Le Marxiste-Léniniste

Numéro 23 - 12 mai 2015

Supplément

70e anniversaire de la victoire
sur le fascisme en Europe



Le complot anglo-américain contre la paix

Opération Sunrise
- Dougal MacDonald -

Acte de reddition signé à Reims
- Yuriy Rubtsov -

L'incident de Berne ou la fin de la coalition anti-Hitler
- Yuriy Rubtsov -


Rétablissons les faits
Un concours d'absurdité autour du Jour de la Victoire
- Yuriy Rubtsov -

La réécriture de l'histoire sur la question du Jour de la victoire en Europe
- Workers' Weekly -

La communauté internationale doit préserver les acquis
de la victoire contre le fascisme

- Zhu Junqing -

Discours de Samantha Power sur le siège de Leningrad:
le comble du cynisme

- Maria Zakharova -

Ce qui n'a pas été dit
- Éditorial de Radio Havana Cuba du 5 mai 2005 à l'occasion
du 60e anniversaire de la libération de l'Europe -


Récits de la libération de l'Europe du nazi-fascisme
La Russie publie un ouvrage en douze volumes
sur la Grande Guerre patriotique

Le coût économique de la victoire soviétique dans
la Grande Guerre patriotique

- Valentin Katasonov -

Les réparations pour la Deuxième Guerre mondiale:
l'offre généreuse de Staline

- Valentin Katasonov -

Allemagne: la mémoire nationale et la Deuxième Guerre mondiale
- Natalia Meden -

Dresde et Poznan: deux façons de faire la guerre
- Yuriy Rubtsov -


Le complot anglo-américain contre la paix

Opération Sunrise

Selon diverses interprétations de l'histoire défendues par un grand nombre de textes anglo-américains sur la Deuxième Guerre mondiale, la guerre contre l'Allemagne n'a pas pris fin le 9 mai lors de la capitulation allemande à Berlin, mais bien le 4, le 7 ou le 8 mai.

Le 4 mai 1945, une capitulation allemande a eu lieu, marquée par une cérémonie au quartier général du maréchal britannique, Bernard Montgomery, dans la Lande de Lunebourg, au nord de l'Allemagne. Les Britanniques désignent cette date comme étant la fin de la guerre même si les combats continuaient de faire rage en Europe où les nazis combattaient toujours l'Armée rouge, tentant désespérément d'échapper au sort qui leur était réservé à Berlin. En fait, la reddition allemande dans la Lande de Lunebourg ne représentait que les troupes allemandes qui combattaient les forces armées de Montgomery composées de la 21e division anglo-canadienne aux Pays-Bas et dans le nord-ouest de l'Allemagne. On dit que, pour des raisons de prudence, le commandement canadien avait accepté la capitulation de toutes les troupes allemandes le lendemain, le 5 mai, marquée par la cérémonie de Wageningen, dans la province de Gelderland dans l'est de la Hollande. Selon d'autres interprétations, cette cérémonie n'était qu'un prélude à la capitulation définitive de l'Allemagne, celle-ci ayant eu lieu au quartier général du général Dwight D. Eisenhower, le commandant suprême des forces alliées sur le front de l'est, dans une école de la ville de Reims, aux petites heures du matin du 7 mai 1945. Or, puisque cet armistice ne devait entrer en vigueur qu'à 23 h 01 le jour suivant, les cérémonies de commémoration aux États-Unis et en Europe de l'ouest ont lieu le 8 mai.

Toutes ces interprétations ne servent qu'à nier le fait que la capitulation définitive de l'Allemagne a eu lieu à Berlin où le plus haut représentant de l'Armée rouge était aussi présent. Cette capitulation définitive est reconnue partout dans le monde et est incarnée dans la photographie du drapeau de l'Armée rouge soviétique flottant sur le Reichtag, le parlement allemand. Jusqu'à ce jour, ce drapeau est reconnu comme étant la bannière de la Victoire.

N'en demeure que les interprétations sur la date de la capitulation des fascistes allemands n'est pas qu'une question de date, d'heure ou d'endroit. Le 3 mars 1945, alors que la Deuxième Guerre mondiale faisait toujours rage, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne nazie ont entamé une série de négociations en Suisse en vue d'une capitulation locale des forces allemandes en Italie du Nord. Ces négociations portent le nom d' « Opération Sunrise », ou encore « Opération Crossbow ». Le principal négociateur pour les États-Unis était Allen Dulles, qui est devenu quelque temps plus tard le directeur de la CIA américaine. Le principal négociateur nazi était le général du Waffen SS, Karl Wolff, commandant suprême de toutes les forces SS en Italie. Celui-ci a travaillé pour la CIA après la guerre, comme ce fut le cas pour d'autres anciens nazis, qui ont tous continué de combattre la « menace du communisme ».[1] L'intermédiaire d'Opération Sunrise était l'industriel italien et sympathisant fasciste, le baron Luigi Parilli.[2] Wolff a eu des négociations secrètes avec le général américain Lyman Lemnitzer et le général britannique Terence Airey pour fixer les termes de la capitulation. En effet, les forces allemandes en Italie du Nord ont éventuellement capitulé de façon inconditionnelle le 2 mai 1945, seulement six jours avant que l'Allemagne nazie ne capitule à Berlin.

L'Union soviétique, qui avait, depuis le 22 juin 1941, assumé le gros de la guerre contre les occupants nazis, et qui a résolument vaincu les forces nazies lors de l'héroïque bataille de Stalingrad le 2 février 1943 — le tournant décisif de la guerre — avait été informée de la tenue des négociations Opération Sunrise, mais on lui avait refusé le droit d'y participer. Le 22 mars 1945, le ministre soviétique des Affaires étrangères, Vyacheslav Molotov, écrivait à l'ambassadeur des États-Unis, Averell Harriman : « Depuis deux semaines maintenant, à Berne, et dans le dos de l'Union soviétique, des négociations ont lieu entre les représentants du commandement militaire allemand, d'une part, et les représentants du commandement américain et britannique, de l'autre. Le gouvernement soviétique est d'avis que ces négociations sont totalement inadmissibles. »

Le 29 mars, le dirigeant soviétique, Joseph Staline, écrivait une lettre au président des États-Unis, Franklin Roosevelt, exposant clairement le véritable objectif de ces négociations. Il a accusé à juste titre les États-Unis et le Royaume-Uni d'avoir conclu une entente avec le général allemand, Albert Kesselring, le principal commandant allemand en Méditerranée, afin d'ouvrir le front et permettre aux Allemands de concentrer leurs efforts contre l'Armée rouge. Il a noté qu'en fait les Allemands avaient cessé de combattre les forces anglo-américaines et que trois divisions de troupes allemandes avaient modifié leur position, passant de l'Italie du Nord au front soviétique. Les 3 et 7 avril, Staline avait à nouveau indiqué dans des lettres sans détour à Roosevelt (qui est décédé le 10 avril) que les négociations avec les nazis en Suisse avaient tout à voir avec la non-résistance à l'ouest et la résistance féroce contre l'Armée rouge à l'est.

Dans son propre livre au sujet d'Opération Sunrise, The Secret Surrender (1966), Dulles affirme qu'il avait aussi préconisé une capitulation négociée avec les nazis en Italie du Nord parce qu'il pensait qu'en l'absence d'une capitulation rapidement négociée, les Allemands auraient continué de se battre en se repliant à l'ouest de Venise, permettant aux troupes soviétiques et à leurs alliés partisans d'atteindre Trieste, centre industriel italien névralgique. C'est ce que Dulles voulait éviter à tout prix. Dulles indique clairement que loin de chercher à aider l'Union soviétique, les arrangements négociés pour l'après-guerre étaient à l'avantage des États-Unis et du Royaume-Uni. C'était là l'objectif premier des négociations, mis en relief par le fait que les troupes américaines sont arrivées à Trieste avant les troupes soviétiques, menant à des disputes frontalières d'après-guerre acrimonieuses entre l'Italie et la Yougoslavie.

Aussi les machinations d'Opération Sunrise corroborent-elles entièrement le fait que les Anglo-Américains avaient refusé d'ouvrir un deuxième front en Europe, ce que Staline avait souvent demandé. Un débarquement anglo-américain en Europe aurait forcé Hitler à retirer ses forces militaires du front de l'est, accordant un répit à l'Union soviétique et menant plus rapidement à la défaite des nazis. Le premier ministre britannique, Winston Churchill, s'opposait ouvertement à l'ouverture d'un deuxième front. Il était heureux de voir Staline et Hitler aux prises dans un combat sans merci sur le front de l'est et encourant l'un l'autre de nombreuses pertes. Il croyait que les impérialistes anglo-américains avaient tout à gagner à laisser ce combat perdurer. Le sénateur et futur président des États-Unis Harry S. Truman s'opposait aussi à l'ouverture d'un deuxième front. Le 24 juin 1941, il déclarait : « Si nous constatons que l'Allemagne est en train de gagner, alors nous devons venir en aide à la Russie. Et si la Russie est en train de gagner, nous devons venir en aide à l'Allemagne, de sorte à ce qu'il y ait le plus de pertes possibles des deux côtés. »


Monument en hommage à la bataille historique de Stalingrad

Les Soviétiques ont éventuellement obtenu un deuxième front, mais beaucoup plus tard, avec le débarquement de Normandie le 6 juin 1944, près d'un an et demi après que les batailles décisives de Stalingrad et de Kursk avaient fait reculer les nazis, les forçant à battre en retraite jusqu'à Berlin. Aussi, en juin 1944 les Anglo-Américains avaient de bonnes raisons de débarquer sur la côte française, puisque les troupes soviétiques poursuivaient leur marche implacable vers Berlin et les Allemands étaient en pleine fuite. Il devenait urgent pour les Anglo-Américains de débarquer leurs troupes en France et de placer des troupes en Allemagne afin de préserver ce pays des « mains soviétiques ».

Dès que la défaite de l'Allemagne nazie est devenue un fait accompli, la propagande nazie aux États-Unis et au Royaume-Uni a monté d'un cran, attaquant l'Union soviétique et préconisant que les Anglo-Américains avaient davantage d'affinités avec les nazis en déroute et l'Allemagne d'après-guerre qu'avec leurs anciens alliés. Par exemple, le 22 janvier 1944, suite à l'accord historique de Téhéran, le Neue Volkszietung, le principal quotidien allemand-américain pronazi dont le siège était à New-York et qui publiait de la propagande continue pour monter les autres alliés contre l'Union soviétique, affirmait : « Toute l'Europe à l'ouest de la frontière russe aura un intérêt commun suite à cette guerre, et ce sera de préserver son indépendance devant un puissant voisin russe, ce qui sera impossible sans l'aide de l'Angleterre et des États-Unis. »

Tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, la stratégie anglo-américaine a été de tenter de minimiser ses propres pertes militaires tout en intervenant dès que l'Allemagne et l'Union soviétique seraient épuisées. Les États-Unis et leur allié britannique pourraient alors créer une Europe d'après-guerre qui serait nettement à leur avantage économique et politique. Lorsque l'Opération Sunrise a eu lieu en mars et en avril de 1944, et lorsqu'un deuxième front a été enfin ouvert à Normandie en juin 1944, l'objectif principal des deux n'était pas de contribuer à établir une juste paix. Les deux opérations visaient avant tout à empêcher les Soviétiques de jouer un rôle décisif dans la guerre contre les hitlériens, bien que l'Union soviétique avait déjà joué ce rôle et s'était déjà méritée la reconnaissance indélébile des peuples du monde pour ses immenses victoires.

Notes

1. Wolff a sauvé sa propre peau grâce à ses liens anglo-américains. Il a passé moins de deux ans en prison à l'issue des procès de Nuremberg, pour ensuite purger une peine mineure suite à sa condamnation par le gouvernement allemand d'après-guerre en 1948. Après les révélations du procès Eichmann, Wolff a été accusé en 1964 d'avoir déporté 300 000 Juifs au camp d'extermination de Treblinka, des Juifs italiens à Auschwitz ainsi que du massacre de partisans italiens à Belarus. Pour ces crimes de guerre haineux il n'a purgé que cinq ans sur une peine de prison de quinze ans.

1. Parilli devait à nouveau arriver sur l'avant-scène lorsqu'il a collaboré avec l'OSS/CIA pour empêcher l'avènement d'un gouvernement dirigé par les communistes en Italie.

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Acte de reddition signé à Reims


Affiche soviétique de la Deuxième Guerre mondiale - Notre victoire

De plus en plus de pays refusent de commémorer le Jour de la victoire le 9 mai comme ils ont eu l'habitude de le faire. La Pologne a été le dernier à annuler le Jour de la victoire et de la liberté le 9 mai en faveur de la Journée nationale de la victoire, qui sera célébrée le 8 mai C'est fait pour amenuiser le rôle de l'Union soviétique dans l'obtention de la victoire sur le fascisme et la mise en place du système mondial d'après-guerre.

Le parlement polonais a dit qu'il n'y a aucune raison d'être d'accord avec l'interprétation soviétique des événements. Selon lui, l'armée soviétique a établi après la fin de la Deuxième Guerre mondiale des gouvernements non élus et des systèmes politiques non démocratiques dans les pays qui se sont retrouvés sous son contrôle. Ces raisons inventées servent bien l'objectif de semer le doute sur la contribution de l'Union soviétique dans la victoire des nations alliées et de la commémoration de l'événement un autre jour, pas celui considéré comme le Jour de la victoire en Russie « totalitaire », compte tenu en particulier qu'il a été l'événement le plus important du siècle dernier. Même les pays et les hommes politiques respectueux de la Russie cherchent des explications pour justifier leur décision d'annuler la date historique au nom de la solidarité euro-atlantique. À cet effet, ils utilisent l'événement qui a eu lieu à Reims, en France, avant que soit signé le 9 mai à Karlhorst l'acte de la capitulation inconditionnelle de l'Allemagne.

