Le
                              Marxiste-Léniniste

Numéro 100 - 13 juin 2013

À qui l'économie? À nous! Qui décide? Nous décidons!

La nécessité de contester la théorie économique et
la comptabilité centrées sur le capital


La façon de maintenir des livres comptables et de faire rapport de l'économie exprime une base sociale ou un point de vue précis. La façon dont les propriétaires du capital maintiennent leurs comptes financiers reflète leurs intérêts de classe, leur perspective capitaliste. Ils appliquent pour ainsi dire une comptabilité centrée sur le capital.

La classe ouvrière ne doit-elle pas avoir son propre système de comptes économiques, une comptabilité centrée sur l'être humain ? Pourquoi quand ils font rapport des événements économiques les journalistes prolétariens se serviraient-ils de la même terminologie que les propriétaires du capital ? Il faut substituer à cette terminologie des définitions modernes et des termes modernes qui deviennent la norme d'une comptabilité centrée sur l'être humain, qui reflète la politique indépendante et la théorie de la classe ouvrière.

Les déformations et préjugés de la comptabilité centrée sur le capital sont dus à la propriété privée de différentes composantes d'une économie qui est par ailleurs socialisée, propriété qui devient capital. Le capital embrouille les choses dans le cerveau des propriétaires du capital et déforme leur perception de la réalité. Le capital place le cerveau du propriétaire du capital au centre de l'univers économique. Le monde est présenté comme si tout découlait du propriétaire, ou plus précisément du cerveau du propriétaire, et revenait ensuite aux propriétaires du capital ou à leur cerveau après avoir passé par la production, la distribution et le commerce. Les propriétaires du capital et leur cerveau ont un attachement subjectif à leur capital qui déforme leur vision de la vie économique à la faveur de leur position de classe sociale. Leur cerveau modifie la perception de la réalité économique en faveur de leurs intérêts de classe étroits. C'est mon capital ! Son sort est la seule chose qui compte pour moi et pour l'économie, déclarent-ils avec assurance et présomption.

Le problème pour la classe ouvrière n'est pas les cerveaux des propriétaires du capital et leur médiation de la réalité économique, mais les cerveaux des travailleurs et de leurs alliés et leur médiation de la réalité à l'aide de la pensée et de la théorie centrées sur le capital. Dans une très grande mesure les cerveaux de la classe ouvrière n'ont pas répudié la médiation de la réalité par les préjugés des propriétaires du capital. Ils n'ont pas encore développé leur propre pensée scientifique indépendante sur les affaires politiques, économiques et autres, laquelle pensée doit commencer par une dénonciation implacable de la médiation de la réalité économique par la pensée et la théorie des propriétaires du capital, de leurs économistes et de ceux qui concilient avec eux.

Les propriétaires du capital et leurs théoriciens décrivent l'univers économique en des termes ptolémaïques. Ils peuvent en expliquer certains aspects dans les grandes lignes à la manière des épicycles de Ptolémée mais ne voient pas les contradictions sous-jacentes et les raisons des crises et de l'instabilité périodiques, ni les erreurs qui reviennent constamment dans leurs prédictions et attentes. Ils attribuent les erreurs et les problèmes au fonctionnement spontané du marché, qu'ils déclarent par ailleurs inconnaissable. Ils ne peuvent pas ou ne veulent pas voir la force sociale au sein de l'économie, la classe ouvrière, qui peut la faire avancer dans une nouvelle direction, qui peut prédire avec précision scientifique son développement suivant les lois naturelles de l'économie et résoudre ses problèmes et contradictions fondamentaux.


Comme avec le système ptolémaïque, il s'agit d'identifier le vice fondamental de la théorie centrée sur le capital. Il faut une rupture avec le cerveau ptolémaïque ou capitaliste et son influence médiane sur la perception et l'analyse. Le système solaire et le système économique doivent être vus et examinés tels qu'ils sont. La terre n'est pas le centre du système solaire. Le capital n'est pas le centre du système économique.

Pour la théorie centrée sur le capital, tout dans le processus économique est vu et analysé du point de vue du capital et de la propriété et du contrôle des différentes composantes de l'économie socialisée, qui place le capital au centre de l'univers économique. Cela demeure le cas même quand on introduit la propriété publique dans le système dominé par le capital.

Le centre d'attention des propriétaires du capital est ce qu'ils possèdent et l'expansion de ce qu'ils possèdent. Eux et leurs cerveaux sont étroitement centrés sur le capital. Leur obsession porte sur les choses, pas sur le travail, surtout les choses représentées comme de l'argent. Leurs choses et leur argent, surtout leur argent dans la forme du capital, deviennent le centre de l'univers économique. Tout est expliqué en rapport avec le capital. Leurs cerveaux centrés sur le capital les gardent contre toute déviation. L'interaction avec les autres facteurs du système économique est expliquée uniquement en fonction de comment cela affecte leur capital.


