11 mai 2018


Les travailleurs parlent de leurs préoccupations

Les travailleurs de General Electric à Peterborough
en butte à des injustices


D'anciens travailleurs de GE à Peterborough et leurs familles réclament justice
à Queen's Park le 8 mars 2018

Ontario Political Forum  : Votre comité lutte pour la reconnaissance des cas de travailleurs exposés à des produits chimiques toxiques pendant des années à l'usine GE à Peterborough et pour une indemnisation adéquate pour eux et leurs survivants. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette exposition aux produits toxiques ?

Sue James : L'usine GE de Peterborough produisait des moteurs de toutes dimensions et des génératrices. Moi-même j'y suis entrée en 1974 et j'ai pris ma retraite en 2014. J'ai grandi à Peterborough. Mon père y a travaillé de 1947 à 1983. Des gens de tous les coins de la ville et des localités environnantes y ont travaillé. C'était une communauté tissée serrée. Tout le monde se connaissait à l'usine. Quand j'y ai débuté en 1974, il y avait environ 5000 travailleurs dans cette usine.


Sue James à la Journée des travailleurs accidentés le 1er juin 2017

Pendant mes années de travail et particulièrement à partir de 1977, nous nous sommes rendus compte que beaucoup de gens mouraient encore jeunes et plusieurs du cancer. Nous utilisions de l'amiante de façon régulière, environ 500 livres d'amiante par semaine, et l'usine utilisait en plus 40 carcinogènes connus dans la production. Nous avons commencé à nous poser des questions dans le comité de santé-sécurité de l'usine et nous remarquions que de nombreuses personnes décédaient, certaines à 55, 50 et même 39 ans. Un grand nombre de travailleurs sont morts du cancer et de maladies du coeur.

Vers 1978, nous avons essayé d'en savoir plus et nous avons posé des questions : « Pourquoi cela se produit-il ? Pourquoi tant de nos gens meurent-ils jeunes de cancer ? » Chaque fois on nous répondait des choses comme, « Toute sorte de monde meurt de cancer, ce n'est pas relié au travail », « Êtes-vous un fumeur ? » etc.

Récemment nous avons intensifié nos efforts et un groupe de travailleurs, environ 75 d'entre nous, a essayé de prendre note des processus qui étaient à l'oeuvre à différents moments dans l'usine. Nous avons écrit un rapport consultatif à partir des témoignages des gens au sujet des produits chimiques avec lesquels ils ont travaillé. Nous avons reçu l'aide des chercheurs Bob et Dale Matteo et Unifor nous a aidés à publier le rapport. [1] Nous l'avons présenté à la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAA) en Ontario. Il y a aussi un autre groupe qui travaille sur ce dossier, la Coalition en santé et environnement au travail de Peterborough.

Nous avons aussi tenu des réunions avec le Centre de santé des travailleurs de l'Ontario, avec le Bureau des conseillers des travailleurs et avec le ministère du Travail. Nous avons fait valoir que le régime actuel d'indemnisation des travailleurs est inadéquat, qu'il n'est pas conçu pour traiter le genre de problèmes complexes que nous lui soumettons. En septembre 2017, la CSPAAT nous a dit qu'elle va réexaminer 250 cas de réclamations qui avaient été rejetées. Il y avait de nouvelles preuves scientifiques, alors ils ont dit qu'ils examineraient notre rapport. Au moment où on se parle, 60 des 250 réclamations rejetées dans le passé ont été acceptées et dans 66 cas, le rejet a été maintenu. C'est un processus très difficile parce qu'il n'est pas transparent. Nous avons demandé à connaître les chiffres parce qu'en raison de la confidentialité nous ne pouvons pas connaître les noms. Nous voulons que les dossiers soient classés par cancer ce qui nous donnerait une idée du processus qui est suivi. Et nous voulons savoir aussi ce qui va se produire avec les nouvelles réclamations qui sont faites. Ils essaient de nous tenir à l'écart. Ils ne veulent pas que nous sachions ce qui se passe. Nous nous connaissions tous à l'usine. Ils ne veulent pas qu'on soit capable de faire les corrélations. La majorité des travailleurs sont morts. Une grande partie des gens que nous aidons à s'orienter dans ce régime très complexe sont les veufs et les veuves et les enfants d'âge adulte des travailleurs. Pendant ce temps, 119 nouvelles réclamations se sont ajoutées parce que d'autres travailleurs sont devenus malades. Nous disons aux gens dans la communauté de déposer une réclamation dès qu'ils deviennent malades pour des raisons qu'ils croient reliées au travail. C'est le rôle que joue notre équipe-conseil, elle aide les gens à déposer une réclamation.

