55e conférence annuelle de Munich sur la sécurité

L'effondrement des arrangements de la guerre
froide et de la démocratie libérale créent une crise
à la conférence de guerre


Manifestation contre la guerre à Munich, le 16 février 2019, sur le lieu de la Conférence
de Munich sur la sécurité

La 55e conférence annuelle de Munich sur la sécurité se tient du 15 au 17 février 2019. Cette conférence a été précédée le 14 février d'une conférence connexe appelée la Conférence sur la cybersécurité de Munich (MCSC). La MSC affirme être « le principal forum au monde pour débattre de la politique de sécurité internationale ». Cette conférence rassemble quelque 450 « décideurs de haut niveau et de haut rang, ainsi que des leaders d'opinion du monde entier, notamment des chefs d'État, des ministres, des personnalités influentes d'organisations internationales et non gouvernementales, de hauts représentants de l'industrie, des médias, du monde universitaire et de la société civile ». Cela ressemble à la description aseptisée du Forum sur la sécurité internationale d'Halifax, qui dissimule sa nature agressive. Le peuple allemand et les peuples d'Europe, qui ont tenu des manifestations contre la guerre tout au long de la conférence comme ils l'ont fait les années précédentes, n'ont pas oublié les objectifs bellicistes de la MSC.

La MSC est née de la vision de guerre froide des États-Unis, de l'Allemagne et d'autres pays membres de l'OTAN dans le but de promouvoir les intérêts des États-Unis, de l'OTAN et surtout pour opposer la quête des peuples pour s'investir du pouvoir. Parmi ses participants, on retrouve en général de nombreux responsables de l'agression impérialiste et des crimes de guerre. Selon cette vision, les peuples du monde et leurs luttes pour la justice, la libération nationale et l'épanouissement de la personne humaine ne sont même pas pris en considération, même si ce sont les travailleurs du monde et leurs luttes qui sont le facteur décisif qui pave la voie au progrès des sociétés.


« Nous ne voulons pas de vos guerres ! »

Inquiétudes face au manque de partenaires fiables sous la présidence de Trump pour défendre la démocratie libérale

Chaque année, la MSC publie un rapport annuel sur la sécurité dans lequel elle détaille ce qu'elle considère comme étant les questions importantes et indique la manière dont l'OTAN et les pays alliés devraient réagir. Le titre du rapport de cette année, « Le grand casse-tête : qui ramassera les morceaux ? », exprime la consternation de la MSC devant l'état du monde actuel, dans lequel les anciens arrangements de la guerre froide et des institutions démocratiques libérales ne peuvent plus fonctionner. De plus, en lisant le rapport, il devient clair que la crise à laquelle fait face l'aile européenne de l'OTAN est qu'elle considère qu'elle n'a plus de partenaires fiables aux États-Unis sous l'actuel gouvernement Trump, et doit donc « ramasser les pots cassés ».

Dans la préface de ce rapport, le président de la MSC, Wolfgang Ischinger, pointe du doigt les tentatives de la présidence américaine de créer un axe tripolaire où l'Europe ne fait pas partie de l'équation. Il ouligne que « le monde n'est pas seulement témoin d'une série de crises de plus en plus grandes, mais qu'il y a un problème plus fondamental. Effectivement, nous semblons connaître un remaniement des éléments centraux de l'ordre international. Une nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances se développe entre les États-Unis, la Chine et la Russie, accompagnée d'un certain vide de leadership dans ce qu'il est convenu d'appeler l'ordre international libéral. » Le rapport cite d'autres personnes qui vont dans le même sens :

