non seulement l’Inde et les États-Unis mais aussi des pays comme le Canada sont embourbés dans l’anarchie et la violence. La cause en est la mainmise sur l’économie et tous les aspects de la vie par les oligopoles mondiaux qui ont pris les rênes du pouvoir et font tout ce qui sert leurs intérêts privés étroits au nom de grands idéaux. Aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en France et dans d’autres pays, les gouvernements sont leurs instruments pour donner un vernis qui tente de cacher que l’autorité n’est pas harmonisée avec les conditions parce qu’elle sert des intérêts privés supranationaux. Toutes sortes de choses sont faites pour désinformer le corps politique, notamment l’incitation à la division entre ce que l’on appelle les extrémistes de droite qui disent se battre pour la démocratie et la liberté et la gauche libérale qui dit se battre pour la démocratie et la liberté. En réalité, les deux côtés se battent pour préserver les intérêts privés étroits qu’ils servent et cherchent à entraîner le peuple avec eux. Il est important que les peuples qui luttent pour une liberté et une démocratie qui défendent les droits de toutes et de tous voient ce qu’il faut faire quand les deux côtés ont tort. C’est le point de départ pour investir le peuple du pouvoir de décision, et non les riches qui occupent des positions de privilèges et de pouvoir et qui causent des ravages partout dans le monde.
Ces gouvernements imposent directement des lois qui garantissent qu’ils ne peuvent pas être tenus responsables de leurs propres violations de l’état de droit qu’ils ont précédemment adopté. Pendant ce temps, la lutte pour le pouvoir politique dans les rangs des dirigeants eux-mêmes est telle que ce que l’on appelle les institutions démocratiques ne fonctionnent plus pour résoudre les contradictions dans leurs propres rangs. Ces institutions ne représentent plus un processus de décision unificateur. La fonction publique, les forces de l’ordre, les tribunaux, les cabinets des présidents, des premiers ministres et des ministères sont privatisés. Cela se voit lorsque les ministres, les vice-ministres, les secrétaires parlementaires, les policiers, les commandants militaires et même les diplomates parlent tous en leur propre nom, font la promotion de leurs croyances personnelles et les mettent en pratique au nom de grands idéaux.
Mais partout, les peuples résistent. Ils réclament la justice, la paix et l’humanisation de l’environnement naturel et social. Régler les comptes avec la vieille conscience de la société est crucial pour remporter la victoire du Nouveau sur l’Ancien. Il faut établir une ligne de conduite qui ne repose pas sur la classe dirigeante pour décider de l’issue de ce qui se passe. Les conclusions tirées par le juge Ajit Singh Bains au cours de sa carrière et de sa vie sont utiles pour orienter les gens aujourd’hui.
En écrivant sur les violations des droits humains au Pendjab dans son livre Le siège des sikhs, publié en 1988, le juge Bains a souligné dans la Note de l’auteur :
« […] Tout ce que j’ai vu et étudié au sujet de la situation en Inde m’amène à conclure que le terrorisme et la violence individuels n’avancent en rien la cause du peuple ; seuls les chefs du gouvernement indien en tirent profit. Cela me rend d’autant plus soupçonneux quant aux véritables auteurs et instigateurs du terrorisme individuel comme du terrorisme d’État.
[…] Les personnes éprises de justice et de liberté considèrent comme une insulte et un crime impardonnable envers elles les attaques contre les sikhs. Elles voient également que cet ÉTAT DE SIÈGE CONTRE LES SIKHS sert de prétexte pour commettre des crimes contre tous les Indiens et pour faire la guerre au Pakistan et à d’autres pays voisins. Sous ce prétexte, le gouvernement de Delhi a renforcé l’armée et la police spéciale et les a autorisées à commettre des crimes n’importe où, notamment au Pendjab. […] Il constitue en pratique une attaque en règle contre la vie et la liberté de tous les Indiens et des peuples des pays voisins.
[…] Toutes les personnes éprises de justice et de liberté vivant en Inde doivent s’unir. Nous devons défendre les gens de religion sikh comme nous le ferions pour quiconque. Nous devons nous opposer à la tyrannie sociale et au terrorisme d’État partout où ils se manifestent, que ce soit au Pendjab ou en Assam, au Goudjerate ou ailleurs. Nous devons également nous opposer à l’agression d’État contre les pays voisins, comme l’intervention armée au Sri Lanka. »
(Le siège des sikhs La compagnie d’édition Le Nouveau Magazine ltée, Montréal, 1988. Disponible par commande postal pour 10,00$ en écrivant au Centre natinal de publications, CP 264, succursale Adelaide, Toronto, ON M5c 2J8. Faires chèque ou mandat à l’ordre du « NPC ». Frais de poste et de manutention inclus.)
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