Mesurer l'économie à la demande au Canada au moyen des données administratives (extraits)

Sommaire

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Les travailleurs à la demande ne sont normalement pas employés à long terme par une entreprise unique ; ils signent différents contrats avec des entreprises ou des particuliers (demandeurs de tâches) pour accomplir une tâche particulière ou pour travailler pendant une période donnée, en contrepartie d'une somme négociée. Cela comprend les entrepreneurs indépendants ou les pigistes ayant des qualifications particulières et les travailleurs à la demande embauchés pour occuper des emplois assurés par l'intermédiaire du nombre croissant de plateformes en ligne.

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Lorsqu'on applique la typologie des conditions de travail élaborée dans des études antérieures, les travailleurs à la demande peuvent être considérés comme des travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société (propriétaires uniques) qui déclarent un revenu d'entreprise, de profession libérale ou de commission et dont l'activité commerciale future est incertaine ou devrait être mineure ou occasionnelle. Selon l'étude, de 2005 à 2016, le pourcentage de travailleurs à la demande au Canada a en général augmenté, pour passer de 5,5 % à 8,2 %. L'augmentation a été observée tant chez les hommes (de 4,8 % en 2005 à 7,2 % en 2016) que chez les femmes (de 6,2 % en 2005 à 9,1 % en 2016), et elle a été dictée par la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande n'ayant obtenu aucun salaire ni traitement (revenu figurant sur le feuillet T4) ainsi que par la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande qui combinent le travail à la demande à une rémunération ou à un revenu.

Les résultats ont démontré que le revenu annuel d'un travailleur à la demande type est habituellement faible. Le revenu médian net pour le travail à la demande en 2016 était de seulement 4 303 $. Les travailleurs se situant dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition des revenus annuels étaient environ deux fois plus susceptibles de travailler à la demande que les autres travailleurs.

Pour la plupart des travailleurs à la demande, le travail à la demande ne constituait qu'une activité temporaire. Environ la moitié de ceux qui ont commencé un travail à la demande au cours d'une année donnée n'avait aucun revenu de travail à la demande l'année suivante. Cependant, une part non négligeable des personnes ayant commencé un travail à la demande, soit environ le quart, sont demeurées des travailleurs à la demande pendant au moins trois ans.

Les travailleurs dont la profession principale était dans le domaine des arts, des spectacles et des loisirs étaient quatre fois plus susceptibles d'être des travailleurs à la demande que les travailleurs dont la profession principale était dans le domaine de la gestion de sociétés et d'entreprises. Ceux dont la profession principale était dans le domaine de la fabrication et des services d'utilité publique étaient moins susceptibles d'être des travailleurs à la demande.

L'étude a également démontré que le travail à la demande était plus fréquent chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada. En réalité, 10,8 % des travailleurs immigrants masculins qui étaient au Canada depuis moins de cinq ans étaient des travailleurs à la demande en 2016, par rapport à 6,1 % des travailleurs masculins nés au Canada.

Introduction

L'économie à la demande est un phénomène mondial qui suscite beaucoup d'intérêt. Bien qu'il n'existe aucune définition largement acceptée de l'économie à la demande, le terme fait généralement référence à des conditions de travail moins structurées et non traditionnelles. Les travailleurs à la demande ne sont normalement pas employés à long terme par une entreprise unique ; ils signent différents contrats avec des entreprises ou des particuliers (demandeurs de tâches) pour accomplir une tâche particulière ou pour travailler pendant une période donnée, en contrepartie d'une somme négociée. Cela comprend les entrepreneurs indépendants ou les pigistes ayant des compétences particulières et les travailleurs à la demande embauchés pour occuper des emplois assurés par l'intermédiaire du nombre croissant de plateformes en ligne et de marchés suivant l'approche participative, comme Uber, Lyft, TaskRabbit, Upwork, Guru, Fiverr et Freelancer.

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Par exemple, une enquête récente a révélé que 9 % des résidents de la région du Grand Toronto travaillaient à partir de plateformes en ligne (Block et Hennessy, 2017). Cependant, les personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne ne représentent qu'une part de l'économie à la demande, puisque ce ne sont pas tous les travailleurs à la demande qui fonctionnent ainsi.

La présente étude offre un cadre méthodologique clairement défini pour distinguer les travailleurs à la demande au Canada à partir de diverses sources administratives canadiennes, y compris les déclarations de revenus des particuliers et des sociétés.