Le gouvernement a annoncé récemment la nomination du Dr. Paul Demers, qui siège sur le Centre de recherche sur le cancer professionnel en Ontario, pour qu'il présente une vue d'ensemble sur les maladies professionnelles en Ontario. Je suis sceptique face à cela. Pourquoi n'ont-ils pas fait cette étude il y a longtemps ? Une élection va se tenir en juin. Cela soulève plusieurs questions. Qu'est-ce qui va arriver si ce ministre qui vient de faire cette nomination n'est pas réélu ? Avec l'élection qui vient, j'ai bien peur que nous ayons perdu un temps précieux à espérer que le ministre allait faire quelque chose pour nous.

On a essayé de nous prendre de court à plusieurs reprises. On vient d'annoncer maintenant que l'usine GE va fermer en septembre. Si l'usine va fermer, pourquoi ne pas demander des comptes aux propriétaires non seulement pour la restauration de l'environnement mais pour les décès des travailleurs ? Est-ce qu'ils peuvent juste se laver les mains de tout cela et dire bonsoir on ferme ?

OPF : Dans cette situation, qu'est-ce que vous cherchez à réaliser ? Quelles sont vos revendications ?

SJ : Nous voulons la justice, un système juste qui examine la maladie professionnelle au bénéfice de tous les travailleurs accidentés du Canada. Les gens mènent une existence précaire parce qu'ils n'ont pas voix au chapitre. D'après moi, c'est de l'abus de pouvoir. Ces travailleurs sont allés à l'usine jour après jour, ils ont payé leurs impôts et contribué à la vie de la communauté, et il semble maintenant que leurs vies n'avaient pas de valeur.

Nous voulons que la maladie professionnelle soit reconnue, que ce qui s'est passé à l'usine soit reconnu. Ce n'est pas seulement l'indemnisation qui est importante, c'est l'admission de ce qui s'est passé. Les gens ont besoin que le dossier soit réglé et que justice soit faite.

Nous avons tenu notre première assemblée publique le 18 avril. La participation a été très bonne, environ 140 personnes. Notre comité consultatif se réunit régulièrement pour faire le point sur la situation. Nous voulons nous joindre aussi au Réseau ontarien des groupes de travailleurs accidentés et aux autres organisations de travailleurs accidentés, faire encore plus de bruit. Lors de notre assemblée publique, nous avons demandé aux participants de remplir un questionnaire, d'écrire ce qu'ils ont vécu, de décrire les problèmes qu'ils ont connus en contactant la CSPAAT, si la commission leur a répondu, s'il y a eu des délais, etc. Certaines de ces réclamations datent de 23 ans. Nous avons amassé de l'information sur les problèmes auxquels les gens font face et allons concentrer tout cela dans une lettre collective en leur nom, à l'intention de la CSPAAT, du ministre du Travail, qui montre que ces problèmes existent, ces problèmes systémiques. Nous essayons d'obtenir la tenue d'une enquête publique sur le régime d'indemnisation.

Nous voulons être la voix de ceux qui ne sont plus là. Nous voulons qu'un grand groupe d'ici se rende à Queens Park le 1er juin pour la Journée des travailleurs blessés. Nous l'avons fait l'année dernière. Nous devons faire des liens avec tous ces groupes pour avoir une voix plus forte. Il y a toute une génération qui doit être protégée.

Note

 1 . Report of the Advisory Committee on Retrospective Exposure Profiling of the Production Processes at the General Electric Production Facility in Peterborough, Ontario -- 1945-2000 - Février 2017

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