Anniversaire d’Opération Blue Star
3 au 8 juin 1984
Le recours à la force pour réprimer le peuple
Il y a 37 ans, du 3 au 8 juin 1984, sur les ordres d’Indira Gandhi, l’armée indienne a lancé un assaut meurtrier contre le complexe du Temple d’Or à Amritsar, au Pendjab, et massacrait des milliers de sikhs innocents. D’autres gurdwaras ont également été attaqués.
Le Temple d’Or est le site le plus sacré des sikhs. L’objectif déclaré de l’opération Blue Star était de « nettoyer » le Temple d’Or des « terroristes religieux » dirigés par Sant Jarnail Singh Bhindranwale. L’opération a été menée dans le cadre de l’action concertée de l’État indien et de l’État canadien pour criminaliser les revendications politiques des sikhs qui voulaient faire du Pendjab un État à part entière – la création du Khalistan. La classe dirigeante a qualifié les défenseurs de cette revendication d’« intégristes religieux ». En raison de cette association du sikhisme à l’extrémisme, les Pendjabis ont été criminalisés, même ceux qui n’étaient pas religieux. Cela a servi de modèle pour cibler par la suite les personnes de confession musulmane. Assimilant l’intégrisme religieux au terrorisme, tous les musulmans, leurs communautés et les imams ont été traités comme des criminels soumis à une demande de prouver leur innocence en jurant fidélité à l’État et en se déclarant des « modérés ». En même temps, comme dans le cas des sikhs, les musulmans ont été et continuent d’être la cible d’attaques et tout est fait pour semer la division au sein du peuple.
L’opération de l’armée indienne contre le Temple d’Or a violé le caractère sacré d’un lieu de culte et a établi le précédent que désormais les lieux saints n’étaient plus considérés comme un asile sûr contre la persécution ou un refuge contre l’action de l’État. Selon les normes modernes, l’État n’est pas autorisé à interférer avec la conscience d’une personne et la pratique de ses croyances ou le sanctuaire de son lieu de culte. L’opération militaire, qui a été menée avec des chars, des hélicoptères, des véhicules blindés, de l’artillerie et des armes chimiques, a été planifiée pour avoir lieu au début du mois de juin 1984, le jour anniversaire du martyre du guru Arjan Dev. Plus de 70 000 soldats ont reçu l’ordre de capturer moins de 50 hommes. L’attaque militaire s’est déroulée sous le couvert d’une interdiction médiatique totale. Des milliers de civils innocents ont été tués en cinq jours.
L’assaut du centre de l’autorité spirituelle sikhe par l’armée indienne, sur les ordres d’Indira Gandhi, a provoqué immédiatement des mutineries au sein des unités sikhes de l’armée. Quatre mois plus tard, le 31 octobre, Indira Gandhi était assassinée par ses gardes du corps sikhs. L’État indien a déclenché d’impitoyables pogroms anti-sikhs dans un déchaînement de vengeance. Des milliers de sikhs innocents ont été battus et brûlés vifs au cours de pogroms anti-sikhs les 1er, 2 et 3 novembre. Des émeutiers anti-sikhs organisés par l’État ont massacré plus de 8 000 sikhs innocents, dont 3 000 à Delhi seulement. Les opérations gouvernementales subséquentes de Woodrose, Blackthunder, Night Dominance, Rakshak I & II et Final Assault ont entraîné la mort de 25 000 à 80 000 sikhs.
La police n’est pas intervenue et, dans certains cas, des policiers ont participé activement aux attaques. Des responsables gouvernementaux dont on sait qu’ils ont initié, autorisé et organisé cette violence ont par la suite bénéficié de promotions, y compris à des postes au cabinet, et de décennies d’impunité malgré les demandes répétées de justice.
Depuis lors, le recours à la violence a caractérisé la vie politique indienne jusqu’à ce jour. Cinq ans et demi après l’assassinat d’Indira Gandhi, son fils Rajiv Gandhi a lui aussi été assassiné le 21 mai 1991, dans un attentat qui a tué 15 autres personnes et fait de nombreux blessés, pendant sa campagne électorale à Sripenumpundur, à 40 km de Madras. L’assassinat de Rajiv Gandhi a donné lieu à de nouvelles violences contre la population.
Hardial Bains a beaucoup écrit sur l’anarchie et la violence au Pendjab et en Inde et a appelé les peuples de l’Inde à s’opposer à la criminalisation de la politique indienne. Il a souligné que cette criminalisation de la politique indienne a connu un développement dangereux au cours des cinq années où Rajiv Gandhi était premier ministre, de novembre 1984 à novembre 1989. En plus des massacres à grande échelle de sikhs dans toute l’Inde, en particulier à Delhi les 31 octobre et 1er novembre 1984, après l’assassinat d’Indira Gandhi, des milliers de politiciens et d’opposants politiques ont été assassinés du Cachemire à l’Assam, de Delhi au Tamil Nadu.