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La définition de « travailleur à la demande » dans la présente étude [...] repose sur la typologie (types de classification systématique) des conditions de travail présentée dans leur étude. [...] Cela comprend, entre autres, les personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne. À l'instar des travailleurs à la demande des États-Unis, les travailleurs à la demande du Canada sont susceptibles d'être des travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société qui déclarent un revenu d'entreprise, de profession libérale ou de commission dans leur déclaration de revenus. La démarche méthodologique utilisée dans la présente étude permet de distinguer les travailleurs à la demande des employés traditionnels recevant un salaire ou un traitement, des travailleurs indépendants au sein d'entreprises constituées en société, des propriétaires uniques qui possèdent des entreprises établies et des associés d'une société en nom collectif (Statcan reconnaît quatre types de structures commerciales au Canada : les entreprises individuelles, les partenariats, les sociétés et les coopératives).

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On entend par « travailleurs » tous les particuliers qui se trouvent dans l'une ou l'autre des situations suivantes : a) travailleurs qui ont déclaré un revenu d'emploi tiré de feuillets T4 ou d'autres revenus d'emploi, comme des pourboires, des gratifications ou des jetons de présence, sur leur formulaire T1 ; b) travailleurs qui ont déclaré un revenu de travail indépendant dans une entreprise non constituée en société ; c) travailleurs qui ont été identifiés comme propriétaires d'entreprises constituées en société dans les déclarations de revenus des sociétés.

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Les travailleurs sont classés en plusieurs catégories dans l'EPA (Enquête sur la population active) : les employés des secteurs privé et public, les travailleurs indépendants au sein d'entreprises constituées en société avec et sans employés, les travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société avec et sans employés et les employés privés travaillant dans des entreprises familiales sans salaire.

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La multiplication des plateformes en ligne et des marchés suivant l'approche participative reliant les travailleurs aux employeurs au moyen d'accords de travail très souples et souvent peu contraignants a suscité un regain d'intérêt pour l'aspect « à la demande » de l'économie moderne et a motivé de nouvelles tentatives pour définir et quantifier l'économie à la demande.

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Abraham et coll. (2018) ont instauré un cadre méthodologique afin de déterminer les travailleurs à la demande à partir des caractéristiques de leurs conditions de travail et de la façon dont celles-ci sont déclarées dans les données fiscales. Cette typologie des conditions de travail est fondée sur plusieurs caractéristiques qui facilitent la distinction entre les divers régimes de travail, y compris le fait de savoir si la personne reçoit un salaire ou un traitement, si la relation de travail peut se poursuivre ou si l'horaire de travail et les gains de la personne sont prévisibles (voir le tableau 1 de l'étude d'Abraham et coll. [2018]). Abraham et coll. (2018) mentionnent également que les travailleurs à la demande ne sont pas des salariés, n'ont pas de contrat à long terme avec un employeur, n'ont pas d'horaire de travail prévisible et n'ont pas de revenus prévisibles. Par conséquent, selon cette typologie, les travailleurs à la demande sont des travailleurs indépendants pigistes au sein d'entreprises non constituées en société, des journaliers ou des personnes qui travaillent à partir de plateformes en ligne. Dans les données administratives, il est possible de définir (du moins partiellement) les travailleurs à la demande selon la façon dont ils déclarent leurs conditions de travail aux autorités fiscales.

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Grekou et Liu (2018) ont constaté que le revenu médian d'entreprise des travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société était de 10 000 $ en 2013. [...] L'un des éléments clés de la définition du terme « travailleurs à la demande », fondée sur la typologie des caractéristiques des conditions de travail présentée par Abraham et ses collaborateurs (2018), est que les travailleurs à la demande font partie des travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société.

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Moins de 4 % des travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société de la BDCDEE avaient des employés, comparativement à 26,4 % dans le cas des données du recensement et à 12 % dans le cas des données de l'EPA. Ce résultat est conforme à la notion que le travail indépendant est une activité relativement mineure pour bon nombre de particuliers considérés comme travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société et pour lesquels on dispose de données fiscales. Par conséquent, la prévalence des employeurs au sein de ce groupe était beaucoup plus faible que la prévalence des employeurs parmi ceux qui ont déclaré, lors du recensement, que le travail indépendant était leur principale activité sur le marché du travail.