Le 6 mai, le generaloberst (le colonel général) Alfred Jodl, chef de l'état-major des opérations du Haut Commandement des Forces armées allemandes, est arrivé au siège temporaire du quartier-général de Dwight Eisenhower, le commandant suprême des forces alliées, à Reims pour signer le document de capitulation selon l'autorité que lui avait donnée le grossadmiral (le grand amiral, le plus haut gradé) Karl Dönitz, qui a agi comme président et commandant suprême des forces armées à l'époque. Eisenhower a insisté pour que l'acte de capitulation soit signé pour arrêter les hostilités sur tous les fronts, y compris le Front de l'Est où la Wehrmacht continuait d'offrir une résistance farouche à l'Armée rouge. Le 4 mai, Eisenhower a informé le commandement soviétique de la prochaine visite de Jodl. Dans une lettre adressée au général d'armée A. Antonov, chef de la Direction des opérations en Stavka, Eisenhower a écrit qu'il recommanderait que l'amiral Dönitz établisse des contacts avec le haut commandement russe et discute de la capitulation de toutes les forces qui font face à l'Armée rouge. Il faut donner au diable son dû : le général américain s'est comporté comme un véritable allié. Il a souligné que les termes de la capitulation sont purement militaires, qu'ils n'avaient aucun rapport avec les conditions politiques ou économiques imposées par les gouvernements des États alliés. Il a trouvé important que les hostilités prennent fin sur tous les fronts au même moment.

Le 6 mai, Jodl a fait rapport des conditions de capitulation à l'amiral Dönitz dont le personnel était posté à l'époque à Flensburg. Le 7 mai, le message radio provenant de Dönitz lui demandait de signer l'acte de capitulation inconditionnelle sur tous les fronts.

Le général Ivan Sousloparov, le chef de la mission soviétique de liaison avec le gouvernement français et le siège suprême des forces d'expédition alliées, a signé pour l'Union soviétique l'instrument allemand de capitulation le 7 mai 1945. Selon les souvenirs du général d'armée S. Shtemenko, à la tête des opérations de direction de l'état-major général soviétique, Susloparov était à Paris. Il a reçu la visite de l'adjoint d'Eisenhower qui lui a demandé de venir à Reims sans délai. Eisenhower l'a informé que Jodl était prêt à signer le protocole de reddition et le représentant soviétique se devait d'assister à la cérémonie. Eisenhower a dit qu'il a refusé catégoriquement de signer un protocole séparé sans la participation soviétique. Le Commandant suprême allié a demandé à Susloparov d'envoyer le texte du protocole à Moscou et de représenter son pays lors de la cérémonie de signature qui a été prévue pour 02 h 30 heure d'Europe centrale le 7 mai 1945. Le protocole stipule que toutes les forces sous le contrôle du gouvernement allemand doivent se conformer à la reddition inconditionnelle. Les forces armées doivent demeurer sur leurs positions. Tous les ordres du Commandant suprême allié et du Commandement soviétique doivent être suivis à la lettre.

Susloparov n'a pas reçu d'instructions de Moscou à ce moment-là. Alors il a pris le risque d'agir de son propre chef et a signé le document. Selon Shtemenko, Susloparov a offert d'y inclure un supplément au document qui déclare qu'un autre document sur la capitulation pourrait être signé si l'un des gouvernements alliés trouve cela opportun. Les représentants des autres pays alliés y ont donné leur accord.

La capitulation sans condition des forces armées allemandes a été signée par le generaloberst Alfred Jodl, au nom du commandement suprême des forces armées et en tant que représentant pour le nouveau président du Reich, le grand amiral Karl Dönitz ; Walter Bedell Smith a signé au nom des Alliés occidentaux et Ivan Susloparov au nom de l'Union soviétique. Le major-général français François Sevez a signé comme témoin officiel. L'amiral allemand Hans-Georg von Friedeburg a également assisté à la signature. Le document est entré en vigueur le 8 mai à 0 h 00, heure d'Europe centrale (deux heures plus tard selon l'heure de Moscou).

Le message de Moscou est parvenu après que la cérémonie soit terminée. Il y est dit de ne pas signer de documents. Shtemenko dit qu'il a fallu quelques heures pour rapporter l'information à Staline et lui faire préparer la réponse. La cause réelle était peut-être ailleurs. Staline avait toutes les raisons de croire que le protocole à être signé à Reims ne serait pas respecté sur le front de l'Est. Il savait quelque chose dont Susloparov n'a pas été informé. Dönitz a donné l'ordre de quitter les positions sur le front de l'Est et de passer à l'ouest en faisant usage des armes si nécessaire. En outre, Jodl a utilisé les mauvaises communications comme un prétexte pour donner 45 heures de délai aux forces (à partir du moment de la signature à son entrée en vigueur, soit à 23 h 00, le 8 mai, heure d'Europe centrale). Une biographie de Jodl intitulée A Soldier Without Fear or Reproach a été publiée récemment en Allemagne. Il y écrit que beaucoup de soldats et de réfugiés ont utilisé ce temps pour échapper aux Russes. Staline avait d'importantes considérations politiques. Les Alliés ont souligné leur rôle dans la défaite de l'Allemagne en organisant la cérémonie sur le territoire qu'ils contrôlaient, peu importe que l'Union soviétique ait porté le poids de l'effort de guerre : l'ennemi a perdu 73 % de son personnel et 75 % de son armement sur le front germano-soviétique.

Staline a refusé les propositions de Churchill et de Truman de déclarer le 8 mai Jour de la victoire. Il a envoyé des lettres personnelles à chacun des dirigeants occidentaux affirmant que la résistance des forces allemandes sur le front de l'Est a été aussi forte qu'auparavant. Il a proposé d'attendre jusqu'à la capitulation des forces allemandes à 23 h 00, le 8 mai, heure d'Europe centrale soit 0 1 h00, le 9 mai, heure de Moscou. Les dirigeants occidentaux ont amenuisé la proposition de déclarer la victoire un autre jour, mais ils ont convenu de considérer le document de Reims comme la formalisation préliminaire de la capitulation. Staline a écrit que l'acte de reddition signé à Reims ne peut être ni annulé, ni reconnu. La signature de la capitulation doit être un acte historique important. Les documents doivent être signés où l'agression a débuté, soit à Berlin. Cela ne pouvait être fait unilatéralement. Le document doit être signé en présence des représentants des hauts commandants de l'alliance. Voilà ce qui est arrivé plus tard dans la nuit du 9 mai 1945, dans la banlieue de Karlshorst, à Berlin.

(Strategic Culture Fondation, le 5 mai 2015.Traduction : LML)

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L'incident de Berne ou la fin de la coalition anti-Hitler

L'URSS a obtenu la victoire sur l'Allemagne nazie en collaboration avec la coalition des Alliés, qui gardaient une pierre dans leur poche (un tour dans leur sac). Il s'agit d'un fait indéniable.

À la fin de 1942, en pleine bataille de Stalingrad, l'antenne londonienne des Renseignements soviétiques à l'étranger communiquait une conversation qui s'était déroulée entre l'ambassadeur britannique aux États-Unis Edward Wood, lord Halifax et le secrétaire d'État Benjamin Sumner Welles. Ce dernier déclara que si l'Allemagne tombait en 1943 ou 1944, alors l'Armée rouge se déploierait loin vers l'ouest... Cela aurait un impact négatif sur l'opinion publique américaine et modifierait les plans pour la reconstruction de l'Europe.

Dans le but de ralentir l'avance de l'Armée rouge en Europe, les alliés anglo-américains s'adonnèrent constamment à des manoeuvres répréhensibles, comme celle d'essayer d'entamer des pourparlers séparés avec les nazis. Allen Dulles fut recruté pour travailler pour le Bureau des services stratégiques. Il mena des négociations secrètes à Berne, en Suisse, avec le général SS Karl Wolff, afin d'obtenir la reddition de toutes les armées allemandes et fascistes en Italie du Nord, voire même sur l'ensemble du front occidental. Le nom de code de ces pourparlers était Opération Sunrise [Opération lever du soleil, NdT]. Il ne s'agissait pas d'une initiative privée du général, ainsi que beaucoup l'ont cru, celui-ci représentait la direction du Reich. Le 6 février, il reçut l'instruction de Hitler en personne d'établir le contact avec les nations occidentales et de discuter des perspectives d'un armistice sur le front de l'Ouest. L'opération était menée sous la supervision de Heinrich Himmler. En fait, en agissant de la sorte, l'Allemagne s'efforçait de faire d'une pierre trois coups. Elle voulait fractionner la coalition anti-Hitler, voire même se joindre à l'Occident dans une éventuelle guerre contre l'URSS si celle-ci était déclenchée. Elle visait à mettre un terme à l'avance des pays alliés sur le front occidental, et de cette façon, lui donner la possibilité de repositionner des troupes de l'ouest à l'est pour renforcer les défenses contre l'URSS.

Mener des pourparlers séparés était proscrit par les accords conclus entre l'URSS, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Par exemple, le Royaume Uni et l'Union soviétique avaient signé le 26 mai 1942 l'Accord de vingt ans d'assistance mutuelle entre le Royaume-Uni et l'Union des républiques socialistes soviétiques : 26 mai 1942. L'article II de l'Accord stipulait que « les hautes parties contractantes s'engagent à ne pas entamer de négociations avec le gouvernement hitlérien ou quelque autre gouvernement en Allemagne qui ne renonce pas clairement à toute intention d'agression, et de ne négocier ni conclure, sinon par consentement mutuel, aucun armistice ou traité de paix avec l'Allemagne ou autre État qui lui soit associé dans ses actes d'agression en Europe ».

Il ne s'agissait pas seulement de rompre des accords. Les alliés anglo-américains n'excluaient pas (ainsi que l'ont montré les derniers jours de la guerre) la possibilité d'utiliser les prisonniers de guerre allemands contre l'Union soviétique. De cette manière, le potentiel militaire des forces s'opposant à l'URSS aurait été considérablement augmenté.

Le 8 mars, Dulles et Wolff se rencontrèrent dans un lieu secret à Zurich. Le général SS de haut rang offrit les conditions suivantes : le commandement anglo-américain arrête son avance en Italie, un cessez-le-feu s'ensuit, et ensuite les forces allemandes évacuent le front. Dulles marqua son accord pour que ces conditions puissent servir de base aux négociations ultérieures. Le 19 mars, le général-major britannique Terence Airey, chef d'état-major assistant du général Harold Alexander, se joignit aux discussions à Ascona.

Wolff informa Berlin de la possibilité d'une scission au sein des rangs alliés. Il reçut l'instruction de faire traîner les négociations en longueur aussi longtemps que possible. De cette façon, les Allemands parvinrent à retarder le début de l'avance alliée en Italie et à acheminer des renforts (la 6e armée blindée SS) sur le front de l'Est et de lancer une contre-offensive sur le lac Balaton [en Hongrie, NdT] en mars 1945.

Les pourparlers étaient top-secrets. Peu importe que les alliés aient autorisé ou non une fuite, le fait est qu'elle eut lieu, si bien que l'URSS fut informée de leurs contacts avec le représentant du feld-maréchal Albert Kesselring, le commandant des forces allemandes en Italie, afin de discuter des conditions d'une capitulation. Vyacheslav Molotov, le ministre soviétique des Affaires étrangères, demanda que les Soviétiques puissent participer aux négociations. Sa requête fut rejetée. Les contacts avec Wolff se poursuivirent. Les autorités soviétiques furent informées de ces tractations par des sources fiables, comme par exemple Kim Philby, membre des Cinq de Cambridge et chef à l'époque d'une section du MI6. Moscou entama donc des démarches.

Le 22 mars, Molotov déclara qu'il ne pensait pas que cet incident était un simple malentendu. Le gouvernement soviétique pensait qu'il s'agissait de quelque chose de bien pire. Le 3 avril, Joseph Staline reçut un message de Franklin Roosevelt qui niait purement et simplement la réalité de ces contacts. Le télégramme de Staline fut sec et sans détour. Il écrivit : « Vous assurez qu'aucun contact n'a lieu. Peut-être n'avez-vous pas été complètement informé. Mes collègues militaires n'ont aucun doute sur le fait que ces contacts ont eu lieu. Un accord a été conclu. Le commandant allemand, le feld-maréchal Kesselring, a accepté d'ouvrir le front et de laisser passer les forces anglo-américaines. En retour, les Anglo-américains ont promis d'alléger les conditions de l'armistice. Je pense que mes collègues sont plus proches de la vérité. Autrement, il est impossible d'expliquer la raison pour laquelle un représentant du commandement soviétique n'a pas été autorisé à prendre part aux discussions de Berne. Je comprends que les négociations séparées en Suisse puissent avoir des retombées positives, parce qu'elles offrent aux forces anglo-américaines une occasion de pénétrer profondément au coeur de l'Allemagne sans rencontrer aucune résistance des Allemands. Alors pourquoi dissimuler ces faits aux Russes ? Donc les Allemands cessent les hostilités sur le front occidental mais continuent de combattre la Russie — une alliée de la Grande Bretagne et des États-Unis. Cette situation ne peut pas contribuer à renforcer les lien de confiance entre nos pays. »

Dans sa réponse, Roosevelt essaya de convaincre Staline qu'il n'y avait pas eu de pourparlers en Suisse. Il fit même l'hypothèse que Staline avait utilisé des « sources allemandes » qui avaient essayé de diviser les alliés et ainsi de se soustraire à la responsabilité des crimes commis. Selon lui, si tel avait été le but de Wolff, alors sa mission avait été accomplie. Winston Churchill nia également le fait d'avoir mené des négociations en Suisse concernant la capitulation des forces allemandes commandées par Kesselring.

