Une Loi sur les préjudices en ligne très problématique
Le gouvernement Trudeau a une fois de plus présenté un projet de loi dit « contre les discours haineux », le projet de loi C-63, la Loi sur les préjudices en ligne, qui, selon lui, « vise à rendre les plateformes numériques responsables du traitement du contenu préjudiciable et de la création d'un espace en ligne plus sécuritaire qui protège toute la population du Canada, en particulier les enfants ».
Le projet de loi précédent, le projet de loi C-36, a fait l'objet d'une large opposition et est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales de 2021. Au cours de l'été et au début de l'automne 2021, le gouvernement a mené ce qu'il a appelé des consultations publiques sur ses projets de réglementation des « préjudices en ligne », mais a ensuite refusé de rendre publics les mémoires et les soumissions qu'il avait reçus. Lorsque les documents ont été rendus publics en réponse à une demande d'accès à l'information, il a été révélé que la grande majorité critiquaient le projet de loi.
Selon le sommaire publié sur le site web du Parlement, le projet de loi « a pour objet de promouvoir la sécurité en ligne des personnes au Canada, de réduire les préjudices qui leur sont causés par le contenu préjudiciable en ligne et de veiller à ce que les exploitants de services de médias sociaux assujettis à la loi soient transparents et tenus de rendre des comptes à l'égard des obligations qui leur incombent au titre de la loi ».
La partie 1 constitue un organisme appelé Commission canadienne de la sécurité numérique dont la mission est de contrôler l'application de la loi aux exploitants de services de médias sociaux qui y sont assujettis et crée le poste d'ombudsman canadien de la sécurité numérique et constitue le Bureau canadien de la sécurité numérique pour soutenir la Commission et l'ombudsman. Elle définit les obligations des opérateurs de médias sociaux et prévoit un mécanisme de plainte.
La partie 2 modifie le Code criminel pour, notamment :
a) ériger en infraction parmi les crimes haineux le fait de commettre une infraction prévue à cette loi ou à toute autre loi fédérale en étant motivé par de la haine fondée sur certains facteurs;
b) créer un engagement de ne pas troubler l'ordre public se rapportant à la propagande haineuse et aux crimes haineux;
c) définir « haine » pour l'application de la nouvelle infraction et des infractions de propagande haineuse;
d) augmenter les peines maximales pour les infractions de propagande haineuse.
La partie 3 modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne pour prévoir que le fait de communiquer ou de faire communiquer un discours haineux au moyen d'Internet ou de tout autre mode de télécommunication dans un contexte où le discours haineux est susceptible de fomenter la détestation ou la diffamation d'un individu ou d'un groupe d'individus sur le fondement d'un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. Elle permet à la Commission canadienne des droits de la personne d'examiner les plaintes qui allèguent la perpétration d'un tel acte discriminatoire et confère au Tribunal canadien des droits de la personne le pouvoir d'instruire ces plaintes et d'ordonner des mesures de redressement.
La partie 4 modifie la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet.
La partie 5 prévoit une disposition de coordination.
Le Parti conservateur a annoncé son opposition, accusant le gouvernement « d'interdire les opinions qui contredisent l'idéologie radicale du premier ministre ». Le NPD soutient le projet de loi mais demande des amendements « pour améliorer la transparence des algorithmes ».
L'Association canadienne
des
libertés civiles (ACLC) a demandé des amendements,
estimant que
les « sanctions draconiennes » prévues par le projet
de loi
risquaient d'entraver la liberté d'expression. Par
exemple, une
personne reconnue coupable d'avoir préconisé un génocide
pourrait être condamnée à la prison à vie, au lieu de
cinq ans
de prison. Certains membres du gouvernement affirment
déjà que
le slogan de soutien à la Palestine « Du fleuve à la
mer »
est un appel au génocide.
Noa Mendelsohn Aviv, directrice exécutive de l'ACLC, a déclaré : « Le projet de loi C-63 risque de censurer un large éventail d'expressions, allant des reportages journalistiques aux saines discussions entre jeunes de moins de 18 ans sur leur propre sexualité et sur leurs relations interpersonnelles. » Elle a ajouté : « Les trop larges contraintes juridiques frappant l'expression contenues dans le projet de loi risquent d'entraver les échanges publics et de criminaliser le militantisme politique. »
Le professeur Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'Internet et du commerce électronique de l'Université d'Ottawa, a dit que les définitions fournies d'incitation à la violence, à la haine et à l'intimidation pourraient être utilisées de manière « excessive ». Il écrit également que « la Commission de la sécurité numérique, mal conçue, qui ne dispose même pas des règles de preuve les plus élémentaires, peut mener des audiences secrètes et s'est vu accorder un éventail étonnant de pouvoirs avec un contrôle limité. Ce n'est pas une invention. Par exemple, l'article 87 du projet de loi stipule littéralement que 'la Commission n'est pas liée par les règles juridiques ou techniques applicables en matière de preuve'. »
« Les dispositions du Code criminel sont indéfendables : elles prévoient réellement des peines pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité pour la commission d'un crime motivé par la haine (article 320.1001 sur l'infraction motivée par de la haine) et comportent des règles qui introduisent des engagements de ne pas troubler l'ordre public pour la possibilité d'une future infraction motivée par la haine, avec l'obligation de porter un dispositif de surveillance parmi les conditions disponibles (article 810.012 sur la crainte d'une infraction de propagande haineuse ou d'un crime haineux).