Le tableau 1 montre qu'en 2016, la part de travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société qui s'inscrivaient dans la définition de travailleurs à la demande était d'environ 8,2 %. [...] L'étude a permis de calculer le revenu annuel net total tiré d'un travail à la demande en 2016. [...] La ligne médiane correspond à 4 303 $, ce qui représente un très petit montant. [...] Parmi les travailleurs à la demande, 48,6 % n'avaient pas d'emploi rémunéré et n'ont déclaré aucun revenu d'emploi, tandis que 36,3 % d'entre eux avaient un emploi rémunéré et environ 15,1 % avaient plusieurs emplois rémunérés. Par conséquent, les travailleurs à la demande sont répartis presque également entre ceux n'ayant pas d'autres revenus à part leurs revenus provenant du travail à la demande et ceux complétant leurs salaires et traitements par des revenus tirés de leurs activités de travail à la demande. Pour donner une idée de l'importance relative du travail à la demande parmi ceux qui ont été considérés comme travailleurs à la demande, la part des gains provenant du travail à la demande parmi les gains totaux pour chaque particulier ainsi que divers percentiles de la répartition qui en a découlé ont été calculés. Selon ces calculs, la part médiane du revenu de travail à la demande dans les gains totaux était de 76 %, ce qui signifie que, pour environ la moitié de tous les travailleurs à la demande, les gains issus du travail à la demande représentaient plus des trois quarts de leurs gains annuels totaux. [...] Pour plus d'un quart de tous les travailleurs à la demande, leurs gains issus du travail à la demande représentaient la totalité de leurs gains et plus de 89 % de leur revenu total.

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La part des travailleurs à la demande parmi tous les travailleurs au Canada a augmenté, pour passer de 5,5 % en 2005 à environ 8,2 % en 2016. Un examen plus attentif de la tendance des travailleurs à la demande révèle deux augmentations marquées entre 2005 et 2016 (graphique 2). La première augmentation correspond à la récession de 2008-2009 ; elle a été un peu plus marquée chez les hommes que chez les femmes. La période où est survenue cette augmentation donne à penser que la croissance de la part de travailleurs à la demande au cours de ces années peut être attribuable, en grande partie, à des facteurs incitatifs comme la baisse des perspectives d'emploi. Alors que la part de travailleuses à la demande a continué d'augmenter immédiatement après la récession (de 2009 à 2012), celle des travailleurs à la demande a légèrement diminué au cours de cette période. La deuxième hausse marquée a été observée vers 2012-2013, mais la raison est moins évidente et pourrait être liée à la multiplication des plateformes en ligne au Canada qui a commencé au cours de ces années. Après 2012, la croissance de la part de travailleurs à la demande a été plus élevée chez les femmes que chez les hommes.

La principale caractéristique qui ressort du graphique 2 est que, toutes années confondues, la part de travailleurs à la demande était beaucoup plus élevée chez les femmes que chez les hommes, et cet écart s'est élargi avec le temps. En 2016, la part des travailleuses à la demande était d'environ 9,1 % et celle des travailleurs à la demande était d'environ 7,2 %.

Ces pourcentages correspondent à environ 991 320 travailleurs à la demande en 2005 et à 1 666 061 travailleurs à la demande en 2016. En ce qui a trait à la durée du travail à la demande, 53,1 % des travailleurs à la demande qui sont entrés en 2006 (c.-à-d. ceux qui étaient des travailleurs à la demande en 2006, mais pas en 2005) sont demeurés des travailleurs à la demande pendant au moins un an, tandis que 35,2 % sont demeurés des travailleurs à la demande pendant deux années consécutives et 25,9 % l'ont été pendant trois années de suite. Les chiffres correspondants étaient légèrement inférieurs pour la cohorte d'entrée de 2010 (50,0 %, 31,1 % et 22,8 %, respectivement), mais supérieurs pour la cohorte de 2013 (56,4 %, 39,1 % et 29,8 %, respectivement). Par exemple, c'est en 2012 qu'Uber a commencé ses activités au Canada.