Avec cette description, perception, théorie, analyse et comptabilité, le facteur humain et son travail sont perçus comme une distraction. L'environnement et les moyens de production sont également des distractions. Les autres composantes de l'économie au pays et à l'étranger sont des distractions. Tout est en rapport avec les propriétaires du capital et leurs composantes particulières de l'économie. Le rôle de toute chose est déterminé par l'effet que cela a sur leur capital, leur propriété et leur contrôle d'une composante particulière de l'économie.

En comparaison avec le système antérieur de la petite production, les propriétaires du capital sont extrêmement dynamiques dans leur obsession à faire croître leurs possessions. C'est particulièrement le cas avec leur accès à d'autres capitaux par l'emprunt. Le crédit alimente leur ambition et témérité. À l'époque actuelle, l'accès privé au capital public par des combines pour payer les riches donne encore plus d'audace à l'action de l'intérêt privé contre l'intérêt public.

Pour les propriétaires du capital, l'être humain et sa capacité de produire, son travail, les moyens de production et l'environnement, avec sa qualité potentielle d'être transformé en valeur, sont des facteurs à exploiter dans le processus d'expansion du capital. L'économie elle-même devient un simple arrière-plan pour les machinations parasitaires, comme le scandale de la vente d'hypothèques à risque et la saisie d'avoirs publics par la privatisation, que seuls les plus grands détenteurs du capital peuvent évidemment orchestrer.

Le cerveau centré sur le capital voit la qualité productive du facteur humain et le potentiel des moyens de production existants et de l'environnement sous l'angle étroit d'éléments permettant d'accroître le capital. Cela module la réalité que ces facteurs sont la source de la valeur pour servir l'intérêt public et la société. Le facteur humain, les moyens de production et l'environnement deviennent des coûts pour les propriétaires du capital. La notion de coûts s'empare du cerveau et l'aveugle à la pensée rationnelle, l'empêche de voir l'économie socialisée telle qu'elle est.

Tout bénéfice, produit ou service qui découle du facteur humain, des moyens de production ou de l'environnement est perçu comme une perte équivalant à autant de bénéfices, produits et services pour le centre de l'univers économique, les propriétaires du capital et leur capital. Ces bénéfices, produits ou services détournés du capital vers le facteur humain ou l'environnement et qui ne vont pas au centre de l'univers économique sont considérés comme des coûts.

La valeur contenue dans les produits et services n'a d'importance que si les propriétaires du capital la possèdent et peuvent l'échanger pour quelque chose d'autre ou s'en servir pour faire grandir leurs possessions ou les protéger contre les menaces. Autrement, les produits et services ne sont d'aucune utilité pour les propriétaires du capital ou leur économie. Pire, ils sont une menace potentielle, un concurrent pour leurs produits et services, un obstacle à leur appropriation potentielle et une entrave à l'exploitation du facteur humain, des moyens de production et de l'environnement.

L'obsession avec la propriété de différentes composantes de l'économie socialisée et le privilège, le pouvoir, l'accès aux humains et à l'environnement, les machines, les choses, les bénéfices, produits et services qui l'accompagnent mène à la pensée et la théorie centrées sur le capital, comme façon d'expliquer, de moduler et de percevoir le monde selon les intérêts des propriétaires du capital. La théorie centrée sur le capital est la façon dont les propriétaires du capital voient leur position dans l'économie et elle explique comment ils doivent et peuvent maintenir leur contrôle, pouvoir et privilège de classe. C'est leur façon de comprendre le monde et la place qu'ils y occupent.

La théorie centrée sur le capital convient à leur obsession à s'accaparer des parties de l'économie socialisée et rejette toute remise en cause de cette fixation. Seuls ceux qui emploient cette théorie sont récompensés comme dignes membres de la retenue et dirigeants au sein de la machine d'État capitaliste. Toute opposition à cette théorie, aussi timide soit-elle, est considérée comme de l'hérésie et de la folie, comme un signe de déconnexion par rapport à la réalité.

La nécessité d'une révolution de style copernicienne dans la théorie économique appelle au défi la classe ouvrière. Une théorie indépendante de la classe ouvrière, qui reflète le monde tel qu'il est, doit comme première condition avoir le courage de contester la théorie centrée sur le capital.

Si les propriétaires du capital ne sont pas le centre de l'univers économique, alors quel facteur l'est ? Si ce n'est pas la terre, alors peut-être le soleil est-il le centre du système solaire. Si ce ne sont pas les propriétaires du capital, c'est peut-être la force productive humaine, la classe ouvrière, qui est au centre du système économique actuel. Peut-être que la vraie position des véritables producteurs des biens et services, le prolétariat moderne, est obscurcie par son rapport social avec le capital et requiert plus que des paroles pour que son véritable rôle soit reconnu : cela requiert des actions avec analyse dans une lutte de classe résolue pour défendre ses droits et affirmer sa position au centre de l'économie socialisée.