« La chancelière allemande à quatre mandats, Angela Merkel, 'admet que le cadre de l'ordre bien connu et éprouvé est actuellement soumis à une forte pression'. Selon le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, la situation est encore pire : 'Cet ordre mondial que nous connaissions, auquel nous étions habitués, dans lequel nous nous sentions parfois à l'aise, cet ordre mondial n'existe plus.' Beaucoup pensent également que ce qu'on appelle l'ordre libéral international a été perturbé à ce point qu'il est difficile de revenir au statu quo ante. Comme le dit le président français, Emmanuel Macron, ce n'est pas 'un interlude dans l'histoire avant que les choses ne redeviennent normales [ ] parce que nous vivons actuellement une crise d'efficacité et des principes de notre ordre mondial contemporain, qui ne pourra pas être remis sur les rails ou revenir à la façon dont il fonctionnait auparavant.' »

Le rapport est basé sur le prétexte que l'ordre international soumis à la mondialisation est en quelque sorte démocratique et fondé sur des règles, si seulement l'administration Trump jouait le jeu de manière franche te équitable. Le « vide de leadership » dont il est question dans la préface est celui des États-Unis sous la présidence de Trump, qui est explicitement et à maintes reprises mentionné dans le rapport :

- « [...] l'effort des États-Unis pour rallier 'les nobles nations du monde pour construire un nouvel ordre libéral' et s'opposer aux grandes puissances autoritaires serait beaucoup plus crédible si le président Trump et son gouvernement ne manifestaient pas un enthousiasme irritant pour les hommes forts du monde entier. »

- « Le mépris pour les institutions et les accords internationaux a à maintes reprises opposé les États-Unis à leurs principaux alliés au cours des dernières années. Ce que ces alliés considèrent comme la seule façon de s'attaquer aux problèmes mondiaux, Trump le rejette comme 'l'idéologie du globalisme'. »

- « Dans ce contexte, tant les analystes que les décideurs politiques ont demandé aux principaux alliés libéraux et démocratiques des États-Unis de pallier le manque de leadership stable des États-Unis. Les pays habituellement cités sont les autres membres du G7 - le Canada, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni - ainsi que l'Australie, la Corée du Sud et l'Union européenne dans son ensemble. »

Ceux auxquels la MSC demande d'intensifier les efforts en l'absence des États-Unis sont aussi embourbés dans leur propre crise et celles qui sont appelées les institutions démocratiques libérales. Prenons l'exemple du Canada, où les partis politiques cartellisés privent les gens de leur mot à dire dans les affaires qui les touchent, et dont le gouvernement devient de plus en plus un gouvernement de pouvoir de police.

La MSC est paralysée par la conception de la fin de l'histoire

La MSC, l'OTAN et ceux qui font partie des forces qui souscrivent à la thèse de la fin de l'histoire selon laquelle la démocratie libérale constitue le stade final de la société humaine sont en crise. Ils sont en crise parce que la vie réelle révèle que la démocratie libérale, censée être à la base du système international, a échoué. Même en reconnaissant cela, la MSC ne voit toujours pas d'autre option que d'essayer de réanimer la démocratie libérale, car la conception de la fin de l'histoire ne fournit aucune alternative. On lit dans le rapport :

« C'est donc le grand casse-tête : assistons-nous à un grand remaniement des pièces de l'ordre international ? Les défenseurs de l'ordre international de l'après 1945 réussiront-ils à en préserver les principaux éléments et à en reconstituer au moins certains d'entre eux ? Ou le monde continuera-t-il de se rapprocher, comme a prévenu l'ancien ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, d'une 'tempête parfaite', l'effet cumulatif de plusieurs crises simultanées et qui pourraient détruire l'ancien système international avant même que nous ayons commencé à en construire un nouveau ? » (Souligné du LML.)

Le désarroi de la MSC est tel, qu'on lit dans le rapport :

« Dans ses Cahiers de prison, le philosophe italien Antonio Gramsci écrivait : 'La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés'. En un sens, c'est une description pertinente de l'ordre mondial actuel. »

Le fait de citer Gramsci ne va pas sauver la MSC et les forces anticommunistes virulentes qu'elle représente de leur dilemme parce qu'elles ne sont pas au service du Nouveau. La partie cruciale de l'analyse, qui doit être correctement attribuée à Karl Marx, et non à Antonio Gramsci, est que la classe ouvrière constitue la nation et investit le peuple de la souveraineté. Elle doit compléter la révolution démocratique afin d'éliminer une fois pour tout le rôle des privilèges dans le processus de prises de décision. Cela, la MSC n'ose pas le dire.