« Les modifications apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne ouvrent la porte à l'instrumentalisation des plaintes pour communication en ligne d'un discours haineux 'susceptible de fomenter la détestation ou la diffamation d'un individu ou d'un groupe d'individus sur le fondement d'un motif de distinction illicite' (article 13.1). Les sanctions vont en effet jusqu'à 20 000 dollars pour le plaignant et jusqu'à 50 000 dollars pour le gouvernement (article 53.1). » C'est également vrai que les personnes qui portent plainte peuvent rester anonymes et que, par conséquent, la personne accusée n'est pas en mesure de confronter ou d'interroger son accusateur.
Qui décide de ce qui
constitue un
crime haineux et en fonction de quels critères est devenu
une
question très controversée et immédiate pour les
Canadiens. Des
milliers de Canadiens sont entrés en action depuis que le
régime
sioniste israélien a annoncé son agression contre Gaza,
le 8
octobre dernier, en appui à la résistance palestinienne
et au
droit des Palestiniens d'être. Des représentants du
gouvernement, du premier ministre Trudeau aux premiers
ministres
des provinces, aux maires et à d'autres, ont qualifié ces
actions de promotion de la haine. Certains sont allés
jusqu'à
accuser des personnes et des organisations qui s'opposent
aux
crimes de guerre d'Israël de soutenir le génocide,
c'est-à-dire
les événements du 7 octobre lorsque la résistance
palestinienne
a mené l'opération Déluge d'Al Aqsa en Israël. Depuis la
première action de masse à Toronto le 9 octobre,
condamnée par
le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, et la
mairesse de
Toronto, Olivia Chow, pour avoir fait la promotion de la
«
haine », le maintien de l'ordre à toutes les actions
soutenant le peuple palestinien est assuré par l'Unité
des
crimes haineux des services de police de Toronto.
L'intention du gouvernement avec cette loi est de se donner les moyens de réglementer et de censurer les pages web et les comptes de médias sociaux, ainsi que ceux qui les gèrent, au nom de la protection contre les « préjudices ». Les Canadiens ont déjà fait l'expérience d'un État qui prend pour cible les opinions et les activités d'individus et d'organisations, comme ceux qui soutiennent la Palestine, la résistance des défenseurs autochtones de l'eau et de la terre, qui s'opposent au racisme de l'État, aux mauvais traitements des femmes et des filles, de la communauté LGBTQ2S+ et qui appellent à un changement fondamental. Les fausses allégations et accusations de terrorisme, d'« extrémisme » et de « haine » de la part de l'État sont également connues.
Cette loi vise à renforcer
la
capacité de l'État à fermer les pages web et les comptes
de
médias sociaux qu'il juge « haineux » et à pénaliser
les
personnes impliquées, y compris en les emprisonnant. Elle
vise
également à supprimer toute discussion entre les
Canadiens sur
les critères qui permettraient de déterminer ce qu'est un
crime
de « haine », afin que ces critères ne soient pas
utilisés
pour criminaliser le droit de parole. Il n'y a pas lieu
de
discuter de la nécessité d'utiliser le terme «
haine » pour
désigner un crime, étant donné qu'il est invariablement
défini
de manière arbitraire et préjudiciable aux personnes et
qu'il
existe déjà des lois sur la discrimination. L'expérience
montre
également que ces lois ne bloquent pas la propagande
raciste et
pronazie, qu'elle soit le fait de l'État ou d'autres
personnes,
alors qu'elles s'attaquent aux droits d'expression et de
conscience des citoyens.
Le projet de loi C-63 inscrira dans la loi et les règlements les attaques les plus violentes contre les droits que l'État et les intérêts qu'il sert jugent nécessaires pour réprimer les mouvements populaires, contre la répression coloniale actuelle des peuples autochtones, pour un gouvernement antiguerre et pour investir le peuple du pouvoir. Au cours des cinq derniers mois, on a assisté à une augmentation considérable de la pratique médiévale consistant à diffamer les gens en lançant des attaques personnelles contre eux, à semer le doute publiquement sur leur personnalité et à utiliser le pouvoir d'un bureau pour congédier les gens en raison de leurs opinions.
Le projet de loi présente les Canadiens comme des racistes, des promoteurs de la haine, alors qu'il est clair que c'est l'État qui organise et encourage les attaques racistes contre différents collectifs du peuple. Le recours à la désinformation et à des lois comme la Loi sur les préjudices en ligne impose un tabou sur toute discussion, tandis que ceux qui sont au pouvoir et qui commettent des crimes contre le peuple sont protégés. Le but est d'accroître les pouvoirs de police du gouvernement afin de réprimer et de criminaliser le droit humain de s'exprimer et de s'organiser tout en s'efforçant de diviser le corps politique, et ce, tout en prétendant les protéger. Ça ne doit pas passer !
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 21 - 28 mars 2024
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