La pensée et la théorie indépendantes de la classe ouvrière et sa lutte de classe font que le producteur véritable est au centre de l'univers économique moderne. Cette théorie provient du fonctionnement de l'économie socialisée comme telle et ses lois, quand le cerveau est libéré de la médiation par la théorie centrée sur le capital. Le capital et sa propriété ne peuvent pas être le centre. Le capital est un rapport social antagoniste comprenant les travailleurs et les capitalistes au sein d'une économie socialisée. Dans le capital, les véritables producteurs existent en contradiction avec ceux qui possèdent et contrôlent l'économie et ses composantes. Sans les travailleurs, il n'y a pas de capital. Sans les propriétaires du capital, il n'y a pas de capital. Le capital est un rapport social troublé et instable basé sur la lutte de classe. Sans un accommodement basé sur la reconnaissance des droits de la classe ouvrière, c'est le déséquilibre.

Ce rapport social dominé par la propriété privée de vastes moyens de production et services employant des milliers de personnes a été hérité du système précédent, celui de la petite production, et est en contradiction avec l'économie socialisée actuelle. Dans le système précédent, la propriété ou du moins le contrôle des moyens de production revenait souvent, durant de longues périodes de temps et dans une grande mesure, aux véritables producteurs. Les principales contradictions de la petite production portaient sur autre chose que la propriété des moyens de production. Pour les paysans, la question n'était pas la propriété mais bien quelle partie de la valeur ajoutée était accaparée par les propriétaires fonciers et comment se protéger contre les tiraillements constants des guerres et rivalités entre clans féodaux. Pour les marchands et les autres qui amassaient de la richesse, la question était d'éliminer les restrictions féodales sur le commerce et les affaires.


Avec le dépassement de la petite production, le capitalisme a hérité son système de propriété privée ou du moins son contrôle nominal des moyens de production. Les propriétaires du capital refusent de reconnaître qu'ils sont en contradiction avec le caractère socialisé de l'économie de la grande production industrielle. Le capital a grandi par l'expropriation de la propriété privée des véritables producteurs, leurs moyens de gagner leur vie, leur travail et le fruit de leur travail.

Mis à part tout le reste, un système économique qui nie aux producteurs véritables le contrôle de leurs moyens de production ne saurait durer longtemps et reste extrêmement instable et rongé par l'insécurité, les problèmes sociaux et économiques et la révolte, contre le servage, l'esclavage et maintenant le capitalisme.

Le capital place la propriété privée sur un piédestal, mais la propriété et la domination du capital ne sont possibles qu'en détruisant et en expropriant la propriété des moyens de production des véritables producteurs qui s'en servent pour gagner leur vie, avec pour conséquence de transformer la vaste majorité des citoyens en prolétaires. Les prolétaires ne peuvent reconquérir le contrôle de leurs moyens de production et de l'économie qu'en brisant leur asservissement au capital et en avançant dans une nouvelle direction, avec de nouvelles formes politiques et économiques correspondant au caractère socialisé de l'économie moderne.

Les propriétaires du capital, leur retenue et leur machine d'État ne peuvent diriger la résolution des problèmes et des contradictions de l'économie socialisée puisque cela comprend leur disparition. Il s'agit de la résolution du capital en tant que rapport social antagoniste et de la création d'une nouvelle classe ouvrière qui exerce le pouvoir économique et politique dans le cadre d'un nouveau projet d'édification nationale. La disparition du capital laisse une nouvelle classe ouvrière en contrôle de l'économie socialisée et en position de la faire avancer.

Du point de vue indépendant et selon la théorie indépendante de la classe ouvrière, toute valeur provient du travail des véritables producteurs, et tous les phénomènes économiques sont expliqués par les actions des véritables producteurs qui transforment la matière première en biens et services. Le facteur humain est au centre de l'économie et doit la contrôler pour que l'économie puisse acquérir une stabilité et aller de l'avant. Mieux les producteurs véritables comprennent les lois de l'économie socialisée centrée sur l'être humain, mieux se portera l'économie et plus elle sera en harmonie avec ses propres lois.

Un élément important pour comprendre l'économie socialisée est l'établissement de catégories et d'une terminologie qui expliquent son fonctionnement interne et ses lois. La première tâche est de répudier les catégories et la terminologie centrées sur le capital et sa médiation des perceptions de la classe ouvrière.

Un changement fondamental de catégorie et de vocabulaire est que le travail possède une valeur et ne peut être considéré comme un coût. Tout produit ou service produit par le travail, et toute utilité de ce produit ou service pour les êtres humains, contient une valeur et doit être évalué en conséquence. La valeur est dans le travail au présent et au passé, telle que fixée dans des produits de consommation et de production. Le travail ajoute de la valeur à l'économie. Les catégories et termes de la comptabilité centrée sur le capital ne sont d'aucune utilité pour la classe ouvrière et l'économie socialisée et doivent par conséquent être rejetées.

(Prochaine partie : L'introduction d'une méthodologie moderne, de catégories et d'une terminologie modernes pour les comptes économiques, un système de comptes centré sur l'être humain)

Haut de page


Lisez Le Marxiste-Léniniste
Site web:  www.pccml.ca   Courriel: redaction@cpcml.ca