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Dans le graphique 3, les tendances de la part de travailleurs à la demande sont présentées séparément pour les travailleurs à la demande avec et sans salaire ou traitement (feuillets T4). Les tendances dans le volet de gauche (travailleurs à la demande sans salaire ni traitement) ont atteint un sommet autour de la récession en 2008-2009, mais sont demeurées relativement stables avant d'atteindre un autre sommet en 2012-2013. Par contre, les parts dans le volet de droite (travailleurs à la demande avec salaire ou traitement) ont augmenté de façon presque linéaire de 2006 à 2016 ; seules des hausses mineures ont été observées autour de 2008-2009. La tendance linéaire était particulièrement évidente chez les travailleuses à la demande recevant un salaire ou un traitement. Les tendances du graphique 3 semblent indiquer que, même si le travail à la demande est devenu plus répandu de 2005 à 2016, les travailleurs à la demande sans traitement ont réagi plus fortement aux facteurs incitatifs (récession) et d'attraction (multiplication des plateformes en ligne). Dans l'ensemble, toutefois, le graphique 3 indique qu'une proportion croissante de travailleurs font du travail à la demande en plus de leur emploi principal, mais aussi qu'une proportion croissante de travailleurs à la demande ne gagnent aucun salaire ou traitement.

En utilisant la technique de l'étude événementielle, Koustas (2019) a démontré que l'entrée dans le secteur du travail à la demande aux États-Unis est généralement précédée d'une baisse des revenus non liés au travail à la demande. Une tendance semblable a été observée au Canada. Le graphique 4 montre que les gains inscrits sur le feuillet T4 ont chuté considérablement au cours de l'année d'entrée dans le secteur du travail à la demande (année 0), et que cette baisse des gains inscrits sur le feuillet T4 était plus importante chez les hommes que chez les femmes. Les gains inscrits sur le feuillet T4 ont affiché un redressement partiel au cours des années subséquentes, tandis que les gains issus du travail à la demande ont diminué de façon constante.

Le graphique 4 montre également que les prestations d'assurance-emploi (AE) ont augmenté avant l'entrée dans le secteur du travail à la demande et ont chuté de façon marquée au cours de l'année 0. Chez les femmes, cette tendance a été observée tant pour les prestations ordinaires que pour les prestations spéciales d'AE.

Koustas (2019) a demandé si la baisse des salaires et traitements avant l'année 0 représentait une stratégie délibérée de « préparation » au travail à la demande, ou si elle était la conséquence de chocs externes tels que des pertes d'emploi ou des réductions de salaire. Compte tenu des règles d'admissibilité à l'AE, l'augmentation des prestations d'AE avant l'entrée dans le secteur du travail à la demande semble indiquer que les chocs externes sont des facteurs importants dans la décision d'entrer dans le secteur du travail à la demande.

Enfin, la présente étude visait à déterminer si l'augmentation de la part de travailleurs à la demande entre 2005 et 2016 était associée à des changements dans les habitudes de déclaration des revenus (T2125) pendant la même période.

(StatCan fait remarquer que les travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société utilisent le formulaire T1 pour déclarer leurs revenus d'un travail indépendant d'entreprise, de profession libérale, de commissions, d'agriculture et de pêche. Les travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société qui déclarent des revenus d'entreprise, de profession libérale ou de commission (par exemple, les chauffeurs d'Uber) joignent un formulaire T2125 – État des résultats des activités d'une entreprise ou d'une profession libérale à leur formulaire T1. Le formulaire T2125 présente en détail tous les revenus et toutes les dépenses touchant l'exploitation de l'entreprise non constituée en société appartenant au particulier ou touchant l'exercice d'une profession par le particulier. Les travailleurs indépendants propriétaires d'entreprises non constituées en société peuvent demander un numéro d'entreprise (NE) pour leur entreprise (ou leurs entreprises) auprès de l'ARC. S'ils ont un NE, ils doivent l'inscrire sur le formulaire T2125.)

Compte tenu de la stabilité globale des taux de travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société de 2005 à 2016, la part croissante de travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société parmi l'ensemble des travailleurs canadiens suppose qu'une proportion croissante de travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société produisent au moins un formulaire T2125 sans numéro d'entreprise (NE). Est-ce que le travail à la demande a remplacé ou vient compléter les formes moins précaires de travail indépendant au sein d'entreprises non constituées en société qui sont associées à une entreprise officielle ? Il y a au moins deux scénarios possibles. Premièrement, les travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société ont continué de produire le même taux de formulaires T2125, mais étaient de moins en moins susceptibles d'avoir présenté un NE. Dans ce scénario, le travail à la demande a remplacé des formes plus stables de travail indépendant qui exigeaient un engagement plus fort et peut-être un investissement initial plus important. Dans le deuxième scénario, les travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société ont produit le même nombre de formulaires T2125 comportant un NE, mais en plus de produire de tels formulaires, ils ont présenté un nombre croissant de formulaires T2125 sans NE. Dans ce scénario, les travailleurs indépendants ont accepté un nombre croissant d'offres de travail à la demande en plus de leur travail indépendant stable qui est demeuré leur principale activité.