Le chef du gouvernement soviétique envoya à Roosevelt un autre message où il exprima en termes simples et directs sa conception de ce à quoi les relations entre alliés devraient ressembler. « Nous, les Russes, croyons que l'ennemi est confronté à une capitulation inévitable, et que toute rencontre destinée à discuter les termes de la capitulation doit inclure les représentants des autres alliés. Je crois que ce point de vue est correct. Il exclut toute suspicion mutuelle, et empêche l'ennemi de fomenter des sentiments de méfiance. »

Le 12 avril 1945, seulement quelques heures avant sa mort, Roosevelt écrivit son dernier message à Staline pour lui exprimer sa gratitude d'avoir su préciser le point de vue soviétique dans l'affaire de Berne, qui fut reléguée dans le passé sans avoir occasionné d'aspect positif.

Mais il y a eu un point positif. À la suite de la démarche soviétique, les forces alliées reprirent leurs attaques en Italie le 9 avril. Les négociations avec Wolff cessèrent. Dulles fut informé que, eu égard aux objections soviétiques, la proposition d'une capitulation ne pouvait être discutée unilatéralement par les Anglo-américains.

L'incident de Berne causa de graves dégâts aux relations entre les alliés, amorçant une sérieuse cassure entre l'Union soviétique d'un côté, la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique de l'autre. Certains historiens qualifient l'Opération Sunrise de premier épisode de la guerre froide.

(Strategic-culture 29 avril 2015. Traduit par Jean-Marc, relu par jj pour le Saker Francophone)

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Rétablissons les faits

Un concours d'absurdité autour du Jour de la Victoire

Le 19 mars 2015, le Los Angeles Times a publié un article intitulé « Kiev, non pas Moscou, devrait être le choix pour célébrer le Jour de la Victoire », écrit par Steven Pifer, chercheur à la Brookings Institution, John Herbst, le directeur du Centre Dinu Patriciu de l'Eurasie du Conseil de l'Atlantique, et Bill Taylor, vice-président de l'Institut des États-Unis pour la paix. Tous trois sont d'anciens ambassadeurs des États-Unis en Ukraine. Au début de leur article, ils félicitent la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique, David Cameron, pour leur refus d'aller à Moscou en mai pour participer à la célébration de la victoire sur le nazisme.

Les auteurs croient que Merkel, Cameron et Obama devraient aller à Kiev au lieu de Moscou pour commémorer le Jour de la Victoire, ainsi ils pourraient le souligner « à leurs conditions, pas à celles de Poutine ». Et c'est tout ! « Compte tenu du conflit mené par la Russie contre l'Ukraine, les dirigeants occidentaux ne pourraient pas être à la tribune sur la Place Rouge pour le défilé des troupes russes, dont les camarades ont récemment menée, et pourraient continuer de mener, la guerre en Ukraine orientale, 500 milles plus au sud », écrivent Pifer, Herbst et Taylor.

Dans ce cas, ces vétérans de la diplomatie américaine se concentrent sur la réalisation d'un objectif politique assigné : symboliquement priver la Russie, le seul successeur de l'URSS, du droit de réclamer à juste titre cet héritage. Ils savent très bien qu'ils ne sont pas les premiers à lancer cette idée. La Pologne avait fait des propositions dans ce sens avant eux. Par exemple, le président polonais Bronislaw Komorowski avait avancé l'idée de tenir les célébrations le 8 mai à la Westerplatte à Gdansk, où la guerre a éclaté en 1939. Le ministre des Affaires étrangères polonais, Grzegorz Schetyna, a déclaré qu'il serait plus approprié de célébrer la victoire sur Hitler à Londres, à Berlin ou en Pologne. Le président de l'Estonie, Toomas Hendrik Ilves, a annoncé qu'il n'entendait pas se rendre à Moscou le 9 mai et participer aux manifestations pour marquer le 70e anniversaire de la victoire. « Nous ne nous souvenons pas et nous ne rendons pas hommage à la victoire ou la défaite. Nous honorons la mémoire des victimes et n'oublions pas le courage des soldats et des combattants de la résistance qui ont défendu leur pays », a-t-il déclaré. Le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a enrichi notre connaissance de l'histoire mondiale en déclarant publiquement que l'Union soviétique « avait envahi l'Ukraine et l'Allemagne ».

Toutes les propositions de célébrer le Jour de la Victoire à tout autre endroit sauf la capitale de l'Union soviétique/Russie, la principale puissance victorieuse de la plus importante guerre du XXe siècle, ressemblent à un concours d'absurdité. Ce n'est pas un manque de connaissance de l'histoire. Dans ce cas particulier, cette absurdité fait partie de la guerre froide déclarée par l'Occident contre la Russie. Les auteurs de l'article mentionné ci-dessus disent que les dirigeants occidentaux devraient choisir Kiev, non pas Moscou, comme l'endroit où tenir le rassemblement du Jour de la Victoire, parce « se réunir dans la capitale ukrainienne enverrait également un puissant message à la population russe pour lui faire comprendre l'isolement du dirigeant de leur pays dû à son agression de l'Ukraine ». C'est ce qu'ont dit les Américains et c'est ce que les fonctionnaires ukrainiens répètent maintenant.

En tant que Polonais, M. Grzegorz Schetyna ne peut convenir que l'Armée rouge a porté le poids de la lutte contre la Wehrmacht d'Adolf Hitler sans se souvenir que non seulement la Pologne a évité d'être rayée de la carte du monde, mais ajouté un tiers de son territoire. Cela, la Pologne le doit à Staline, pas à Churchill dont la position lors de la Conférence de Crimée sur des gains territoriaux possibles de la Pologne était : « Il serait très dommage de gaver l'oie polonaise de nourriture allemande, de sorte qu'elle ne crève d'indigestion ». De la même manière, si le président estonien se souvenait que l'URSS a gagné la Deuxième Guerre mondiale et que l'Allemagne nazie a été vaincue, alors comment pourrait-il honorer « la mémoire des victimes et ne pas oublier le courage des soldats et des combattants de la résistance qui ont défendu leur pays », c'est-à-dire les légionnaires estoniens de la Waffen SS, une organisation condamnée comme organisation criminelle à Nuremberg. Tous les politiciens pour qui la victoire de l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre est une source d'irritation sont dans la même situation.

Pifer, Herbst et Taylor pensent malgré tout que leur proposition est plus intelligente que toutes celles présentées avant la leur. Ils n'hésitent pas à reconnaître la contribution du peuple soviétique. Ils poursuivent un objectif différent : ils veulent séparer cette grande victoire de « la Russie de Poutine ». Citons encore ces anciens ambassadeurs en Ukraine qui appellent les chefs d'État des principaux pays occidentaux à se rendre à Kiev pour marquer le Jour de la Victoire : « Que les propagandistes du Kremlin essayent de cacher la vue des dirigeants occidentaux à Kiev honorant respectueusement la lutte héroïque des peuples soviétiques, notamment le peuple russe, pendant la Deuxième Guerre mondiale. »


Affiche soviétique de la Deuxième Guerre mondiale : « Le balai de l'Armée rouge va balayer toute la racaille ! »

Honorer respectueusement les peuples soviétiques ? Qui veulent-ils tromper avec ces paroles ? Les dirigeants occidentaux ne peuvent toujours pas pardonner au peuple soviétique, à l'Armée rouge, le fait que l'Union soviétique a résisté à l'agression de l'Allemagne nazie et, ainsi, contrecarré les plans des démocraties occidentales d'apaiser Hitler en sacrifiant des territoires en Europe orientale et en lui permettant de s'en emparer. L'Occident peut-il reconnaître que sans l'Union soviétique et son Armée rouge toute l'Europe aurait été transformée en un camp de concentration fasciste ? Les auteurs seraient-ils en désaccord avec Winston Churchill ? Son animosité envers la Russie était bien connue. Malgré cela, il a admis que l'Armée rouge « a arraché ses entrailles à la machine de guerre nazie ». Le fait est qu'un tel aveu saperait la vision du monde de ceux qui ont imposé leur type de démocratie à la Yougoslavie, l'Irak, la Libye, et maintenant tentent de l'imposer à l'Ukraine.

Kiev, ainsi que d'autres villes soviétiques comme Sebastopol, Odessa, Minsk, Moscou, Smolensk, est devenue une Ville héros. Des soldats de toutes les républiques soviétiques ont combattu dans les rangs de l'Armée rouge, y compris d'Ukraine. Ils n'étaient pas divisés selon les frontières nationales. Ensemble, ils ont défendu Moscou, libéré la Pologne et se sont emparés de Berlin. Que peuvent célébrer le Jour de la Victoire les dirigeants occidentaux à Kiev, la capitale d'un pays dont le gouvernement est arrivé au pouvoir par un coup d'État soutenu par des néo-nazis ? Quel événement pourrait être souligné avec le régime qui a déclaré héros de l'Ukraine les laquais de Hitler Bandera et Choukhevytch ?

Le concours de l'absurdité pour choisir un autre lieu d'importance historique pour marquer le Jour de la Victoire au lieu de Moscou peut se poursuivre, rien ne s'y oppose. Et rien ne se passera si certains dirigeants occidentaux ne viennent pas à Moscou le 9 mai 2015. Cela n'assombrira pas cette fête célébrée dans toute la Russie.

Il est toujours dangereux de mélanger les choses, ce que font ceux qui ont commencé le discours mensonger de l'« agression russe » avant les célébrations de la victoire sur l'Allemagne fasciste. Cela provoquera inévitablement une réaction en Europe. L'Europe connaît les conséquences d'encourager le nazisme. Elle les a vécues.

(Strategic Culture Foundation, 21 mars 2015. Traduction : LML)

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La réécriture de l'histoire sur la question du Jour
de la victoire en Europe


Célébrations du Jour de la victoire en Europe, le 8 mai 1945, Londres

La semaine dernière, William Hague, le dirigeant de Chambre des communes, a annoncé que la fin de semaine du 8 au 10 mai 2015 avait été désignée pour commémorer le 70e anniversaire du jour de la victoire en Europe (VE), qui est souligné le 8 mai en Grande-Bretagne.

Notons que les célébrations en vue et la déclaration de Hague indiquent que le gouvernement semble prêter moins d'efforts à commémorer le 70e anniversaire du Jour VE et du jour de victoire sur le Japon (VJ) en août, qu'à commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale qu'on a décidé de souligner par des événements commémoratifs s'étalant sur quatre ans. Ce qui saute aussi aux yeux est que le gouvernement a la ferme intention de souligner la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe en masquant la nature de cette guerre et le fait important qu'elle a signalé la victoire décisive sur le fascisme. La réécriture et la falsification de l'histoire suite à cette victoire servent nécessairement à masquer le rôle essentiel joué par l'Union soviétique, qui s'était placée à la tête de la défaite du fascisme en Europe, 27 millions de personnes ayant perdu la vie en Union soviétique.

C'est sans doute pour cette raison qu'on tente de présenter le premier ministre conservateur de cette période de guerre comme étant la personnification du rôle qu'a joué la Grande-Bretagne dans cette victoire et d'attacher une attention particulière au discours qu'il a livré à l'occasion du jour VE en 1945. Cependant, comme l'histoire le montre, moins de deux mois plus tard la classe ouvrière et le peuple de Grande-Bretagne, forts de leurs aspirations à une société nouvelle, une société fondée sur l'opposition ferme à l'impérialisme, au fascisme et au nazisme et tout ce qu'ils représentent, ont défait Churchill à l'élection générale de juillet 1945.

Le gouvernement de Churchill avait déjà révélé sa véritable nature prédatrice et anti-peuple plusieurs mois avant le jour VE par son intervention militaire en Grèce en décembre 1944. Cette intervention, planifiée depuis quelque temps déjà, avait comme objectif non pas de débarrasser la Grèce des occupants nazis mais d'éliminer le mouvement de résistance héroïque dirigé par les communistes, le Front de libération nationale (EAM), qui avait dirigé la lutte en Grèce contre l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, et qui avait reçu des armes de la Grande-Bretagne pendant la guerre. L'acte d'intervention de la Grande-Bretagne visait à empêcher le peuple de s'investir du pouvoir suite à l'évacuation des occupants et à restaurer un gouvernement et un monarque réactionnaires les mieux indiqués pour protéger les vastes intérêts impérialistes britanniques. L'armée britannique a créé les conditions menant au massacre de manifestants patriotiques sans armes à Athènes, y compris des enfants, et a mené d'autres actions militaires contre la résistance, ayant reçu de Churchill les instructions de ne pas « hésiter à agir comme si vous étiez dans une ville conquise perturbée par une rébellion locale ».


Le lieutenant-général Ronald Scobie (au centre) qui, le 5 décembre 1944, avait imposé la loi martiale et commandé le bombardement aérien du quartier ouvrier de Metz à Athènes

L'intervention militaire en Grèce et les attaques contre les antifascistes pendant la Deuxième Guerre mondiale ont été largement condamnées en Grande-Bretagne. Les grands quotidiens dont The Times ont condamné cette intervention. Par contre, la Grande-Bretagne a été appuyée par le Parti du travail et le Congrès des syndicats britanniques (TUC), autant avant l'élection générale de 1945 qu'après que le gouvernement travailliste d'Atlee ait pris le pouvoir. Le TUC a d'abord envoyé une délégation en Grèce à la demande du gouvernement Churchill peu après l'intervention militaire. Plusieurs autres ont suivi, avec la ferme intention de diviser le mouvement syndical en Grèce, empêchant par le fait même des « élections libres et équitables » et imposant des dirigeants qui serviraient les intérêts du gouvernement britannique. Le gouvernement travailliste d'Atlee a non seulement appuyé les gouvernements grecs réactionnaires qui attaquaient les droits de la classe ouvrière en Grèce, mais a aussi attaqué les mouvements ouvriers et patriotiques qui avaient dirigé la lutte contre le fascisme pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'ingérence du gouvernement britannique et des dirigeants syndicaux en Grèce a créé les conditions propices à la crise politique en Grèce et a préparé le terrain à l'intervention des États-Unis, non seulement en Grèce, mais aussi dans d'autres pays, trouvant la justification pour une telle ingérence dans la « doctrine Truman » ouvertement anticommuniste, appuyée par le soi-disant plan Marshall. La situation s'est détériorée et a éclaté en ce qu'on a appelé une guerre civile entre le gouvernement réactionnaire grec, appuyé par l'impérialisme anglo-étasunien, et les forces patriotiques, dirigées par le Parti communiste grec. Il s'agissait bel et bien d'un conflit militaire qui a mené à la mort, à l'emprisonnement et à l'exil` de plusieurs milliers de personnes qui avaient contribué à la défaite du fascisme pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce conflit a laissé la Grèce dans l'instabilité politique et dépendante des États-Unis pour plusieurs décennies à venir.


À gauche, les corps de manifestants sans armes tués par les policiers et par l'armée britannique à Athènes le 3 décembre 1944. À droite, des femmes dénoncent la tuerie qui a mené à des combats de rue pendant plus d'un mois à Athènes.

L'histoire démontre que la Deuxième Guerre mondiale a mené à la victoire sur le fascisme et a créé les conditions pour la libération d'un grand nombre de pays en Afrique et en Asie, permettant à la classe ouvrière de faire progresser sa cause pour le progrès et pour l'émancipation sociale. Les quelques années qui ont suivi la victoire sur le fascisme nazi ont été des plus dynamiques, suscitant de profonds changements et la création d'un camp socialiste. Cependant, l'histoire démontre aussi que ces progrès n'étaient pas acceptés de tous. S'y sont opposés ceux qui avaient encouragé, apaisé et financé le fascisme avant la guerre, dans l'espoir qu'il détruirait l'Union soviétique et les aspirations des travailleurs de tous les pays. Dès que la victoire sur le fascisme devenait un fait accompli et que le jour de la victoire en Europe fut proclamé, la lutte contre le communisme et pour empêcher les peuples de s'investir du pouvoir recommençait de plus belle.

(Workers' Weekly est publié par le Parti communiste révolutionnaire de Grande-Bretagne (marxiste-léniniste). Traduction : LML)

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La communauté internationale doit préserver les acquis de la victoire contre le fascisme

Il y a 70 ans aujourd'hui, l'Allemagne nazie capitulait sans condition, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale en Europe.

En ce jour spécial, tous ceux qui aiment la paix dans le monde devraient se souvenir de l'histoire et préserver l'ordre international bâti autour des Nations unies en favorisant la paix et le développement dans le monde contemporain.

L'année 2015 revêt une importance historique, car elle marque le 70e anniversaire de la victoire du monde contre le fascisme, de la guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise et de la fondation de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Il y a 70 ans, l'agression barbare des fascistes allemands et des militaristes japonais avait marqué une page sombre de l'histoire humaine. Plus de 80 pays et régions et quelque deux milliards de personnes en Asie, en Europe, en Afrique et en Océanie avaient été précipités dans les flammes de la guerre et connu de terribles tragédies.

En tant que théâtre d'opérations de premier plan en Asie, la Chine a apporté une contribution indélébile à la guerre contre le fascisme en repoussant l'agression japonaise au prix de 35 millions de victimes, ce qui a permis de soutenir les efforts de guerre des puissances alliées en Europe et dans le Pacifique.

L'ordre international actuel bâti autour de l'ONU qui a résulté de cette victoire a défendu la paix et le développement dans le monde ces 70 dernières années depuis la fin de la guerre, et celui-ci devrait donc être apprécié pour ce qu'il est et sauvegardé.

Publiée par la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni le 1er décembre 1943, la Déclaration du Caire reste la pierre angulaire de la structure de l'ordre de l'Extrême-Orient d'après-guerre, de même que la Déclaration de Potsdam.

Toute tentative de remettre en cause l'ordre international fondé sur ces deux documents est vouée à l'échec.

Bien que le monde connaisse actuellement des mutations complexes et profondes, la nature de la Seconde Guerre mondiale et l'importance historique de la victoire qui a débouché sur l'élaboration de la Charte des Nations unies et d'autres documents internationaux sont absolument incontestables et ne sauraient être remises en cause.

Pourtant, le gouvernement japonais du premier ministre Shinzo Abe n'a pas fait face à l'histoire de son pays, qui a commis des crimes de guerre atroces de manière systématique il y a 70 ans, et poursuit sa stratégie honteuse qui consiste à éviter de regarder en face l'histoire du Japon pendant la guerre.

Récemment, M. Abe a exprimé devant le Congrès américain ses « profonds remords » vis-à-vis des « actions » commises par le Japon avant et pendant la guerre qui ont « fait souffrir » d'autres pays asiatiques, continuant ainsi à minimiser les atrocités commises par son pays pendant la guerre.

Le dirigeant, qui exprime de plus en plus ouvertement son nationalisme, doit des excuses sincères aux pays d'Asie victimes de l'agression et de la colonisation brutales du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale.

À l'heure où le monde célèbre le 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, M. Abe devrait faire preuve de réserve dans ses paroles et dans ses actes et saisir véritablement cette excellente opportunité de s'adresser à ses voisins avec honneur et dignité.

Oublier le passé revient à trahir, déformer l'histoire revient à s'engager sur la même voie tragique. Tous les pays et peuples épris de paix devraient chérir cette paix durable durement acquise, défendre les buts et les principes de la Charte des Nations unies et promouvoir la construction d'un nouveau modèle de relations internationales centré sur la coopération gagnant-gagnant.

(Xinhua, 8 mai 2015)

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Discours de Samantha Power sur le siège de Leningrad: le comble du cynisme

La représentante permanente des États-Unis aux Nations unies, Samantha Power, prenant la parole lors d'une réunion de l'Assemblée générale le 5 mai 2015, a cité le journal intime de Tanya Savicheva, rappelant les souffrances de la jeune fille pendant le siège de Leningrad en 1941-1944. Voici le commentaire de Maria Zakharova, directrice du département de l'information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères, publié en russe par RT. Mais tout d'abord, il faut vous rappeler l'histoire tragique de cette famille de Leningrad.

* * *

Le journal de Tanya Savicheva

Pendant le blocus allemand de 900 jours de Leningrad, 642 000 civils sont morts dans la ville et 400 000 autres pendant l'évacuation.

En 1941, la famille Savichev vivait à Leningrad et s'apprêtait à passer l'été à la campagne. Mais seul Mikhail, le frère de Tanya, a réussi à quitter la ville avant le blocus.

Dès le début de la guerre, tous les membres de la famille avaient commencé à aider à l'effort de guerre. La mère cousait des uniformes, d'autres avaient travaillé dans la fabrication d'armes et avaient servi à la défense de la ville.

Comme les denrées alimentaires avaient été coupées pendant le siège, la plupart des habitants de la ville étaient condamnés à mourir de faim. La famille de Tanya n'a pas échappé au sort commun et son journal est devenu un témoignage de la tragédie humaine de Leningrad durant la Seconde Guerre mondiale.


La grand-mère de Tanya, Evdokia Arsenieva

Première entrée :

« Zhenya est décédée le 28 décembre 1941 à 12 h 30 »

Soeur Zhenya travaillait dans une usine d'armes, où elle devait se rendre en luttant contre les éléments des rigueurs de l'hiver. Elle fut la première victime de la famille, en raison des énormes exigences physiques et du manque de nutrition.

Moins d'un mois plus tard, une nouvelle entrée apparaît dans le journal :

« Grand-mère est décédée le 25 janvier 1942 à 15 h 00. »

« Leka est décédé le 17 mars, 1042, à 05 h 00. »

Puis Leonid Savichev (1917-1942)

« Oncle Vasya est décédé le 13 avril 1942 à 02 h 00 . » :

Enfin Tanya écrit à propos de la mort de l'oncle Lesha et sa mère Maria. Lesha mourut le 10 mai et sa mère trois jours plus tard. Dans l'entrée, Tanya omet le mot « mort » :

« Mama le 13 mai 1942, à 07 h 30 »

Dernières entrées :

« La famille Savichev est morte. »

« Tout le monde est mort. »

« Il ne reste plus que Tanya. »

Tanya a été évacuée assez tôt avec d'autres enfants. En août 1942, le train emmenant les enfants est arrivé dans le village de Chatki. La jeune fille s'est retrouvée dans l'orphelinat 48. Mais, parmi les nouveaux enfants, elle était la seule à être atteinte de tuberculose. Tanya est décédée le 1er juillet 1944 à l'âge de 14 ans.

Commentaire de Maria Zakharova, directrice du département de l'information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères

Le cynisme a beaucoup de définitions et d'exemples. En voici un autre. Cynisme — lorsque, le 5 mai 2015, la représentante permanente des États-Unis aux Nations unies, Samantha Power à la tribune de l'Assemblée générale cite le journal intime de Tanya Savicheva, pour parler de la souffrance de la jeune fille pendant le siège de Leningrad.

Tout d'abord, Samantha Power a temporairement oublié que le siège de Leningrad a duré 872 jours — du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944. Et le deuxième front tant attendu a été ouvert en Europe, six mois après la libération complète de Leningrad du blocus !

Qu'est-ce qui a empêché les États-Unis et le Royaume-Uni de commencer à aider notre pays à sauver Tanya et des centaines de milliers de ces mêmes enfants de 2 à 5 ans ? Après tout, quelque chose l'empêchait, n'est-ce pas ? Ou alors, Washington et Londres ne disposaient pas des pages du journal de Tanya Savicheva à l'époque ? Sinon, ils auraient certainement commencé une opération militaire contre les troupes d'Hitler en Europe trois ans plus tôt, n'est-ce pas ?

Seulement, Tanya a disparu. Et maintenant la diplomatie américaine peut spéculer sur son nom autant qu'ils le veulent. Reconnaissons que le fait de demander aux Américains une connaissance de l'histoire, en particulier d'un pays étranger, même bien connu, c'est, disons, quelque peu cynique. Les enfants dans le Donbass se cachaient dans des abris pendant des mois, pendant que les troupes ukrainiennes bombardaient les villes.

Deuxièmement, en jouant la « bonne tante », qui déplore le sort d'un enfant qui est mort dans le lointain 1944, l'ambassadeur des États-Unis auprès des Nations unies a encore une fois oublié qu'à aucun moment au cours de l'année écoulée, pas une seule fois lors des réunions thématiques du Conseil de sécurité, elle n'a pris la peine de mentionner le sort des enfants du Donbass qui vivent encore, et , par ailleurs, souffrent [y compris de faim — KR] à la suite des opérations militaires et la catastrophe humanitaire provoquée par le blocus actuel. Elle n'est, cependant, pas la seule à l'oublier, ses autres collègues du département d'État, aussi.

C'est juste que les enfants du Donbass n'existent pas, ce n'est qu'un mythe de la « Propagande russe » ! C'est que, du point de vue de « l'exclusive » Samantha Power, ils ne valent même pas le statut de Pussy Riot, pour en parler à l'ONU. Mais, si ces enfants étaient morts du bon côté de l'histoire et, de préférence, depuis de nombreuses années de manière à ne pas pouvoir se défendre ; ou, s'ils s'étaient enfoncés un poulet congelé dans certaines parties de leur corps [référence à Pussy Riot — KR] en déclarant fièrement qu'elles souffrent à cause [de Poutine] du régime et du manque de réalisations créatives, alors Samantha Power garantirait une visite gratuite de l'immeuble de l'ONU et les honorerait à la tribune des Nations unies.

(RT. Traduction : Avic — Réseau International)

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Ce qui n'a pas été dit

Les célébrations du 60e anniversaire de la victoire sur le fascisme en Europe ont pris une tournure inattendue. On se rappelle la cruauté des nazis mais on oublie toujours de parler de l'idéologie du fascisme ainsi que des prémisses historiques et des circonstances politiques qui mènent à ces horreurs.

En dénonçant la brutalité qui a caractérisé le nazisme, il aurait été important de réfléchir aux tentatives de justifier ces actions idéologiquement et d'exposer le fait que l'idéologie fasciste basée sur l'exclusivité nationale, le racisme, la xénophobie, l'intolérance et l'exclusion ont survécu à la chute de Berlin.

La victoire grandiose sur les nazis peut servir au lancement idéologique d'une nouvelle défense passionnée de la liberté et de la démocratie, à rappeler les valeurs que l'unité et l'humanité ont placées au-dessus des régimes et des opinions politiques, des croyances religieuses et des niveaux de développement. Cela aurait été une bonne occasion de renouveler les engagements qui ont permis de former une coalition contre le nazisme.

C'était trop demander. Le président George Bush aurait pu dire beaucoup de choses intéressantes, et même de belles choses, sur le leadership de Franklin D. Roosevelt, mais il a choisi de faire un discours décousu qui révèle sa nostalgie pour les jours de la guerre froide et d'oublier qu'à l'époque l'Union soviétique faisait partie de la solution et non du problème.

Beaucoup de gens auraient aimé entendre parler de la résistance héroïque des peuples occupés, des actions courageuses de la guérilla française et yougoslave, des partisans qui ont envahi les forêts d'Europe, de la magnifique résistance de Prague, Budapest, Sofia, Oslo, du sacrifice des fermiers qui ont brûlé leurs récoltes, se condamnant eux-mêmes à la famine pour priver les nazis de nourriture, et de la détermination des juifs du ghetto de Varsovie.

Bush n'a rien dit du martyr des communistes et sociaux-démocrates, il n'a pas mentionné le nom de Tahelman et Dimitrov, les noms de Guernica et Lidice, et il n'a pas rendu hommage à ces prêtres qui ont transformé leurs églises en refuges.

Dans un monde profondément en mal d'unité et de rencontre des cultures et des civilisations, il a omis le fait que dans la lutte antifasciste, les catholiques et les communistes, les musulmans et les chrétiens, les Américains et les Russes étaient tous du même côté.

Beaucoup auraient aimé une réflexion sur le rôle des banques suisses qui ont accepté des lingots d'or faits de l'or tiré des dents des prisonniers des camps de la mort et des collectionneurs d'oeuvres d'art qui ont conservé dans leurs voûtes des oeuvres volées des musées d'Europe, sur les milliards de dollars de profit des capitaines des industries américaines de l'automobile, de l'acier et du pétrole durant la guerre et sur la fermeture des frontières des États-Unis aux immigrants juifs fuyant le fascisme.

En fait, Bush a été plus dur à l'endroit de l'Union soviétique qui n'existe plus qu'envers Hitler dont les idées sont toujours bien vivantes. Personne n'a précisé que l'Union soviétique a libéré la moitié de l'Europe, y compris la Norvège et l'Autriche, pays desquels elle s'est retirée dès qu'on le lui a demandé pour aller contribuer, épuisée, à la guerre contre le Japon pour donner un coup de main aux alliés américains.

C'est le président Poutine qui a dû parler du rôle de l'Union soviétique, ce grand champ de bataille où la machine de guerre d'Hitler a connu sa fin, où elle a subi 75 % de ses pertes durant la Deuxième Guerre mondiale, à prix fort pour les peuples de l'Union soviétique.

Pas un mot pour rappeler les procès de Nuremberg où le crime d'agression a été défini, aucune mention de ceux qui ont donné refuge aux nazis pour utiliser leurs talents particuliers, leur argent et même leur habileté répressive.

Il n'a pas été question non plus des leaders mondiaux qui, à l'instar de Roosevelt, ont fondé les Nations unies, un système de sécurité internationale basé sur le respect et la souveraineté des États, la souveraineté des peuples et l'autodétermination des nations.

On ne peut qu'espérer que la seule superpuissance qui subsiste au monde soit un jour gouvernée par un président qui connaît l'histoire et les traditions et qui chérit la paix et la tranquillité plutôt que la soif du profit et la guerre.

(Traduction : LML)

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Récits de la libération de l'Europe du nazi-fascisme

La Russie publie un ouvrage en douze volumes
sur la Grande Guerre patriotique


Des soldats de l'Armée route soviétique jettent par terre les symboles nazis à l'occasion de la parade de la Victoire à Moscou le 25 juin 1945.

Pour souligner le 70e anniversaire de la défaite du fascisme, la Russie a publié un ouvrage en douze volumes sur l'histoire de la Grande Guerre patriotique (1941-1945). L'oeuvre traite des complexités liées à comment l'Union soviétique a libéré la mère-patrie de l'invasion de l'Allemagne nazie et contribué de façon décisive à la défaite des nazis en 1945.

Un article paru dans Strategic Culture signé Yuriy Rubtsov note que cette étude en plusieurs volumes a été commanditée en 2008 par le président de la Russie, Vladimir Poutine, sous la direction du ministère de la Défense de la Russie. Rubtsov écrit que c'est mission accomplie pour cet ouvrage qui vient d'être complété et qui offre une nouvelle perspective sur la Grande Guerre patriotique. « Il s'agit vraiment d'une oeuvre fondamentale et cette fois les auteurs ont tenté de traiter de la question sous une toute autre lumière. Contrairement aux ouvrages fondamentaux déjà publiés en Union soviétique, les auteurs ont minutieusement évité de privilégier les descriptions, quoique pertinentes, de dispositions et d'activités militaires au détriment des nombreux aspects de la vie de tous les jours touchant à la politique, l'économie, la diplomatie, la vie sociale et spirituelle composant un phénomène aussi complexe que la Grande Guerre patriotique. »

Rubtsov note que près de 200 experts dans divers domaines (historiens militaires et civils, économistes, spécialistes de la politique et avocats) ont participé à l'étude. Parmi eux, aussi, l'Académie des sciences et des organisations publiques, des institutions d'enseignement militaire et civil telles l'Académie russe des sciences des missiles et de l'artillerie, l'Académie de science militaire, l'Académie du service de sécurité fédéral de la Fédération de la Russie, l'école d'état-major des forces armées et l'Université militaire du ministère de la Défense de la Fédération de la Russie. Il y a aussi l'institut d'État de Moscou des Relations internationales, l'Université d'État Lomonosov de Moscou, l'Académie des armes combinées des forces armées de la Fédération de la Russie, l'Académie présidentielle de la Russie d'Économie nationale et d'administration publique sous le président de la Fédération russe, l'Université d'État de Saint-Petersbourg, ainsi que les archives d'État et d'agences privées, d'organisations de vétérans et du complexe militaro-industriel. Le sujet de chacun des douze volumes de l'étude sur la Grande Guerre patriotique est comme suit :

Volume 1 : décrit les principaux événements de la guerre et résume le contenu des douze volumes. « On y parle des mesures préparatoires prises par l'Union soviétique visant à s'opposer à l'agression fasciste, et on y décrit les principales opérations, les activités à l'arrière et comment les gens vivaient à cette époque ».

Volume 2 : examine l'origine de la Grande Guerre patriotique, le déclenchement de la guerre et les trois premiers mois de la guerre.

Volume 3 : met en lumière les batailles décisives de la guerre y compris les batailles de Moscou et de Stalingrad ainsi que les autres batailles menées entre 1941 et la fin de 1943.


Célébrations du Jour de la victoire en Europe le 9 mai 1945, Moscou

Volume 4 : traite de la libération du territoire soviétique en 1944 et décrit les opérations de l'Armée rouge visant à repousser les Allemands du territoire national.

Volume 5 : décrit en détail la « victoire finale » de la guerre y compris les batailles décisives de l'Armée rouge en Europe et la guerre contre le Japon en Extrême-Orient.

Volume 6 : décrit en détail « la guerre secrète des agents de renseignement et de contre-espionnage pendant la Grande Guerre patriotique. Cette partie raconte les efforts déployés par les agences de renseignement, des forces militaires et de contre-espionnage étrangers visant à remporter la guerre ».

Volume 7 : examine l'économie et les armements soviétiques. « On y trouve une description de la base économique de l'URSS en temps de guerre et offre des descriptions et les caractéristiques des systèmes d'armes de l'arsenal de l'Armée rouge ».

Volume 8 : traite de la politique étrangère de l'Union soviétique et de la diplomatie pendant la guerre.

Volume 9 : parle des politiques des Alliés dans la Deuxième Guerre mondiale y compris les États-Unis et la Grande-Bretagne et d'autres et décrit les opérations de leurs forces armées.

Volume 10 : examine le « pouvoir, la société et la guerre. Il s'adresse au rôle du gouvernement et de la société dans l'effort de guerre ».

Volume 11 : discute de « la politique et la stratégie derrière la victoire et comment le commandement stratégique des forces armées a été mis en oeuvre dans des conditions extrêmes ».

Volume 12 : fait le bilan de la guerre et « propose des idées sur quelles leçons la Russie et ses forces armées devraient tirer de la Grande Guerre patriotique » .


Libération de la Pologne par l'Armée rouge

Rubtsov écrit : « La nouvelle édition offre des centaines de documents ayant été trouvés au cours des vingt dernières années dans les archives du président de la Fédération de la Russie, les Archives d'État de la Russie sur l'histoire sociopolitique, les archives centrales du ministère de la Défense de la Russie et d'autres archives nationales et étrangères. Le matériel qui a été utilisé est unique. Il permet de commencer à comprendre les véritables raisons et les objectifs de la guerre criminelle déclenchée par l'Allemagne contre l'Union soviétique. Il aide à dissiper les mythes au sujet d'une « guerre préventive » que l'Allemagne a dû déclencher. Les documents prouvent que les objectifs visés par l'Union soviétique dans la guerre contre l'alliance fasciste correspondaient aux intérêts vitaux de ses peuples ainsi que des peuples d'autres pays. Ils témoignent clairement du fait qu'en luttant pour l'indépendance, l'intégrité territoriale et son droit même d'exister, la cause de l'URSS était juste. »


L'Armée rouge soviétique libère la Bulgarie

L'auteur souligne que : « Les statistiques présentées dans l'étude montrent que la Grande Guerre patriotique fut l'événement principal de la Deuxième Guerre mondiale. L'Union soviétique est le principal pays à avoir porté le fardeau de l'effort pour vaincre l'Allemagne nazie et ses alliés européens. L'ouvrage permet au lecteur de se pencher sur l'interaction avec les alliés de la coalition anti-Hitler ainsi que sur le rôle de l'aide économique et militaire fournie en vertu du programme Prêt-Bail. Il permet de constater qu'il s'agissait de la guerre du peuple. On y met aussi en lumière le rôle joué par le Parti communiste et les organes gouvernementaux, les organisations publiques et l'église dans leurs efforts de mobilisation. On y explore divers sujets, comme d'où venaient les ressources et la volonté de vaincre l'agresseur et comment furent menées les activités subversives dans les rangs de l'ennemi. Il nous permet de constater l'ampleur du prix à payer pour la guerre, les immenses pertes humaines et matérielles dont le pays a souffert. »


Célébration de la libération de la Yougoslavie

Selon Rubtsov, les auteurs de l'ouvrage en douze volumes « sont en mesure de répondre à certaines questions controversées. La Deuxième Guerre mondiale et l'agression de l'Allemagne contre l'Union soviétique auraient-elles pu être évitées ? Quelles ont été les raisons des défaites subies par l'Armée rouge en 1941 et pourquoi la guerre a-t-elle infligé de si grandes pertes ? Pourquoi certains Russes ont-ils collaboré avec l'ennemi ? Y a-t-il raison de décrire comme étant une force agressive l'armée qui a libéré (pleinement ou en partie) onze pays européens et deux pays asiatiques ? » Il fait valoir qu'aujourd'hui, la réponse à ces questions est essentielle.

Les auteurs de cette étude monumentale de la Grande Guerre patriotique « réagissent vivement aux tentatives des falsificateurs d'éliminer la notion même de Grande Guerre patriotique. Ces falsificateurs mettent de l'avant des définitions de la guerre telles « soviétique-allemande » ou encore « nazie-soviétique », rendant l'Union soviétique et le Troisième Reich également responsables du déclenchement de la guerre. Certains décrivent le soldat-libérateur comme étant un occupant et un violeur. Les auteurs de l'étude ont examiné toute l'information au sujet de la Deuxième Guerre mondiale. On y sépare les faits de ce qui est pure invention, et les erreurs et le manque de rigueur ont été corrigés. »

Rubtsov termine son article en faisant valoir que l'une des caractéristiques de cette étude historique est que celle-ci est en lien avec le futur. « Les auteurs tentent, directement et sans équivoque, de tirer les leçons pratiques pour la Russie et la consolidation de ses forces armées au 21e siècle. Il revient au lecteur de juger s'ils ont réussi. Espérons que ce nouvel ouvrage sur l'histoire de la Grande Guerre patriotique de la Russie 1941-1945 publié à la veille du 70e anniversaire de l'invasion nazie de l'Union soviétique contribuera à une longue vie indépendante et fructueuse. »


Célébrations dans la rue suite à la libération soviétique de l'Autriche

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Le coût économique de la victoire soviétique
dans la Grande Guerre patriotique

L'Occident continue de désavouer l'historique contribution de l'URSS à la défaite de l'Allemagne nazie et ses satellites. Mais il y a une preuve documentaire qui peut réfuter toute spéculation à ce sujet. Il suffit de mettre en lumière le coût économique de la victoire par les peuples de l'Union soviétique.

La guerre a causé un niveau astronomique de dommages financiers à l'URSS. Le 2 novembre 1942, le Praesidium du Soviet suprême de l'URSS a émis un décret établissant la Commission d'État extraordinaire pour identifier et enquêter sur les crimes perpétrés par les envahisseurs allemands-fascistes et leurs complices ainsi que les dommages infligés par eux aux citoyens, aux fermes collectives, aux organisations sociales, aux entreprises d'État et aux institutions de l'URSS lors de la Grande Guerre patriotique.


Des soldats célèbrent la victoire décisive dans la Grande Guerre patriotique à Stalingrad.

Après la guerre, cette commission publiait les statistiques suivantes : les envahisseurs allemands-fascistes et leurs complices ont rasé 1 710 villes et plus de 70 000 villages et hameaux, privant d'abris environ 25 millions de personnes. Ils ont détruit environ 32 000 usines, 84 000 écoles et autres institutions éducationnelles et démoli et pillé 98 000 fermes collectives. [1] En plus, ils ont détruit 4 100 gares ferroviaires, 36 000 centres de communications, 6 000 hôpitaux, 33 000 cliniques externes, centres de traitements et infirmeries, 82 000 écoles primaires et secondaires, 1 520 lycées spécialisés, 334 établissements d'enseignement supérieur, 43 000 bibliothèques, 427 musées et 167 théâtres. Dans le secteur agricole, sept millions de chevaux, 17 millions de têtes de bétail et 10 millions de porcs, de moutons, de chèvres et de volaille ont été saisis ou tués. L'infrastructure de transport du pays a souffert de la destruction de 65 000 kilomètres de voies ferrées et 13 000 ponts ferrés et, en plus, 15 800 locomotives à vapeur et à essence, 428 000 wagons et 1 400 navires furent détruits, sévèrement endommagés ou volés.

Des firmes allemandes telles Friedrich Krupp AG, Reichswerke Hermann Göring, Siemens-Schuckert et IG Farbenindustrie ont pillé les territoires occupés de l'Union soviétique.

Les dommages matériels infligés à l'Union soviétique par les envahisseurs nazis équivalaient à approximativement 30 % de la richesse nationale du pays, ce qui augmentait à 67 % dans les régions occupées. Le rapport de la Commission d'État extraordinaire fut présenté aux tribunaux de Nuremberg en 1946. Un sommaire des pertes matérielles directes est présenté dans le tableau suivant.

L'ampleur des pertes matérielles directes subies par l'Union soviétique en raison des années de guerre 1941-1945.


Type de perte Estimations quantitatives des pertes causées par la destruction, les dommages et le vol
Actifs de production de base
Équipement de découpage du métal (chacun

                                175 000

Masses et presses (chacune)

                                34 000

Haveuses (chacune)

                                  2 700

Marteaux-piqueurs (chacun)

                        15 000

Centrales électriques (kW d'électricité)

                       5 millions

Haut fourneaux (chacun)

                         6

Fours à sole (chacun)

                        213

Machines textiles (chacune)

                         45 000

Broches de filature (chacune)

 3 millions

Ressources agricoles

Chevaux (par tête)

7 millions

Bétail (par tête)

17 millions

Porcs (par tête)

20 millions

Chèvres et moutons (par tête)

27 millions

Tracteurs (unités individuelles)

137 000

Moissonneuses (chacune)

49 000

Semoirs montés sur tracteur (chacun)

46 000

Batteuses (chacune)

35 000

Bâtiments d'élevage (chacun)

285 000

Terres cultivées plantées (en hectares)

 505 000

Vignobles (en hectares)

153 000

Transport et communications

Voies ferrées (en kilomètres)

 65 000

Locomotives (chacune)

15 800

Wagons (chacun)

 428 000

Ponts ferroviaires (chacun)

13 000

Bateaux fluviaux (chacun)

 8 300

Lignes de télégraphe et téléphoniques (en kilomètres)

2 078

Logement

Logement urbain (bâtiments individuels)

 1 209

Logement rural (bâtiments individuels)

3,5 millions

Source : Nikolai Voznesensky. Voennaya Ekonomika SSSR v Period Otechestvennoi Voiny. - Moscow : Gospolitizdat, 1948.

Ces chiffres ne reflètent pas tous les dommages encourus. Ils ne montrent que les pertes résultant de la destruction directe de propriétés détenues par des citoyens Soviétiques, des fermes collectives, des organisations sociales et des entreprises et institutions d'État. Ce total n'inclut pas les pertes telles que les coûts financiers au gouvernement national en raison de la suspension partielle ou complète du travail des compagnies d'État, des fermes collectives et des citoyens ni le coût des produits et fournitures confisqués par les forces d'occupation allemandes, les dépenses militaires encourues par l'URSS ou les pertes financières encourues par la stagnation du développement économique général du pays résultant des opérations ennemies entre 1941 et 1945. Les données sont fournies ci-dessous sur ces dommages économiques additionnels.

Les pertes en fabrication soviétique et en production agricole dues à l'occupation et la destruction des industries dans les territoires occupés (jusqu'à la fin de la guerre).

Type de produit
Montant des pertes*

1. Charbon

307 millions de tonnes

2. Électricité

72 milliards kWh

3.​ Acier

38 millions de tonnes

4.​ Aluminium

136 000 de tonnes

5.​ Équipement de découpage du métal

90 000 unités

6.​ Sucre

63 millions de quintaux

7.​ Grains

11 milliards de pouds

8.​ Pommes de terre

1,922 millions de quintaux

9.​ Viante

68 millions de quintaux

10.​ Laid

567​  millions de quintaux

* Les pertes sont estimées en tant que déficit de production. Le niveau annuel de production en 1940 était utilisé comme base pour les calculs. Source : Nikolai Voznesensky. Voennaya Ekonomika SSSR v Period Otechestvennoi Voiny. - Moscow : Gospolitizdat, 1948.

Même avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, il était clair que l'Union soviétique était la plus touchée de son fardeau économique. Après la guerre, divers calculs et estimés furent faits, qui ne servaient qu'à confirmer le fait évident. L'économiste de l'Allemagne de l'Ouest Bernhard Endrucks a mené une évaluation comparative des dépenses d'État à des fins militaires au cours de la durée de la guerre par les principaux belligérants. L'économiste français A. Claude a produit un estimé comparatif des pertes économiques directes (destruction et vol de propriété) subies par les principaux belligérants. Nous avons résumé ces estimations dans le tableau suivant.

Les dépenses militaires des États et les dommages économiques directs subis par les belligérants principaux au cours de la Seconde Guerre mondiale (en milliards de dollars)

 

Dépenses militaires des États*

Dommages économiques directs**

Pertes économiques totales***

 

(1)

(2)

(3) = (1) + (2)

URSS

357

128

485

Alllemagne

272

48

320

Grande-Bretagne

120***

6,8

126,8

France

15

21,5

36.,5

États-Unis

275

-

275

Italie

94

-

94

Japon

56

-

56

Pologne

-

20

20

Total

1 189

224,3

1 413,3

* Aux prix actuels. ** Aux prix de 1938. *** Ainsi que le Canada. **** Le pouvoir d'achat du dollar en 1938 était plus élevé que durant les années de guerre de 1939-1945. Par conséquent, ce total sera quelque peu surévalué si donné en prix de 1938, mais un peu sous-évalué si donné en prix d'aujourd'hui. Cela dit, nous croyons que cette somme fournit une image juste des pertes globales que ces pays ont connues. Source : Istoriya Mirovoi Ekonomiki/ Edited by Georgy Polyak and Anna Markova - Moscow : YUNITI, 2002, pages 307-315.

Exactement 30 % de toutes les dépenses militaires d'État par les sept principaux belligérants lors de la Seconde Guerre mondiale peut être attribué à l'URSS. Les dépenses d'État combinées des alliés (URSS, États-Unis, Grande-Bretagne et la France) sur des objectifs militaires s'élèvent à 767 milliards $. L'URSS finançait 46,5 % de toutes les dépenses militaires supportées par les quatre puissances alliées.

Sur le total des dommages économiques directs subis par les cinq belligérants, 56 % peut être attribué à l'URSS. Il convient de noter que les dommages économiques directs infligés à l'Union soviétique étaient 2,7 fois plus élevés que les dommages subis par l'Allemagne. Cela ne devrait pas être une surprise — le Troisième Reich imposait une politique de terre brûlée dans l'Est.

L'URSS a porté le fardeau de 53 % de toutes les dépenses militaires et des dommages économiques directs aux quatre pays vainqueurs (URSS, États-Unis, Grande-Bretagne et la France). Staline avait tout à fait raison quand il a suggéré à la Conférence de Yalta que la moitié de toutes les réparations allemandes devrait être accordée à l'Union soviétique.

L'URSS a subi des pertes économiques globales 50 % plus élevées que l'Allemagne. L'Union soviétique a payé le prix le plus élevé de tous les belligérants pendant la Seconde Guerre mondiale.

Note

1. Les données citées dans cet article sont extraites du livre de Nikolai Voznesensky. Voennaya Ekonomika SSSR v Period Otechestvennoi Voiny. - Moscow : Gospolitizdat, 1948. L'auteur, Nikolai Alekseevich Voznesensky (1903-1950) était président du Comité Gosplan de l'Union soviétique de 1938 à 1949.

(Strategic Culture, 6 mai 2015. Traduction : LML )

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Les réparations pour la Deuxième Guerre mondiale: l'offre généreuse de Staline


À la Conférence de Yalta en février 1945, de gauche à droite, Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline

De tous les dommages qui ont été infligés aux pays alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale (Union soviétique, États-Unis, Grande-Bretagne et France), la moitié l'ont été à l'URSS.

À la Conférence de Yalta, en février 1945, Staline a suggéré que l'Allemagne paie un montant total de 20 milliards $ en réparations, escomptant que la moitié de la somme, soit 10 milliards $, irait à l'Union soviétique, le pays ayant fait la plus grande contribution à la victoire et souffert plus que toute autre nation de la coalition anti-hitlérienne. Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill ont accepté la suggestion de Staline, l'assortissant de certaines conditions. Dix milliards de dollars représentent environ ce que les États-Unis ont dépensé en aide à l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le cadre du programme prêt-bail. Dix milliards de dollars, quand ils étaient garantis par un dépôt d'or (un dollar à l'époque valait 1/35 d'une once troy d'or), correspondaient à 10 000 tonnes d'or, ce qui veut dire que l'ensemble des réparations correspondait à 20 000 tonnes d'or. Dans les faits, les réparations par l'Allemagne que l'URSS a acceptées ne représentent que 8 % de tous les dommages directs infligés à l'Union soviétique. En définitive, c'est seulement environ 2,8 % du coût de tous les dommages qui ont été récupérés. Cela semble être le résultat d'un geste généreux de la part de Staline.


L'usine Octobre rouge lors de la bataille de Stalingrad, un exemple de l'étendue de la destruction nazie en Union soviétique

Ces chiffres offrent un frappant contraste avec la facture énorme en réparations que les Puissances de l'Entente (excluant la Russie) ont soumise à l'Allemagne à la Conférence de Paris en 1919. Le Traité de Versailles a établi le montant des réparations à environ 269 milliards de marks en or, l'équivalent de près de 100 000 ( !) tonnes d'or. Ce pays, qui avait d'abord été frappé par la récession et la crise des années 1920, puis plus tard par la Grande Dépression, a été incapable de payer les montants qui lui ont été réclamés en réparations et a été forcé d'emprunter auprès d'autres pays afin de remplir les obligations du Traité. En 1921, la Commission des réparations a réduit cette somme à 132 milliards $, soit environ de la moitié, mais cette nouvelle somme équivalait tout de même à 50 000 tonnes d'or. Lorsque Hitler a pris le pouvoir en 1933, il a complètement cessé les paiements de réparations. Après la Deuxième Guerre mondiale et la création de la République fédérale d'Allemagne en 1949, les ministres des Affaires étrangères des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France ont obligé le nouveau pays à reprendre les paiements de ses dettes contractées en vertu du Traité de Versailles. En vertu de l'Accord de Londres sur les dettes de 1953, on a permis aux territoires allemands qui avaient été perdus après la guerre de ne pas faire leurs paiements sur les intérêts jusqu'à ce que l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest soient réunies. Suite à la réunification de l'Allemagne le 3 octobre 1990, ses obligations de réparations en vertu du Traité de Versailles ont repris. L'Allemagne s'est vu offrir une période de 20 ans pour payer ses dettes, ce qu'elle n'a pu faire qu'en contractant un prêt de 239,4 millions de marks remboursable en 20 ans. C'est seulement vers la fin de 2010 que l'Allemagne a terniné ses paiements de réparations à ses plus proches alliés. L'Union soviétique a appliqué une politique très différente : quelques années à peine après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle a mis fin aux réparations de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Hongrie, qui faisaient alors partie de la communauté socialiste. Même l'Allemagne de l'Est a cessé de faire des paiements de réparations à l'Union soviétique peu après sa création.

Staline ne voulait pas répéter ce qui s'était produit en Allemagne et en Europe après la signature du Traité de Versailles. C'est précisément ce traité qui a acculé l'Allemagne au pied du mur et pavé la voie au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Parlant du traité de paix avec la Hongrie à la Conférence de paix de Paris, Andrei Vyshinsky, alors vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, a présenté les considérations de la politique soviétique en ce qui concerne les réparations : « Le gouvernement soviétique suit de manière conséquente cette politique en matière de réparations qui consiste à partir d'un plan réaliste de façon à ne pas étouffer la Hongrie et à ne pas la priver de la possibilité de se remettre, mais plutôt à renouveler son économie, à l'aider à se remettre sur pieds et à se joindre à la famille commune des Nations unies et jouer un rôle dans le renouveau économique de l'Europe. »

L'URSS a adopté la même approche magnanime envers d'autres pays qui s'étaient battus aux côtés des Allemands. On peut le voir au traité de paix avec l'Italie qui a demandé un paiement de 100 millions $ en réparations à l'Union soviétique bien que cela ne représentait que 4 ou 5 % des dommages directs infligés à l'Union soviétique.

Le principe sous-jacent à cette approche magnanime dans la détermination du montant des réparations allait de pair avec un principe important de la politique soviétique, soit l'utilisation de la production industrielle actuelle du pays comme base de la réalisation des paiements de réparations. Ce principe s'inspirait directement des leçons de la Première Guerre mondiale. Il est important de se rappeler que les demandes en réparations qui ont été imposées à l'Allemagne suite à la Première Guerre mondiale étaient exclusivement monétaires et devaient être payées en devises étrangères. Ce qui fait que l'Allemagne avait dû se concentrer sur la production de biens manufacturiers qui ne visaient pas à satisfaire la demande intérieure en produits de base mais sur la production de biens qui étaient destinés à l'exportation et permettaient d'obtenir les devises étrangères nécessaires. En plus, l'Allemagne devait contracter des emprunts pour effectuer chaque nouveau paiement de réparations ce qui l'a asservie à l'endettement. L'Union soviétique ne voulait pas voir cette situation se répéter. Vyacheslav Molotov a expliqué la position soviétique lors d'une réunion du Conseil des ministres le 12 décembre 1947 : « Aucun paiement de réparations n'est fait en ce moment en provenance des zones occidentales, et l'industrie dans la zone combinée anglo-américaine opère à seulement 35 % de son niveau de 1938. Les paiements de réparations se font en ce moment en provenance de la zone soviétique en Allemagne, et l'industrie y opère à 52 % de son niveau de 1938. L'index de la production industrielle dans la zone soviétique, où le contexte de la reprise industrielle est pourtant encore plus difficile, est 50 % plus élevé que celui de la zone anglo-américaine. »

À la Conférence de Yalta, les dirigeants de l'URSS, des États-Unis et de la Grande-Bretagne se sont entendus sur le principe du caractère non monétaire des réparations. Les alliés anglo-américains l'ont entériné une fois de plus à la Conférence de Postdam. Cependant, en 1946, ils ont commencé à saborder cette politique. Ils ont aussi sapé d'autres accords relatifs aux réparations. Même à la Conférence de Postdam, les alliés de l'URSS ont accepté que l'Allemagne efface ses dettes de réparations en fournissant des produits et en démantelant des équipements dans les zones occidentales occupées. Les alliés cependant ont accumulé les obstacles pour empêcher que les Soviétiques n'obtiennent des biens et de l'équipement des zones occidentales occupées (seul un faible pourcentage de tout ce qui devait être livré l'a été).