La promotion de l'ingérence étrangère et de l'agression impérialiste

Une grande partie du rapport porte sur les inquiétudes de la MSC au sujet du rôle de la Chine et de la Russie dans le monde d'aujourd'hui, des inquiétudes qui ne sont en essence différentes de celles de l'administration Trump. Les activités de la Chine en matière de commerce et de relations étrangères, comme l'initiative la Ceinture et la Route, sont considérées un empiétement sur le territoire de l'OTAN et constituent une menace à l'influence et à l'hégémonie de l'OTAN sur l'Europe et l'Asie ainsi que l'Afrique.

De la même manière, la décision écrasante du peuple de Crimée de rejoindre la Russie est dénaturée et qualifiée d'« annexion de la Crimée par la Russie » et toute une hystérie est soulevée à propos de la présence de « troupes russes » en Crimée.

Les gouvernements d'autres pays, comme celui de la Syrie et du Venezuela, sont également dénigrés pour justifier une ingérence étrangère et un changement de régime. C'est la même chose avec tous les peuples d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes qui sont considérés avec condescendance comme « des proies acceptables ». À cet égard, la MSC révèle son souci de concurrencer efficacement les intérêts américains afin d'acquérir le butin pour ses intérêts privés impérialistes étroits qu'elle cherche à servir contre ceux des impérialistes américains.

Autrement dit, tous ceux qui ne sont pas ou ne peuvent pas être soumis au diktat des États-Unis ou de l'OTAN sont ciblés par la MSC.

Ce qui est clair, c'est que le monde fait face à de grands dangers en cette période dans laquelle les vieux arrangements se détériorent et dans laquelle les travailleurs du monde entier et leurs organisations luttent pour établir de nouveaux arrangements centrés sur l'être humain qui mettent fin à l'exploitation, à l'oppression et à la guerre.

Des organismes comme la MSC ne peuvent pas apporter de réponse : ils font partie de ce qui empêche le nouveau de naître et constituent un danger réel pour les forces qui oeuvrent pour le progrès social. Seuls les travailleurs peuvent apporter le renouveau dont l'humanité a besoin.


« Interdisez les exportations d'armes ! », « Pas d'armes allemandes pour la guerre au Yémen ! »


Les manifestants écrivent sur leurs bannières que la guerre crée des réfugiés et appellent à défendre les droits des réfugiés pour faire de Munich une ville sécuritaire.


« Armes atomiques, hors d'Allemagne ! »


« Non aux missiles à portée moyenne en Europe ! »

Note

Les événements publics de la MSC :

À la veille de la conférence, le MSC a annoncé la tenue d'un débat public intitulé 'MSC2019 - De la guerre froide à la guerre des étoiles : comment gérer la course aux armements dans l'espace ?' à l'hôtel Bayerischer Hof, lieu de la conférence de Munich sur la sécurité de Munich. »

Les autres séances publiques comprennent :

- Les contributions de l'OTAN en matière de défense : l'Allemagne s'affirme-t-elle ?
- Un point de vue britannique : décoder la politique à l'ère du Brexit - avec Tony Blair
- Le fascisme : un avertissement - Une soirée avec Madeleine Albright
- Le rôle de l'Allemagne dans la politique mondiale

(Photos: Aktionsbündnis gegen die NATO-Sicherheitskonferenz)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 5 - 16 février 2019

Lien de l'article:
55e conférence annuelle de Munich sur la sécurité: L'effondrement des arrangements de la guerre froide et de la démocratie libérale créent une crise à la conférence de guerre - Nick Lin


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca