Les défenseurs de la terre haudenosaunee affirment le droit d'être

Le 13 décembre, le juge Paul Sweeny de la Cour supérieure de l'Ontario a accordé une injonction permanente à Foxgate Developments, interdisant aux défenseurs de la terre haudenosaunee de réclamer leur propre terre près de la ville de Caledonia. Foxgate Developments jouit maintenant du plein poids de la justice coloniale appuyée par la force armée de la Couronne pour aller de l'avant et bâtir 218 maisons dont la construction devait commencer en novembre 2022.

Les défenseurs de la terre haudenosaunee ont farouchement défendu leur autorité souveraine sur la parcelle de terre qu'ils appellent le 1492 Land Back Lane depuis juin 2020, résistant aux arrestations, aux attaques armées de la police et aux menaces sans fin. La Couronne, affirment-ils, n'a pas le droit d'autoriser le développement puisqu'il n'y a pas eu de « consentement préalable, libre et éclairé » – un principe clé de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones – de la part des Six Nations autorisant la Couronne à aller de l'avant avec ce projet.

De plus, les défenseurs de la terre ont dit qu'ils luttaient pour garantir que leur territoire demeure disponible aux générations futures. Moins de 5 % des 384 451 hectares de terrain initiaux nommés le Tract Haldimand, et désignés en tant que territoire des Six Nations par les Britanniques en reconnaissance de leur alliance avec la Couronne pendant la guerre révolutionnaire américaine, appartient encore aux Six Nations.

La décision du juge Sweeny est basée sur la Loi sur les Indiens raciste qui ne reconnaît que les conseils de bande élus et mandatés par la Couronne. Le juge a rejeté le plaidoyer de Skyler Williams, porte-parole de 1492 Land Back Lane, et deux autres défendeurs anonymes, en disant qu'ils n'ont pas l'autorité voulue pour parler au nom des Haudenosaunee ou des Six Nations. Le juge Sweeny a dit que l'autorisation d'aller de l'avant avec le projet avait été obtenue par la compagnie des mains du conseil de bande élu, et que par conséquent Foxgate détenait le titre juridique et les permis légaux voulus pour construire sur ces terres[1].

Le juge Sweeny a aussi écrit que Skyler Williams n'avait pas invoqué l'article 35 de la constitution canadienne en matière des droits autochtones pour se défendre et que les défendeurs n'ont pas contesté la légalité des permis obtenus par Foxgate. Il a simplement ignoré le fait que les Haudenosaunee des Six Nations sont un peuple souverain ayant des relations de nation-à-nation entre eux et la Couronne, ce qui a été affirmé historiquement par la Proclamation royale de 1763 et codifié dans le wampum à deux rangs. La décision de la Cour supérieure a une fois de plus imposé la justice coloniale au détriment des droits souverains des Six Nations.

Dans sa décision, le juge Sweeny a fait référence à la décision de 2019 de la Cour suprême qui avait accordé une injonction à Coastal GasLink (CGL) Pipeline contre les défenseurs de la terre qui résistent à la construction du pipeline sur leur territoire sans leur consentement. Il a écrit, en référence à cette décision, que le juge avait aussi souligné que CGL avait les permis légaux et qu'on ne pouvait pas l'entraver, peu importe les « croyances aussi bien-intentionnées soient-elles » des défenseurs de la terre wet'suwet'en. Le juge Sweeny a écrit que les mesures « d'entraide hors la loi » des défenseurs de la terre wet'suwet'en allaient « à l'encontre de l'état de droit » et constituaient un « abus de procédure ».

Avec une arrogance coloniale zélée, le juge Sweeny a sermonné : « En vertu de notre système de droit, les droits de propriété sont sacro-saints. Pour cette raison, les règles qui s'appliquent habituellement aux injonctions ne s'appliquent pas toujours dans des cas comme celui-ci. La prépondérance des inconvénients et d'autres questions peuvent être subordonnées au caractère sacro-saint des droits de propriété dans les questions d'intrusion. »

1492 Land Back Lane a répondu à cette décision illégale et injuste par une déclaration sur sa page Facebook : « La Couronne se base sur l'affirmation des titres de 1853, longtemps après la Proclamation de Haldimand, sans le consentement des Haudenosaunee, à une époque où le peuple autochtone n'avait aucun droit de défendre ses intérêts devant les tribunaux. Le système juridique colonial du Canada est fondamentalement conçu pour nier notre lien inhérent avec nos terres, pour nous déposséder afin d'extraire des ressources et développer notre territoire sans notre consentement. C'est exactement de cette façon que le vol de terres est rendu légal.

« Notre campement a passé chacun des derniers 878 jours à construire notre maison sur 1492 Land Back. Nous allons continuer de cultiver des vergers, chanter nos chansons et occuper notre espace ici. Nous serons libres sur notre terre jusqu'à ce que le Canada se rende compte que nous ne partirons jamais et il en sera ainsi pour les générations futures. » Skyler Williams, porte-parole des défenseurs de la terre haudenosaunee a aussi souligné : « Notre peuple va continuer de vivre pacifiquement au 1492 Land Back Lane. Tout ce qui brisera cette paix sera l'oeuvre des tribunaux, des développeurs et de la police, contre qui nous allons indiscutablement nous défendre. »

Note

1. La prétention du juge Sweeny comme quoi le projet a été approuvé par le conseil de bande des Six Nations est sans fondement. Tout d'abord, les conseils de bande en vertu de la Loi sur les Indiens ont été imposés par la force par le Canada en 1923, interdisant le système de gouvernance ancestral traditionnel des Haudenosaunee. Le système des conseils de bande visait à limiter le pouvoir politique des peuples autochtones et à réduire leurs réclamations ancestrales et historiques, les déplacer de leurs terres et les assimiler dans le corps politique canadien. L'« entente » par laquelle le conseil de bande a accepté de publiquement appuyer le projet domiciliaire McKenzie Meadows de Foxgate Developments et de « ne pas faire lui faire obstruction, d'aider à étouffer toute protestation et d'appuyer les compagnies de développement immobilier » a été signée en 2019. Foxgate Developments a aussi donné 200 000 dollars au conseil de bande élu en échange de son « consentement ». Le projet n'a pas eu l'appui du conseil des chefs de la Confédération des Haudenosaunee ni de la majorité des Haudenosaunee. (Aboriginal Peoples Television News)

(Avec des informations de CBC, 1492 Land Back Lane, Cour supérieure de l'Ontario)


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Volume 53 Numéro 2 - Février 2023

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