Une des conséquences qu'a eues la Guerre froide lancée par l'ouest contre l'URSS en 1946 est qu'aucun mécanisme unique n'a existé parmi les alliés pour amasser les réparations et en faire le décompte. Une fois que la République fédérale d'Allemagne a été créée dans les zones occidentales occupées en 1949, toute possibilité pour l'Union soviétique d'obtenir des compensations de réparations de l'Allemagne de l'ouest s'est évanouie pour toujours.

Après la Conférence de Yalta, il n'a plus jamais été question du montant total précis des réparations qui a été imposé à l'Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale. Cette question demeure encore aujourd'hui très obscure. Aucun document ne mentionne le montant total des dettes de réparations de l'Allemagne. Aucun mécanisme effectif de collecte et de décompte centralisés des paiements de réparations de l'Allemagne n'a été créé. C'est unilatéralement que les puissances victorieuses ont obtenu leurs réclamations en réparations.

Si l'on se fie aux déclarations de ses représentants officiels, même l'Allemagne ne sait pas combien exactement elle a payé en réparations. L'Union soviétique préférait recevoir des réparations en nature plutôt qu'en argent comptant. Selon l'historien russe Mikhail Semiryaga, pendant un an à partir de mars 1945, les organes suprêmes du pouvoir en Union soviétique ont pris presque mille décisions relatives au démantèlement de 4389 entreprises en Allemagne, en Autriche, en Hongrie et dans d'autres pays européens. En plus, près de mille usines ont été déplacées de Mandchourie et même de Corée vers l'URSS. Ce sont des chiffres impressionnants. Mais cela dépend à quoi on les compare. Les envahisseurs nazis ont rasé 32 000 usines en URSS. Cela veut dire que le nombre des installations manufacturières que l'URSS a démantelées en Allemagne, en Autriche et en Hongrie représente seulement 14 % de ce qui a été détruit en URSS. Selon Nikolai Voznesensky, qui à l'époque était le président du Comité étatique pour la planification de l'Union soviétique, la valeur des équipements qui ont été pris à l'Allemagne comme réparations n'a représenté que 0,6 % des dommages directs que l'URSS a soufferts.

On peut trouver certaines données dans des documents allemands. Par exemple, selon l'information disponible au ministère ouest-allemand des Finances et au ministère fédéral des Relations intra-allemandes, tout ce qui a été confisqué de la zone d'occupation soviétique et de la République démocratique allemande avant 1953 valait 66,4 milliards de marks ou 15,8 milliards de dollars. Les experts allemands disent que cela représente environ 400 milliards $ en dollars d'aujourd'hui. Les confiscations ont été faites en nature et en argent comptant. Les réparations qui sont passées de l'Allemagne à l'URSS étaient principalement de deux catégories : des biens manufacturiers produits par des firmes allemandes d'une valeur de 34,70 milliards de marks et des paiements en argent comptant en diverses devises, incluant des marks allemands de l'occupation, d'une valeur de 15,0 milliards de marks.

De 1945 à 1946, une forme commune des réparations consistait en de l'équipement de compagnies allemandes démantelé et transféré en URSS. En mars 1945, un Comité spécial du Comité soviétique de la Défense d'état a été créé à Moscou pour coordonner l'ensemble du travail de démantèlement des installations militaires et industrielles dans la zone soviétique d'occupation. Entre mars 1945 et mars 1946, la décision a été prise de démanteler plus de 4000 usines : 2885 en Allemagne, 1137 usines allemandes en Pologne, 206 en Autriche, 11 en Hongrie et 54 en Tchécoslovaquie. L'équipement principal de 3474 sites a été démantelé, et 1,118 million de pièces d'équipement ont été confisquées : 339 000 outils servant à couper le métal, 44 000 masses et perceuses et 202 000 moteurs électriques. Soixante-sept usines fabriquant uniquement du matériel militaire ont été démantelées en zone soviétique, 170 ont été détruites et 8 ont été converties à la production civile.

Cependant, une fois ces équipements démantelés, le secteur manufacturier s'est arrêté dans la partie est de l'Allemagne et le chomâge a augmenté drastiquement, ce qui fait qu'en 1947, les Soviétiques ont commencé à limiter les réparations de ce genre. Trente-et-une entreprises de propriété conjointe avec des entités soviétiques ont alors été créées à partir de 119 grandes firmes dans la zone d'occupation orientale. En 1950, ces entreprises ont représenté 22 % de la production industrielle de la RDA. En 1954, toutes les entreprises conjointes créées avec les entités soviétiques ont été transférées gratuitement à la République démocratique allemande. Ce fut le point final de ce chapitre des réparations de la Deuxième Guerre mondiale.

(Strategic Culture Foundation, 7 mai 2015. Traduction : LML)

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Allemagne: la mémoire nationale et la Deuxième Guerre mondiale

L'Ouest croit que les anniversaires des événements principaux de la Deuxième Guerre mondiale s'arrêtent à leur performance théâtrale sur le débarquement en Normandie. Ce même événement se retrouve dans l'interprétation américaine, auquel s'ajoute l'holocauste. En ce qui concerne le front de l'Est, un Américain pourrait se demander : « Comment, quelque chose s'est passé là-bas ? » On se souviendra qu'au début des années 1980, un film soviéto-américain a été tourné pour la télévision en dix épisodes sur la Grande Guerre patriotique et qu'il a été diffusé aux États-Unis sous le titre La guerre inconnue.

La guerre « totale » et la défaite totale ont laissé une empreinte trop forte dans les esprits du peuple allemand. Les années passent, de moins en moins nombreux sont les témoins vivants des événements de la guerre, mais plusieurs préfèrent garder le silence à leur sujet, comme le lauréat du Prix Nobel de littérature Günter Grass qui s'est contenté de dire en 2006 qu'il avait servi dans la Waffen-SS. Il y a l'expression « le silence contagieux » qui décrit bien le refus des Allemands qui ont survécu à la guerre d'en parler, même dans leur famille, ce qui était typique des premières décennies après la guerre. Ce trait a créé une atmosphère particulière de solidarité dans la société ouest-allemande qui a renforcé à la fois le ressentiment général contre le comportement des vainqueurs et le désir de mettre en sourdine la culpabilité de la nation allemande. Plus cette mémoire idéologisée de la guerre s'est implantée, plus sa mémoire personnelle a été évacuée.

Aujourd'hui, la mémoire collective allemande de la Deuxième Guerre mondiale a déjà sa propre histoire. Dans cette Allemagne divisée, la mémoire collective de l'Ouest et celle de l'Est se sont développées différemment mais se sont toujours surveillées. Le premier film allemand qui a été tourné après la guerre en RDA, l'Allemagne de l'Est, a été rejeté par les autorités britanniques, mais a été diffusé dans les cinémas ouest-allemands suite à la première à Berlin-Est. Il était intitulé Les assassins sont parmi nous. À ce moment-là, une différence fondamentale s'est révélée entre l'Est et l'Ouest : en RFA, l'Allemagne de l'Ouest, le 8 mai signifiait la capitulation et l'effondrement tandis qu'en RDA il signifiait la libération face au nazisme et la naissance de l'Allemagne.

Parler de libération en Allemagne de l'Ouest était considéré comme quelque chose d'hypocrite. Le premier président de la République fédérale, Theodor Heuss, a reconnu que l'Allemagne avait été à la fois détruite et libérée ; cette affirmation de dualité était certainement une concession aux puissances victorieuses. La Guerre froide a par la suite éliminé toute envie de dénazification de l'Allemagne de l'Ouest parmi les puissances occidentales et, en 1965, le chancelier Ludwig Erhard éliminait encore une fois toute mention de libération dans les discours officiels portant sur la fin de la guerre.

Le social-démocrate Willy Brandt, chancelier de 1969 à 1974, a soulevé l'indignation de ses opposants conservateurs en parlant de lui-même comme du chancelier d'une Allemagne libérée. On croit généralement que juste 40 ans après la fin de la guerre, toute la classe politique de l'Allemagne avait épousé la conception que le peuple allemand avait été libéré en 1945. On peut le voir dans un discours du président de la République fédérale Richard von Weizsäcker. Quand il est mort le 31 janvier 2015, son discours de 1985 a fait partie des événements commémoratifs mais l'accent sur la libération n'y était plus. Maintenant, cependant, cet accent est de retour : la libération des Allemands face au nazisme est venue d'outremer. C'est important de dire que jamais, même sous Staline, l'URSS a-t-elle affirmé être « le libérateur » des Allemands, bien que Moscou avait l'habitude de féliciter les dirigeants de la RDA lors des anniversaires de « la libération du peuple allemand de la tyrannie du nazisme ». On doit se rappeler également que Staline a essayé d'empêcher la division de l'Allemagne après la guerre.

Pendant les années 1980, la guerre sur le Front de l'Est était encore évoquée de façon positive en RFA et ceci était dû largement au fait que la date était célébrée en RDA. Les dirigeants de l'Allemagne de l'Est parlaient de leur république non seulement comme du premier État des travailleurs et des paysans en sol allemand mais comme du premier État antifasciste. De fait, ils étaient eux-mêmes des antifascistes. Walter Ulbricht était un des fondateurs du Parti communiste allemand qui avait travaillé dans la clandestinité après la prise du pouvoir par Hitler et avait ensuite émigré à Moscou. Erich Honecker avait été arrêté par la Gestapo en 1935 et détenu en prison jusqu'à la fin de la guerre. La RDA honorait les Allemands antifascistes alors que l'Ouest faisait de son mieux pour les oublier. En guise d'exemple, souvenons-nous que le Burgomaster de Königsbronn avait dit qu'ériger un monument à Georg Elser, qui avait attenté à la vie d'Hitler en 1939, serait la même chose qu'immortaliser la mémoire des terroristes de la Faction Armée rouge, un groupe militant d'extrême-gauche qui avait été actif en Allemagne de l'Ouest au début des années 1970. C'est seulement en 2010 qu'un monument a été érigé à la mémoire de Elser dans sa ville natale de Königsbronn.

Le premier chancelier de la RFA, Konrad Adenauer, croyait que les Allemands devaient rayer le passé récent de leur mémoire et se concentrer sur la reconstruction. L'étendue de la reconstruction d'après-guerre a été colossale, alors que dans plusieurs villes moins de 30 % des édifices étaient encore debout. Ironie du sort, à Munich, qu'Hitler considérait comme le berceau du fascisme, le palais royal des Wittelsbachs était en ruines alors que les deux immeubles du Parti national-socialiste avaient survécu. À Nuremberg, 90 % des édifices ont été reconstruits après la guerre. La ville la plus connue parmi les villes reconstruites à neuf, Dresde, avait été presque totalement détruite par les bombardements anglo-américains en février 1945. La destruction de Dresde par les alliés de l'Ouest, comme celles de Würzburg et de Rothenburg avaient ceci en commun que ces villes n'avaient aucune signification militaire. Il n'y a jamais eu débat en Allemagne sur les raisons qui ont motivé l'ordre de détruire ces centres culturels. Il n'y a pas tellement longtemps, des historiens allemands ont même révisé le nombre des victimes des bombardements de Dresde, réduisant de beaucoup leur nombre par rapport à celui qui avait été accepté auparavant. En Allemagne c'est très mal vu de faire remarquer qu'un très grand nombre des monuments « anciens » sont en fait des reconstructions datant de l'après-guerre. C'est aussi considéré comme quelque chose de très inapproprié de rappeler aux alliés de l'OTAN que les bombardements américains et britanniques ont rayé de la carte des villes allemandes.


Monument à Dresde à la Trümmerfrauen (la femme dans les décombres) qui a déblayé les ruines des villes allemandes après la guerre

Les monuments en l'honneur des femmes qui ont déblayé les décombres sont presque passés sous silence aujourd'hui alors que dans les premières années de la RFA ces femmes étaient honorées comme des héroïnes. Plutôt que ces femmes travailleuses, ce sont surtout les femmes victimes de violence qui sont commémorées aujourd'hui. À la fin mars, l'émission de variétés hebdomadaire de Sandra Maischberger au canal ARD de la télévision allemande a été consacrée à ce sujet. L'aînée de 84 ans Elfriede Seltenheim a dit aux téléspectateurs que l'arrivée des « violeurs russes » s'était avérée plus horrible que ce que la propagande nazie avait prédit.

En préparation du 70e anniversaire, certains journaux allemands ont créé une section spéciale consacrée à l'histoire et publié des articles sur la Deuxième Guerre mondiale. De façon générale, ces publications renforcent les vieux stéréotypes dans la mémoire collective allemande et leur donnent parfois des nuances nouvelles.

La reconnaissance du sentiment de culpabilité du peuple allemand pour l'holocauste est encore centrale mais on cherche à lui donner une fin heureuse. Le Süddeutsche Zeitung par exemple a publié un article récemment qui raconte comment le bombardement de Dresde « a sauvé » un enfant juif.[1] En Allemagne, c'est le chancelier Brandt qui a établi les fondements du repentir profond des Allemands face aux juifs : son nom aujourd'hui est associé à la visite qu'il a faite du Ghetto de Varsovie en 1970 pendant laquelle il s'est agenouillé devant un monument aux victimes de l'holocauste. Le Mémorial de l'holocauste à Berlin est généralement considéré comme l'incarnation de la mémoire collective des Allemands en ce qui concerne leur culpabilité historique pour le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Cette déformation de la mémoire collective a été promue activement par les Américains par le biais notamment de la diffusion de la mini-série américaine intitulée Holocauste, mise en scène par Marvin Chomsky, en 1979.