(StatCan fait remarquer qu'il est également possible qu'un plus grand nombre d'activités de travail à la demande soient maintenant déclarées à l'ARC parce qu'un plus grand nombre de celles-ci sont effectuées par l'intermédiaire de plateformes en ligne, contrairement à ce qui s'est produit dans le passé, alors que la plupart d'entre elles étaient effectuées par des amis, des voisins ou d'autres sources informelles.)

[Les plateformes en ligne refusent d'émettre des feuillets T4 selon la fraude que les travailleurs qui fournissent un service par le biais de la plateforme sont des travailleurs autonomes. Cela signifie que l'entreprise en ligne n'a pas à répondre à des normes fédérales ou provinciales concernant les conditions d'emploi telles que les heures supplémentaires, les jours fériés et les congés payés, les cotisations à l'assurance-emploi et aux accidents du travail, etc. - Note de la rédaction du LML]

Cette constatation vient corroborer davantage l'idée que l'augmentation de la part des travailleurs à la demande observée dans le graphique 2 représente à la fois une diminution de la part de travailleurs indépendants au sein d'entreprises non constituées en société ayant une entreprise stable et une augmentation du nombre de travailleurs indépendants qui font du travail à la demande en plus de leur activité commerciale principale.

Les résultats (provenant d'une étude des données fiscales) indiquent qu'aucun groupe d'âge ne prédominait dans la répartition selon l'âge des travailleurs à la demande, et que ces derniers étaient répartis plus ou moins uniformément dans l'ensemble du spectre d'âge. Toutefois, la prévalence des travailleurs à la demande était particulièrement élevée dans la catégorie des 65 ans et plus, parce qu'un moins grand nombre de personnes dans cette catégorie d'âge étaient sur le marché du travail et, lorsqu'elles travaillaient, elles étaient plus susceptibles d'être des travailleurs à la demande que les jeunes travailleurs.

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La proportion de travailleurs à la demande parmi l'ensemble des travailleurs était plus élevée là où les possibilités de travail à la demande étaient plus grandes, particulièrement dans les trois régions où se trouvent les grands centres urbains canadiens, soit le Québec (Montréal), l'Ontario (Toronto) et la Colombie-Britannique (Vancouver)[...] À Montréal, le taux de croissance de la part de travailleurs à la demande était semblable à celui de la part globale au Canada jusqu'en 2012, mais il a augmenté plus rapidement par la suite. À Toronto, le taux de croissance de la part de travailleurs à la demande était plus élevé que dans les autres grands centres urbains jusqu'en 2009. Toutefois, les sommets observés dans les parts de travailleurs à la demande (vers 2008 et 2012) ont été suivis de tendances relativement stables, voire à la baisse, même si à Toronto, la part de travailleurs à la demande était nettement supérieure à la part globale enregistrée au Canada en 2016.

Quarante-neuf virgule huit pourcent (49,8 %) des travailleurs à la demande et 45,2 % des travailleuses à la demande faisaient partie des deux quintiles les plus bas de la répartition du revenu total. Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, la prévalence des travailleurs à la demande dans le quintile de revenu le plus élevé correspondait à environ la moitié de celle des travailleurs à la demande dans le quintile de revenu le plus bas. (tableau 2)

Le tableau 3 montre que la plupart des travailleurs à la demande travaillaient dans les services professionnels, scientifiques et techniques (19,0 %), la construction (12,4 %) ainsi que les services administratifs et de soutien, de gestion des déchets et d'assainissement (10,6 %). (Cette catégorie comprend les activités telles que l'administration, l'embauche et le placement de personnel, la préparation de documents, la prestation de services de nettoyage et l'organisation des déplacements.)

