22 mai 2018


Changements à la Loi sur le financement des élections en Ontario

L'augmentation du financement des partis
politiques par l'État illustre le besoin de financer
le processus et non les partis

Les élections ontariennes du 7 juin sont menées en vertu de la Loi sur le financement des élections amendée. Les changements apportés par les libéraux ne favorisent pas le corps politique. Au contraire, au nom de renforcer la démocratie et de la protéger contre les pratiques de corruption, les amendements renforcent les positions privilégiées des soi-disant grands partis. L'inégalité entre les candidats et les partis politiques autorisés devient encore plus prononcée. Cela augmente également le fossé entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés. Autrement dit, cela démontre de façon frappante l'absence d'égalité parmi les membres qui composent un corps politique divisé entre ceux qui gouvernent et ont accès aux privilèges, et ceux qui sont gouvernés et n'y ont pas accès.

Dans l'ensemble, les modifications renforcent les aspects négatifs de la Loi sur le financement des élections , à savoir que tout le processus électoral sert à imposer au corps politique l'ordre du jour des riches et des puissants au pouvoir et à étouffer toute discussion sur les questions qui préoccupent la population de l'Ontario et sur ce qui pourrait être fait pour fournir des solutions aux problèmes.

Un des amendements concerne le financement public des partis politiques. Ils contribuent à transformer de plus en plus les partis politiques en appendices de l'État, plutôt qu'en une expression du droit d'association des gens où ce sont les membres qui décident des politiques et recueillent des fonds. Le financement de l'État rend ces organisations redevables à l'État et non à leurs membres.

En décembre 2016, les partis politiques de l'Assemblée législative de l'Ontario ont adopté à l'unanimité une loi prévoyant un généreux financement de l'État pour compenser l'interdiction des contributions politiques des entreprises et des syndicats ainsi que les limites du montant des contributions individuelles. Ceci s'ajoute aux remboursements des dépenses électorales déjà en place pour les partis politiques et les candidats qui atteignent certains seuils. Aux dernières élections, ces remboursements totalisaient 1,2 million $ pour les partis politiques à l'Assemblée législative et 3,1 millions $ pour leurs candidats.

L'attribution de fonds publics aux partis politiques en fonction de leurs résultats aux élections précédentes est manifestement injuste pour de nombreuses raisons. Elle détruit encore plus ce qui est censé être une situation équitable pour tous ceux qui sont sur un pied d'égalité dans l'exercice de leur droit d'élire et d'être élus. Si les fonds publics doivent être fournis aux partis politiques et aux candidats, le principe démocratique exige que tous soient financés de manière égale ou pas du tout. Ce problème est aggravé par le fait que les médias de l'establishment couvrent les élections à partir du concept que le public a besoin d'entendre seulement les trois partis politiques qui, selon eux, ont une chance de former un gouvernement de parti. Même un quatrième parti qui présente des candidats dans chaque circonscription n'est pas considéré comme un prétendant sérieux pour former un gouvernement de parti et est donc exclu de ce qu'on appelle le débat des chefs.

En outre, le régime de financement public des partis politiques que l'establishment considère comme des prétendants au pouvoir est un stratagème pour que l'ordre du jour des riches et des puissants soit imposé au corps politique par ces partis et par la couverture médiatique, y compris par ce qu'on appelle les débats des chefs. Dire que ces prétendants à l'establishment font un travail d'organisation politique alors que leur rôle est de priver l'électorat de pouvoir est une blague de mauvais goût. Ils ne jouent aucun rôle dans la politisation de l'électorat et n'informent pas l'électorat des problèmes auxquels la société est confrontée pour les mobiliser dans la solution de ces problèmes. La division de la société entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés fait en sorte que les citoyens sont marginalisés et réduits à celui d'électeurs dont la seule tâche est de mettre un de ces partis dans une position où il peut former un gouvernement de parti. Tout le cirque est organisé pour s'assurer que celui qui gagne semble avoir acquis le consentement des gouvernés. Tout le pouvoir de décision leur revient et ils ne représentent pas le peuple mais le souverain qui, dans le cas de l'Ontario, est la reine d'Angleterre en tant que façade d'affaires pour les intérêts privés des plus puissants du monde.

Le produit intérieur brut (PIB) de l'Ontario représente 40 % du PIB du Canada. Ce n'est pas rien. Qui exerce le pouvoir de décision est une décision que les riches ne vont pas laisser au hasard. Penser autrement, c'est être naïf, c'est le moins qu'on puisse dire.

Une approche moderne du financement des élections requiert qu'on mette fin à tous les fonds qui maintiennent le pouvoir et les privilèges des partis politiques de l'establishment. Au lieu de financer les partis politiques et les candidats individuels, les fonds publics devraient être utilisés par une autorité publique chargée de financer le processus afin de garantir le droit d'élire et d'être élu. L'autorité devrait garantir le droit à un vote éclairé et créer des conditions permettant aux électeurs d'exprimer leurs préoccupations et de discuter des solutions aux problèmes. Les candidats qui travaillent à la mise en oeuvre de ces solutions pourraient être choisis par les électeurs parmi leurs pairs. Les partis politiques devraient fonder leurs campagnes sur des fonds recueillis uniquement par leurs propres membres et supporters et par leurs activités. Sont-ils capables de mobiliser leurs membres et supporters pour parvenir à être élus sans la myriade d'avantages injustes dont ils jouissent maintenant ? L'idée même qu'en les élisant, ceux qui votent pour eux vont en tirer quelque chose pour eux-mêmes est corrompue et encourage la corruption ! Il faut instaurer un processus électoral administré publiquement où les partis politiques et les candidats ont des chances égales de succès. Le simple fait qu'un parti ou un candidat politique ait accès à des donateurs fortunés, en particulier des fonds publics, ne devrait pas déterminer leur statut politique.

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