Le fait que la guerre à l'Est a été radicalement différente de celle qu'a menée le Troisième Reich à l'Ouest a été complètement oublié. À l'est, les Allemands ont mené une guerre d'extermination (Vernichtungskrieg) contre l'URSS. Les pertes de l'URSS en populations civiles dépassent les sept millions. Il y a peu d'Allemands aujourd'hui qui se réfèrent au traitement des prisonniers de guerre soviétiques dans les camps de concentration allemands comme à quelque chose de cruel et d'inhumain. Il fut un temps où les populations locales allemandes étaient amenées aux camps de concentration pour qu'elles voient comment des « sous-hommes » meurent de faim. Est-ce que ce fait est connu des habitants de l'Allemagne réunifiée d'aujourd'hui ? En 1936, Hitler a dit : « Si l'Oural et ses matières premières incalculables, la Sibérie et ses forêts plantureuses et l'Ukraine et ses terres agricoles à perte de vue font partie de l'Allemagne et jouissent du leadership nazi, nous connaîtrons une ère d'abondance. » Bien sûr, il y a quelqu'un en Ukraine qui va penser que la citation s'arrête là, que le Führer a promis cette abondance aux Ukrainiens. En fait, la citation d'Hitler se termine ainsi : « ....chaque Allemand aura plus que ce qu'il faut pour vivre ». Avec quelle force cette fable n'a-t-elle pas été jouée par les adorateurs d'aujourd'hui du national-socialisme en Ukraine ! On n'a qu'à se rappeler le concours de « Miss Ostland » qui a été organisé l'automne denier sur le réseau social Vkontakte (les journalistes l'ont rebaptisé « Miss Hitler »). Et bien que le concours ait été organisé à partir de Kiev et que les concurrentes pour ce titre douteux aient été principalement des Ukrainiennes, le plus grand journal allemand, le Bild, a écrit que c'est comme ça que s'amusent les utilisateurs russes de l'Internet.

Les publications qui naissent aujourd'hui en Allemagne font bien attention de ne pas mentionner les batailles sur le front de l'Est mais n'ont pas de gêne à écrire à propos de l'avance des troupes américaines en Europe : elles évoquent la « bataille » des tanks en Cologne pendant laquelle trois Britanniques ont été tués par un tank allemand ; ou encore elles écrivent que la phase finale de la Deuxième Guerre mondiale a débuté avec la prise d'Aschen. Elles rapportent avec plaisir les détails du débarquement américain à Okinawa.

Certains politiciens allemands condamnent ouvertement la Russie parce qu'elle organise des parades militaires en l'honneur de la victoire dans la Grande Guerre patriotique. Une déclaration dans ce sens a été faite par le président du Comité du Bundestag pour les Affaires étrangères, Norbert Röttgen (de l'Union chrétienne-démocrate), qui a accusé la Russie d'utiliser l'histoire pour justifier sa politique étrangère. Et que dire de la façon dont l'Allemagne exploite la « gloire militaire » des soldats de la Wermacht hitlérienne pour hausser le moral du Bundeswher ! On a même nommé des baraques en l'honneur de ces « héros ». Une fondation affiliée au Bundeswher allemand porte le nom de Theodor Molinari, un homme dont le nom est inscrit dans le « Livre brun » sur la guerre et les criminels nazis en RFA et à Berlin-Ouest (il a été publié en 1968). Le nom du feld-maréchal Erich von Manstein, qui a été pardonné en 1953, est sur la même page. Les mémoires de Manstein ont pour titre « Les victoires perdues », un titre plutôt vaniteux pour un homme qui a été condamné à 18 ans de prison en 1950 par un tribunal militaire britannique. Pendant des décennies, ce genre de littérature a pavé le terrain au mythe concernant l'honneur jamais souillé de la Wermacht, qui aurait combattu vaillamment. Ce mythe avait si profondément imprégné les esprits des Allemands que la première tentative de le discréditer a été étouffée. Cela se passait à la fin des années 1990, alors qu'une exposition sur les crimes commis par la Wermacht a été interrompue et fermée après qu'elle ait fait le tour de 33 villes allemandes. En préparation du 70e anniversaire, il y a une exposition entièrement différente qui circule qui a été ouverte avec fanfare au Bundestag à l'automne 2014 et qui montre des soldats allemands et des membres du Bundeswher dans des opérations de maintien de la paix dans le monde.

Le « silence contagieux » et l'entretien de la conscience collective du peuple allemand se poursuivent.

Note

1. « Zerstörung von Dresden rettete Michals Bruder das Leben, » Süddeutsche Zeitung, 12.02.2015

(Strategic Culture Foundation, 16 avril 2015. Traduction : LML)

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Dresde et Poznan: deux façons de faire la guerre

L'Amée rouge et les armées anglo-américaines avaient un ennemi, la Wehrmacht allemande, mais assez souvent, elles ont mené la guerre de façon différente. La libération de la ville polonaise de Poznan par l'Armée rouge et le bombardement de Dresde par l'aviation anglo-américaine à une semaine d'intervalle en février 1945 il y a 70 ans sont deux exemples de cela.

La libération de Poznan par l'Union soviétique

Au cours de l'Offensive Vistule-Oder, le 1er front biélorusse sous le commandement du maréchal Gueorgui Joukov, le « Héros de l'Union soviétique », a réussi à sécuriser deux têtes de pont à l'ouest de la Vistule entre le 27 juillet et le 4 août 1944, ouvrant ainsi a voie vers Berlin. La concentration des forces allemandes s'est retrouvée bloquée, mais pas vaincue à Schneidemühl et à Poznan. Alors que les forces principales continuaient d'avancer vers l'Ouest, il a fallu temps et efforts pour mettre en déroute le groupement allemand à Poznan.

Le général Vassili Tchouïkov, commandant de la 8ème Armée (qui devint plus tard maréchal de l'Union soviétique), était responsable de l'opération prévue pour écraser les forces ennemies. Dans ses mémoires, il écrit que les fortifications construites par les Allemands étaient des forteresses classiques à la Vauban... avec une forteresse souterraine au centre et des forts aux alentours pouvant accueillir une importante garnison.


L'accueil aux libérateurs soviétiques de la Pologne

À Poznan la ville et les fortifications étaient fortement défendues et intégrées dans un plan de défense unique pour coordonner le feu. La Citadelle de Winiary s'élevait sur la colline au nord du centre-ville. Autour du périmètre de la ville, 18 forts massifs espacés d'environ 2 kilomètres dans une ceinture d'un rayon d'environ 5 kilomètres avaient été construits. Le général Tchouïkov décrit les forts comme « .. .un ouvrage souterrain de plusieurs étages qui ne fait presque pas saillie au niveau de la terre. Chaque fort était entouré d'un fossé de 10 mètres de largeur et d'une profondeur allant jusqu'à 8 mètres de profondeur, et des murs de briques. Une passerelle menant à l'étage supérieur enjambait le fossé et menait à l'étage. Parmi les ouvrages, à l'arrière, il y avait des bunkers d'un étage en briques qui servaient de dépôts. L'épaisseur des murs et des couvertures de béton était de 1 mètre. Les ouvrages supérieurs des forts étaient suffisamment forts pour fournir une protection fiable contre les tirs d'artillerie lourde... l'ennemi serait en mesure de diriger le feu contre nous aux approches et à l'intérieur des forts, sur les remparts. Les murs de briques étaient percés de meurtrières pour tir frontal et flanquant. » La garnison de la ville, y compris les bataillons de la Volkssturm (une milice nationale allemande levée aux derniers mois de la Deuxième Guerre mondiale), comptait jusqu'à 60 000 hommes.

L'attaque générale commença le 26 janvier au matin. L'effort principal fut porté au sud. Ce fut un coup de surprise pour l'ennemi. Les deux forts du sud sur la rive ouest de la Warta tombèrent ce qui permit d'introduire des troupes et des blindés dans la ceinture des forts et de prendre l'ennemi à revers. L'attaque du nord ne fut pas une réussite. Les troupes soviétiques n'attaquèrent pas du côté de l'ouest. Le général Tchouïkov dit qu'une sortie fut laissée délibérément dans l'espoir que l'ennemi en profiterait pour quitter la forteresse de la ville. Mais les Allemands n'ont pas quitté. Une bataille longue et difficile s'annonçait. Le 28 janvier, une autre attaque fut lancée. Un ultimatum fut signifié aux troupes allemandes encerclées dans Poznan. Les termes en étaient les suivants : « Aux officiers et soldats de la ville encerclée de Poznan : La ville de Poznan est encerclée et il n'y a pour vous aucune issue de sortie. Moi, général Tchouïkov, je vous propose de déposer immédiatement les armes et de vous rendre. Je vous garantis la vie et le retour dans votre patrie après la guerre. Dans le cas contraire, vous serez anéantis, et beaucoup d'habitants de la ville de Poznan périront aussi par votre faute. Arborez des drapeaux blancs et marchez sans crainte en direction de nos troupes. Général Tchouïkov. »

Mais la garnison n'entendait pas se rendre. L'artillerie et l'aviation soviétiques pilonnèrent les ouvrages fortifiés sans toucher aux bâtiments civils à l'intérieur de la ville pour éviter de faire des victimes parmi les civils. Tous les ouvrages en surface du fort de la Citadelle de Winiary furent balayés. Les soldats s'entassaient dans les abris souterrains.

Le 5 février, les groupes d'assaut avaient entièrement libéré les quartiers d'habitation de la ville. Après le 12 février, la Citadelle devint la cible principale. À mesure que les troupes soviétiques se rapprochaient, la ténacité de la résistance allemande grandissait. Les parois du fossé, hautes de 5 à 8 mètres et revêtues de briques, protégeaient l'ennemi et étaient un obstacle insurmontable pour les chars. Des pièces d'artillerie lourde furent appelées. Elles battirent la Citadelle à une distance de 300 mètres. Mais même les pièces de 203 millimètres ne faisaient pas beaucoup de dégâts aux murs épais.

Déjà, les troupes du 1er front biélorusse progressant vers l'ouest se battaient sur l'Oder. L'assaut général, commencé le 18 février, dura quatre jours et quatre nuits sans interruption. Après avoir jeté un pont d'assaut, les chars et l'artillerie automotrice du 259e régiment blindé et du 34e régiment de chars lourds de l'Armée rouge ont pénétré dans la Citadelle à 03 :00 le 22 février, commençant la lutte finale pour la vieille forteresse. Des groupes de 20 à 200 hommes commencèrent à se rendre. Des 60 000 hommes de la garnison, 12 000 soldats étaient toujours en état de combattre. Les combats sanglants se sont terminés le 23 février 1945, le 27ème anniversaire de l'Armée rouge. Deux cent vingt - quatre canons ont tiré 20 salves pour saluer la victoire.

Le bombardement de Dresde par les alliés

Voici un exemple de la guerre menée par les alliés. Du 13 au 15 février 1945, ils ont effectué des bombardements aériens sur Dresde, faisant des dommages comparables à ceux des attaques d'Hiroshima et de Nagasaki.

Les Américains ont appelé ces bombardements « Opération Thunderstrike ». Qui était visé par ces bombardements ?

La ville ne possédait aucune installation industrielle militaire d'importance et hiver
sa population était gonflée par l'afflux de réfugiés.

Dans une note interne de la Royal Air Force (RAF) remise aux aviateurs la nuit de l'attaque, on lit : « Dresde, la septième plus grande ville d'Allemagne et pas beaucoup plus petite que Manchester, est également la plus grande agglomération non bombardée de l'ennemi. Au milieu de l'hiver avec l'afflux de réfugiés et de troupes au repos vers l'Ouest, ses toits sont essentiels, non seulement pour abriter les travailleurs, les réfugiés et aussi les soldats, mais pour loger les services administratifs déplacés d'autres secteurs. » Pourquoi raser une ville qui n'avait pas d'importance considérable pour l'effort de guerre ? La même note est plutôt cynique à ce sujet. On lit : « les intentions de l'attaque sont de frapper l'ennemi là où il le sentira le plus, derrière un front déjà en partie désintégré... et accessoirement montrer aux Russes quand ils arriveront ce que peut faire le Bomber Command. » C'est ce qu'a fait la Royal Air Force en bombardant en sécurité d'une haute altitude une ville pleine de gens démoralisés.


Le lendemain du bombardement de Dresde de 1945.

Alors que la fin de la guerre approchait l'aviation anglo-américaine a commencé de plus en plus à effectuer des bombardements qui avaient un motif politique et a détruit des villes sans importance pour l'effort de guerre allemand qui allaient être libérées bientôt par l'Armée rouge, par exemple, Prague, Sofia, etc. Dresde est l'exemple le plus frappant de cette tactique inhumaine. La zone dévastée à Dresde était quatre fois plus grande que la zone dévastée à Nagasaki. Une chaleur de 1 500 degrés a frappé la majeure partie de la ville. Les habitants qui fuyaient vers l'extérieur de la ville sont tombés dans l'asphalte en feu. La fumée s'élevait à 45 mètres. Au moins 25 000 personnes sont mortes. Certains experts disent que le nombre de morts s'élèverait à 135 000.

Günter Wilhelm Grass, écrivain allemand et récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1999, a qualifié ce bombardement de crime de guerre. Ce point de vue est partagé par plusieurs.

Gregory Stanton, président de Genocide Watch, a déclaré de manière plus directe que le bombardement allié de Dresde et le bombardement atomique et la destruction d'Hiroshima et de Nagasaki étaient des crimes de guerre et des actes de génocide.

(Strategic Culture Foundation, 26 février 2015. Traduction : LML)

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