Les travailleuses à la demande étaient surtout concentrées dans les soins de santé et l'aide sociale (20,2 %) et dans les services professionnels, scientifiques et techniques (17,4 %). Le tableau 3 montre également que la répartition industrielle des travailleurs à la demande selon l'industrie dans laquelle ils exercent leur travail à la demande était très semblable à la répartition industrielle des travailleurs à la demande selon l'industrie dans laquelle ils exercent leur emploi principal, telle qu'elle est enregistrée dans les données du recensement (troisième et quatrième colonnes). Pour ce qui est de la prévalence des travailleurs à la demande parmi l'ensemble des travailleurs (deux dernières colonnes), l'industrie ayant la plus forte proportion de travailleurs à la demande masculins était celle des arts, des spectacles et des loisirs (15,6 %), qui est l'industrie à l'origine du terme « travail à la demande ». (L'expression « à la demande » se traduit en anglais par « gig » qui signifie communément, selon le dictionnaire musical Oxford, une prestation musicale qui ne dure qu'une soirée)

On a également observé une forte prévalence de travailleurs à la demande dans les secteurs des soins de santé et de l'aide sociale (13,3 %), des services d'enseignement (11,3 %) ainsi que des services de l'immobilier et des services de la location et location à bail (10,8 %). Chez les femmes, l'industrie ayant la plus forte proportion de travailleuses à la demande était celle des autres services (sauf l'administration publique) (20,1 %), une vaste catégorie qui comprend des fournisseurs de soins personnels, des cuisiniers, des bonnes, des gardiennes et des nourrices.

Selon une étude récente, une grande partie de l'augmentation récente des contrats indépendants aux États-Unis était attribuable à la croissance rapide du secteur des transports qui peut être directement liée à Uber et à des plateformes en ligne similaires. Une augmentation marquée de la part des travailleurs à la demande a été observée dans les services de taxi et de limousine au milieu des années 2010. Pourtant, même en 2016, alors que la part de travailleurs à la demande masculins dans les services de taxi et de limousine a presque doublé par rapport à 2014, cette part ne dépassait pas 3 % de l'ensemble des travailleurs à la demande masculins.

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Plus d'un tiers de tous les travailleurs à la demande masculins (36,0 %) possédaient un diplôme universitaire, tandis qu'un pourcentage semblable de travailleurs à la demande masculins n'avaient qu'un diplôme d'études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé (tableau 2). Cependant, les titulaires d'un diplôme universitaire étaient beaucoup plus susceptibles d'être des travailleurs à la demande que les autres hommes.

Il y avait une prévalence particulièrement élevée de travailleurs à la demande chez les hommes (13,7 %) et les femmes (16,5 %) qui possédaient un diplôme d'études supérieures (maîtrise ou grade supérieur). Par contre, seulement 5,8 % des hommes et 7,0 % des femmes ayant un diplôme d'études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé étaient des travailleurs à la demande. Il est probable que la prolifération des marchés suivant l'approche participative axée sur l'offre, tels que Upwork et Freelancer, a donné aux travailleurs hautement spécialisés et qualifiés (fournisseurs) une meilleure occasion d'entrer en contact avec des employeurs potentiels. (StatCan fait remarquer que les travailleurs des quintiles les plus élevés de la répartition du revenu étaient moins susceptibles d'être des travailleurs à la demande que ceux des quintiles les plus bas.)

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Plus d'un tiers de tous les travailleurs à la demande et plus d'un quart de toutes les travailleuses à la demande n'avaient qu'un diplôme d'études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé, et un peu plus d'un tiers des travailleurs et des travailleuses à la demande possédaient un diplôme universitaire. Étant donné la forte prévalence des immigrants au sein de la population active canadienne, la participation des immigrants à l'économie à la demande est une question importante. [...] Le tableau 2 montre que la proportion de travailleurs à la demande était considérablement plus élevée chez les immigrants, en particulier les immigrants récents, par rapport aux travailleurs nés au Canada. Plus d'un tiers de tous les travailleurs à la demande masculins étaient des immigrants. Il s'agit d'une proportion beaucoup plus importante que la proportion d'immigrants dans la population active canadienne (environ 24 % en 2016).

Même les immigrants qui étaient au Canada depuis 20 ans ou plus étaient plus susceptibles d'être considérés comme des travailleurs à la demande que les travailleurs nés au Canada. Parmi les immigrants récents, les immigrants étaient plus susceptibles d'être des travailleurs à la demande que les immigrantes, mais l'inverse était vrai pour les immigrants qui étaient au Canada depuis 20 ans ou plus.