« Pendant toute cette période, des forces militaires et des forces de police spéciales ont été déployées dans toute l’Inde, mais pas un seul problème à caractère politique, économique ou social n’a été résolu », a souligné Hardial Bains, qui écrivait en 1991 :
« De tels actes ignobles sont perpétrés depuis la période d’urgence nationale de 1975 à 1977. L’assassinat d’opposants politiques, en particulier ceux qui sont qualifiés de « terroristes » et d’« éléments antisociaux », est pratiqué en Inde depuis longtemps, même avant la période de 1975-77. Tel est, par exemple, les cas bien connus des massacres de naxalites et de marxistes-Léninistes. Les assassinats lors de faux affrontements organisés par la police et les forces spéciales dans tout le pays sont devenus notoires. »
« La criminalisation de la politique indienne est le symptôme d’un système économique et politique qui se rebelle contre la résolution pacifique des problèmes. Que ce soit à l’intérieur d’un pays ou à l’échelle mondiale, il n’y a pas eu un seul problème qui a été résolu de manière pacifique au cours de la période actuelle. Au contraire, plusieurs grandes puissances et de puissants intérêts financiers commanditent constamment des agents qui exécutent leurs ordres dans différents pays. Le financement de groupes armés qui opèrent dans différents pays et commettent des assassinats politiques et d’autres crimes est devenu une norme acceptée. Les coups d’État fomentés par la CIA en Iran, en Grèce et au Guatemala en 1953-54, l’assassinat d’Allende au Chili en 1973, le financement des contras au Nicaragua, l’invasion de la Grenade et du Panama, le financement d’assassins au Salvador, pour ne donner que quelques exemples, montrent tous que ce sont les États-Unis qui, en premier lieu, ont introduit cette politique d’assassinat. Les grandes puissances financent non seulement les groupes terroristes clandestins, mais également les cliques réactionnaires au pouvoir elles-mêmes. Le cas de Saddam Hussein en est un exemple. Les Britanniques, les Américains, les Français, les Allemands, les Soviétiques et d’autres lui ont fourni des milliards de dollars en armement tant que cela servait leurs intérêts. Ils l’ont ensuite traité d’ennemi tout aussi promptement alors que d’autres cliques arabes réactionnaires sont les destinataires de leurs armes et de leurs faveurs. Comme en Inde, la ‘lutte contre le terrorisme’ et les ‘éléments antisociaux’ a été utilisée pour justifier le terrorisme d’État. De même, au niveau international, les activités des mêmes groupes terroristes, financés par la CIA et d’autres services de renseignements des grandes puissances, ont été utilisées pour justifier le terrorisme international des grandes puissances. Ainsi, les États-Unis ont bombardé la Libye en pleine nuit. Le président Assad de Syrie était considéré par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et d’autres pays comme un paria international avant la guerre du Golfe alors que Saddam Hussein était un allié. Aujourd’hui, Saddam Hussein est considéré comme un Hitler et un dictateur, alors que Assad de Syrie est un allié. Les mêmes cliques dirigeantes et les grandes puissances qui financent les groupes terroristes utilisent leurs activités pour justifier les actes de terrorisme d’État, tant au niveau national qu’international.
« C’est parce que les différentes cliques qui ont pris le pouvoir dans différents pays ont des objectifs intéressés. Ces cliques adoptent ouvertement une politique pragmatique, sans aucun principe, qui va à l’encontre des intérêts du peuple. Cela s’accompagne d’assassinats politiques qui deviennent la méthode pour aplanir les divergences politiques et idéologiques.
« L’assassinat de Rajiv Gandhi est le résultat direct de l’aggravation des contradictions au sein des cercles dirigeants, qui sont complètement déconnectés des intérêts du peuple. Cela montre leur désespoir et leur incapacité à résoudre ces contradictions. C’est aussi la conséquence de sa propre politique de criminalisation de la politique indienne, qui a été soutenue par tous les partis politiques de la Lok Sabha et n’a jamais été condamnée par aucun gouvernement d’autres pays. Tous les partis politiques ont promis qu’ils aideraient le peuple, mais aucun d’entre eux n’applique une politique allant à l’encontre de la ligne générale consistant à servir leurs propres intérêts étroits. »
« Lorsque de telles choses se produisent dans un pays et ne sont pas condamnées par les grandes puissances, non seulement cela les aide à établir un nouveau modus vivendi dans lequel de telles choses sont considérées comme ‘acceptables’, mais cela détourne également l’attention des vrais problèmes qui existent et du besoin d’engager le peuple dans la recherche de solutions à ces problèmes. »
Hardial Bains a lancé l’appel à condamner tous les responsables de la criminalisation de la politique indienne, y compris Rajiv Gandhi lui-même qui était l’un des principaux promoteurs de cette politique, et les grandes puissances qui soutiennent une telle politique en Inde et dans d’autres pays.
(Photos : Sikhmuseum.com, allaboutsikhs.com)
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