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Dix-neuf virgule six pourcent (19,6 %) des travailleurs à la demande masculins étaient des personnes dont les principales professions exercées se situaient dans le domaine des métiers, du transport et de la machinerie et des professions connexes. Les travailleuses à la demande dont les occupations étaient concentrées dans les secteurs des ventes et des services (22,1 %) ainsi que de l'éducation, du droit et des services sociaux, communautaires et gouvernementaux (20,3 %) sont les plus nombreuses. Toutefois, la part de travailleurs à la demande parmi l'ensemble des travailleurs était la plus élevée chez les travailleurs exerçant une profession principalement dans le domaine des arts, de la culture, des loisirs et des sports (24,2 % pour les hommes et 26,6 % pour les femmes). Environ 8,6 % des travailleurs à la demande et 9,8 % des travailleuses à la demande ont déclaré ne pas avoir travaillé en 2015 ou 2016, selon le recensement.

Vingt-quatre virgule sept pourcent (24,7 %) de tous les travailleurs à la demande masculins étaient des travailleurs dont l'activité principale était un emploi professionnel. Parmi les femmes, cependant, de nombreuses travailleuses à la demande (22,8 %) travaillaient dans les services personnels et d'information à la clientèle. C'est chez les hommes et les femmes occupant des emplois professionnels, techniques et paraprofessionnels que l'on a observé la prévalence la plus élevée de travailleurs à la demande.

Conclusions

La présente étude a permis de constater que de 2005 à 2016, le pourcentage de travailleurs à la demande au Canada a en général augmenté, pour passer de 5,5 % à 8,2 %. L'augmentation a été observée tant chez les hommes (de 4,8 % à 7,2 %) que chez les femmes (de 6,2 % à 9,1 %). Cette augmentation est attribuable à la croissance du pourcentage de travailleurs à la demande qui n'ont gagné aucun salaire ou traitement (revenu figurant sur le feuillet T4) et du pourcentage de travailleurs à la demande qui ont combiné le travail à la demande avec un salaire ou un traitement.

Les résultats indiquent que le revenu annuel d'un travailleur à la demande type est habituellement faible : le revenu net médian du travail à la demande n'était que de 4 303 $ en 2016. Les travailleurs se situant dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition des revenus annuels étaient environ deux fois plus susceptibles de travailler à la demande que les autres travailleurs. Pour la plupart des travailleurs à la demande, le travail à la demande ne constituait qu'une activité temporaire. Environ la moitié de ceux qui ont commencé un travail à la demande au cours d'une année donnée n'ont aucun revenu de travail à la demande l'année suivante. Cependant, une part non négligeable des personnes ayant commencé un travail à la demande, soit environ le quart, sont demeurées des travailleurs à la demande pendant au moins trois ans.

Les travailleurs dont la profession principale est dans le domaine des arts, des spectacles et des loisirs étaient quatre fois plus susceptibles d'être des travailleurs à la demande que les travailleurs dont la profession principale est dans le domaine de la gestion de sociétés et d'entreprises. Ceux dont la profession principale est dans le domaine de la fabrication et des services d'utilité publique étaient moins susceptibles d'être des travailleurs à la demande. L'étude a également démontré que le travail à la demande était plus fréquent chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada. En réalité, 10,8 % des travailleurs immigrants masculins qui étaient au Canada depuis moins de cinq ans étaient des travailleurs à la demande en 2016, par rapport à 6,1 % des travailleurs masculins nés au Canada. Le principal avantage méthodologique de l'étude est qu'elle repose sur un cadre conceptuel clair qui s'applique particulièrement aux données fiscales. Cependant, l'approche méthodologique adoptée dans l'étude n'est pas sans limites. Certes, il est peu probable que cette approche englobe des activités comme le gardiennage occasionnel, la promenade des chiens, la tonte de la pelouse ou d'autres activités informelles semblables qui se déroulent habituellement entre membres de la famille, amis et voisins. Ces activités ont toujours fait partie de la vie quotidienne, mais ne sont généralement pas considérées comme des activités sur le marché du travail et sont donc moins prioritaires pour les chercheurs intéressés par la dynamique du marché du travail.

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Selon une étude canadienne récente fondée sur les données de l'Enquête canadienne sur les attentes des consommateurs, environ 30 % des répondants ont déclaré qu'ils participaient à une forme quelconque d'activité informelle rémunérée. Cependant, si l'on exclut ceux qui ont participé à de telles activités pour le plaisir, la part chute à 18 % (Kostyshyna et Luu, 2019). La mesure du travail à la demande utilisée par Kostyshyna et Luu (2019) comprend la garde d'enfants, la garde de maison, la promenade des chiens, l'entretien des pelouses et le ménage, cette dernière activité étant la plus fréquemment mentionnée (9,2 % des répondants).



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